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FUSIONS POÉTIQUES - Page 18

  • Saskia Boelsums

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    Le désespoir nous rend ridicules

     

    Ma cuisinière à gaz aura bientôt 20 ans…

    la porte du four ferme mal

    les boutons sont cramés

    et une crasse graisseuse a comblé le moindre interstice

     

    Il pleut de l’eau grise et des feuilles

    la nature se prépare pour le solstice

    elle n’a aucun mal à se dépouiller

    ni à se rouler dans la boue

     

    Elle se fout de Noël qui ne la concerne pas

    elle sait que la lumière revient

    et que dans quelques mois

    ce sera l’orgie et l’extase

     

    in À la loupe

     

     

  • Lily Seika Jones

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    TERRE DU QUERCY

     

    Que m’as-tu fait terre, terre de chênes, m’aurais-tu enchainée ? Envoûtée à tes sources secrètes, ton sol osseux, tes bras de genièvre ? Tu m’offres ta couche de pelouse sèche où se pressent pelures d’univers, mondes miniatures enchanteurs et cruels. Que m’as-tu fait terre du Quercy ? Des racines me poussent, je me noie dans ton ciel. Les oiseaux me parlent et je capte la langue nomade des nuages sans même plus avoir le désir de les suivre. Que m’as-tu fait ? Agenouillée dans ton hiver, je guette avide tes premières érections printanières, tes orchis clitoris. Qu’as-tu fait terre pour que je me sente si ancienne entre la rose chienne et les sortilèges du chèvrefeuille ? J’arpente tes courbes et tu me découvre les secrets de ton causse. Me rendras-tu fertile et profonde comme l’échancrure de tes combes et vallées ? Te joues-tu de moi pour que je me sente reine avec des bois sur la tête ? M’enverras-tu tes chasseurs ? La bête se cache et je deviens ta bête, ô terre du Quercy.

    J’entends rire les arbres et pleurer aussi. Et tout leur travail d’arbre. Les écorces me dévoilent le trésor de leur art, ma chevelure s’emmêle de lichen et de mousse.

    Plus de sept ans que tu me tiens sous tes charmes, pays d’Avalon d’Occitanie. Tes pierres, tes eaux, parlent plus que les hommes. Tu m’apprends ça aussi, à me taire, terre du Quercy.

    Tes galets remplissent mes poches, tes branches, tes racines rampent jusqu’à ma porte.

    Que veux-tu ? Que je sois chêne parmi les chênes, que j’y perde ainsi mes chaînes d’humanité ? Ou bien m’acceptes-tu jardinière, poète, contemplatrice.

    Terre du Quercy, je sais qu’autrefois tu as connu bien plus de vie. Aujourd’hui sur ta peau broussailleuse ce sont les pèlerins et autres amoureux des chemins qui te caressent.

    Certains peut être te font même l’amour.

    Terre de beauté, prends-moi encore contre ton sein, que j’y sente couler la sève des rêves.

     

    2009

     

     

     

     

  • Elnur Babayev - Capitalisme

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    Grisaille. Absence de couleur. Couverture sale jetée à la face du monde. Gouffre de pleurs, tourbillons aveuglants, tripes lacérées. Galops brûlants qui martèlent les tempes, coursiers du néant, étendards de malheur, sursauts et ricanements ! Il y a des créatures immondes qui s'agitent dans la boue, un cauchemar dans lequel on ne peut même pas hurler. Des éclaboussures épaisses en dégueulis sur les cœurs, âcres, noires, fétides. Cavernes, trous de rats, sans paillasse, sans lumière, des barreaux imprimés, code-barres... Quelque chose qui nous tire par les pieds, bras invisibles qui nous entraînent du côté des mourants, de la vermine et du suintant, dans la sale gueule d'une folie pas remboursée par la sécurité sociale.

     

    in Calepins voyageurs et après ?

     

     

  • Cara Barer - Found Reference - 2004

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    VIEILLIR

     

    au fil du temps

    qui s’émousse

    l’âme se patine

    le corps se débine

    les dents fondent

    dans la bouche

    le cheveu blanchit

    la peau se fripe

    chaque cicatrice

    réapparaît

    veut conter

    son histoire

    les invisibles parfois

    pleurent encore

    en silence

    le corps comme

    un vieux livre

    dont les pages

    jaunissent

    combien encore

    à tourner ?

    l’horloge bloquée

    sur l’heure de

    la décrépitude

    un demi-siècle

    a sonné

    le cœur pourtant

    semble solide

    dessinées sur les pages

    des cartes de territoires

    s’en retournent en jachère

    la terre appelle la chair

    quelques poèmes peut-être

    dont l’encre s’efface

    des partitions de frissons

    d’exultations

     

     

    et puis des pages sales

    des pages piquées

    de chagrins

    quelques grandes auréoles

    noires sur des pages

    muettes

    des pages trouées

    des pages envolées

    aussi

    qu’on ne retrouvera

    plus jamais

    des pages qui tremblent

    sous le vent qui les tourne

    et voudrait les arracher

    des pages et des pages

    du déjà vieux et lourd

    livre du corps

    de plus en plus transparentes

    pourtant

    et à travers lesquelles

    il est bon de voir l’âme

    phosphorescente

    radiante à la proue

    du vaisseau du cœur

    âme capitaine

    âme mousse

    âme sirène

    l’âme étoile

    immortelle

    le poème qui passe

    de livre en livre

    de bouche en bouche

    de vie en vie

    de brin à brin

    le poème

    que la peau aime

    sentir au-dedans

     

    in Histoires d'amour, histoire d'aimer

     

     

  • Georges Lacombe

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    emporte

     

    vague emporte-moi

    sur tes rouleaux charmants

    princesse aux mille doigts

    fleur de sel et de vent

    va roule-moi tout au fond

    donne-moi l'ivresse mauve

    et le tendre écrin blond

    d’un cercueil de sable

     

    in D'ombres

     

     

     

  • Gustave Moreau - La Chimère - 1867

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    ÉPHÉMÉRIDES

     

    captation de source

    pour nourrir la chimère

    préserver le désir

    assurer ses jouissances

     

    n’appartenir à personne

     

    configuration

    qui convient sûrement

    pour un temps

    ou parce que

    tout simplement

     

    magnifier mythifier

    pour nourrir la chimère

    entretenir la flamme

    la nécessité de jouissance

     

    peau cédée

    sans posséder

     

    et les amants songent…

     

    in Salines

     

  • Anna Kubinyi

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    la lune a coulé

    dans le puits des pupilles

    patient, il attend

    la femme rouge

    celle qui jaillit

    de la gueule de jade

    du grand lézard

    celle qui révèle

    les secrets des racines

    la langue des écorces

    la magie des sèves

    le pouvoir du cœur

     

    in Oniromancie