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FUSIONS POÉTIQUES - Page 18

  • Lily Seika Jones

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    TERRE DU QUERCY

     

    Que m’as-tu fait terre, terre de chênes, m’aurais-tu enchainée ? Envoûtée à tes sources secrètes, ton sol osseux, tes bras de genièvre ? Tu m’offres ta couche de pelouse sèche où se pressent pelures d’univers, mondes miniatures enchanteurs et cruels. Que m’as-tu fait terre du Quercy ? Des racines me poussent, je me noie dans ton ciel. Les oiseaux me parlent et je capte la langue nomade des nuages sans même plus avoir le désir de les suivre. Que m’as-tu fait ? Agenouillée dans ton hiver, je guette avide tes premières érections printanières, tes orchis clitoris. Qu’as-tu fait terre pour que je me sente si ancienne entre la rose chienne et les sortilèges du chèvrefeuille ? J’arpente tes courbes et tu me découvre les secrets de ton causse. Me rendras-tu fertile et profonde comme l’échancrure de tes combes et vallées ? Te joues-tu de moi pour que je me sente reine avec des bois sur la tête ? M’enverras-tu tes chasseurs ? La bête se cache et je deviens ta bête, ô terre du Quercy.

    J’entends rire les arbres et pleurer aussi. Et tout leur travail d’arbre. Les écorces me dévoilent le trésor de leur art, ma chevelure s’emmêle de lichen et de mousse.

    Plus de sept ans que tu me tiens sous tes charmes, pays d’Avalon d’Occitanie. Tes pierres, tes eaux, parlent plus que les hommes. Tu m’apprends ça aussi, à me taire, terre du Quercy.

    Tes galets remplissent mes poches, tes branches, tes racines rampent jusqu’à ma porte.

    Que veux-tu ? Que je sois chêne parmi les chênes, que j’y perde ainsi mes chaînes d’humanité ? Ou bien m’acceptes-tu jardinière, poète, contemplatrice.

    Terre du Quercy, je sais qu’autrefois tu as connu bien plus de vie. Aujourd’hui sur ta peau broussailleuse ce sont les pèlerins et autres amoureux des chemins qui te caressent.

    Certains peut être te font même l’amour.

    Terre de beauté, prends-moi encore contre ton sein, que j’y sente couler la sève des rêves.

     

    2009

     

     

     

     

  • Elnur Babayev - Capitalisme

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    Grisaille. Absence de couleur. Couverture sale jetée à la face du monde. Gouffre de pleurs, tourbillons aveuglants, tripes lacérées. Galops brûlants qui martèlent les tempes, coursiers du néant, étendards de malheur, sursauts et ricanements ! Il y a des créatures immondes qui s'agitent dans la boue, un cauchemar dans lequel on ne peut même pas hurler. Des éclaboussures épaisses en dégueulis sur les cœurs, âcres, noires, fétides. Cavernes, trous de rats, sans paillasse, sans lumière, des barreaux imprimés, code-barres... Quelque chose qui nous tire par les pieds, bras invisibles qui nous entraînent du côté des mourants, de la vermine et du suintant, dans la sale gueule d'une folie pas remboursée par la sécurité sociale.

     

    in Calepins voyageurs et après ?

     

     

  • Cara Barer - Found Reference - 2004

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    VIEILLIR

     

    au fil du temps

    qui s’émousse

    l’âme se patine

    le corps se débine

    les dents fondent

    dans la bouche

    le cheveu blanchit

    la peau se fripe

    chaque cicatrice

    réapparaît

    veut conter

    son histoire

    les invisibles parfois

    pleurent encore

    en silence

    le corps comme

    un vieux livre

    dont les pages

    jaunissent

    combien encore

    à tourner ?

    l’horloge bloquée

    sur l’heure de

    la décrépitude

    un demi-siècle

    a sonné

    le cœur pourtant

    semble solide

    dessinées sur les pages

    des cartes de territoires

    s’en retournent en jachère

    la terre appelle la chair

    quelques poèmes peut-être

    dont l’encre s’efface

    des partitions de frissons

    d’exultations

     

     

    et puis des pages sales

    des pages piquées

    de chagrins

    quelques grandes auréoles

    noires sur des pages

    muettes

    des pages trouées

    des pages envolées

    aussi

    qu’on ne retrouvera

    plus jamais

    des pages qui tremblent

    sous le vent qui les tourne

    et voudrait les arracher

    des pages et des pages

    du déjà vieux et lourd

    livre du corps

    de plus en plus transparentes

    pourtant

    et à travers lesquelles

    il est bon de voir l’âme

    phosphorescente

    radiante à la proue

    du vaisseau du cœur

    âme capitaine

    âme mousse

    âme sirène

    l’âme étoile

    immortelle

    le poème qui passe

    de livre en livre

    de bouche en bouche

    de vie en vie

    de brin à brin

    le poème

    que la peau aime

    sentir au-dedans

     

    in Histoires d'amour, histoire d'aimer

     

     

  • Georges Lacombe

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    emporte

     

    vague emporte-moi

    sur tes rouleaux charmants

    princesse aux mille doigts

    fleur de sel et de vent

    va roule-moi tout au fond

    donne-moi l'ivresse mauve

    et le tendre écrin blond

    d’un cercueil de sable

     

    in D'ombres

     

     

     

  • Gustave Moreau - La Chimère - 1867

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    ÉPHÉMÉRIDES

     

    captation de source

    pour nourrir la chimère

    préserver le désir

    assurer ses jouissances

     

    n’appartenir à personne

     

    configuration

    qui convient sûrement

    pour un temps

    ou parce que

    tout simplement

     

    magnifier mythifier

    pour nourrir la chimère

    entretenir la flamme

    la nécessité de jouissance

     

    peau cédée

    sans posséder

     

    et les amants songent…

     

    in Salines

     

  • Anna Kubinyi

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    quand il ouvre les yeux

    la lune pénètre

    le fond de son regard

    patient, il attend 

    la femme rouge

    celle qui jaillit

    de la gueule de jade 

    du grand lézard

    et qui lui révèle

    les secrets des racines

    la langue des écorces

    la magie des sèves

    le pouvoir du cœur

     

    in Oniromancie

     

     

     

  • Anne Siems - Courage - 2018

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    Elle refuse la nostalgie, le découragement et elle garde jalousement ce qui la remplit, une braise à couver. Elle la nourrit et elle se nourrit et même si ce n’est que du rêve, bon dieu que c’est riche !

    Des ombres tentent de la tirer en arrière, des regrets, des illusions pas faciles à enterrer et pourtant elle sait bien qu’elle n’a pas d‘autre choix que celui d’avancer. Pas de hasard, chaque rencontre a un sens.

     

    in Journal 1999

     

     

     

  • Antonio Palmerini

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    Je marche.

    Je dois marcher.

     

    Le ciel a mordu. Les chiens sont lâchés.

    Dans les poitrines, les cœurs s’épavent.

    On offre les hirondelles aux crocs du boucher.

     

    Partout, s’installent des cirques funèbres.

     

    Les ébréchés se font berner par les miroirs.

    Torpeur... Foutoir irrespirable.

     

    Je dois marcher.

     

    in Fugitive, Cardère 2014

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • De la vie et de l'amour

    J'avais 19 ans quand j'ai écrit ça et je me débattais dans la dépression, j'étais différente, depuis longtemps je le savais et je cachais cette différence comme une maladie honteuse, je la cachais avec un crayon ou une machine à écrire (haaaa, la machine à écrire !) sur des feuilles, des cahiers, je la cachais dans mes fumées de joints aussi, dans mes fugues diverses et variées et tout ce que je pouvais trouver pour faire écran, entre moi et moi, entre moi et le monde. Un jour, vers mes 30 ans, j'ai retourné ma peau et j'ai commencé à montrer à ce monde, tout ce qu'il y avait d'écrit dessus, partout, couches sur couches, sur mes organes, mes muscles, mes nerfs, toute l'encre qui se baladait dans mon sang. Grâce à internet, je pouvais le faire cachée derrière un écran encore, à l'abri, et ce que je suis aujourd'hui découle de ces premiers pas dans le monde, ma naissance en tant que poète, artiste (singulière, c'est à dire hors du groupe, la compagnie de spectacles de rue avec laquelle j'ai travaillé tant d'années) tous ces trucs un peu perchés, nullement rentables, qui prêtent à sourire quand ce n'est pas plus méchant, cela a coïncidé avec pas très longtemps après, ma naissance au monde en tant que maman, c'est là que j'ai pris conscience de mon courage, de ma force, de mon endurance, de ma résilience et surtout de l'infinie capacité d'amour qui était la mienne. J'ignorais tout ça, j'étais en colère, profondément blessée depuis l'enfance, j'étais désespérée, souvent auto-suicidaire, je ne trouvais de place nulle part, j'avais tendance à aller la chercher au plus bas, je me suis tue trop souvent (tue-tuée) et actuellement je réalise tellement de choses, mais j'ai toujours écrit, avant même de savoir former des lettres, j'étais pressée ! Donc, j'avais 19 ans quand j'ai écrit le texte que je poste ci-dessous, 19 ans c'est l'âge de mon enfant, un texte tapé à la machine, qui est toujours resté planqué, comme une tare. J'ai envie de l'offrir aujourd'hui et à celles et ceux qui auront l'envie, la patience, la curiosité peut-être de le lire, tout était déjà là finalement, je n'ai pas beaucoup changé, j'ai mûri et je m'incarne beaucoup mieux, je suis toujours aussi perplexe face à ce monde qui me fait toujours aussi mal, face à l'amour qui me questionne trop profondément et m'interdit tout mensonge, mais je suis une guerrière maintenant, une vraie, celle qui a déposé les armes qu'elle usait contre elle-même, qui s'accepte entièrement et qui n'a pas encore écrit son dernier mot  ! :-)
     
     
    DE LA VIE ET DE L'AMOUR
     
     
    J'ai beau vouloir me donner tout entier, ouvrir toutes les portes de mon âme, je ne parviens point à me livrer. Je garde tout au fond, ce lieu secret du "Moi" où personne ne pénètre. Personne ne peut le découvrir, y entrer, parce que personne ne comprend personne.
    Maupassant
     
     
    Depuis le jour où je suis devenue membre de cette grande mascarade, intitulée la vie, je n'ai eu cesse de rechercher le bonheur, ce précieux trésor enfoui quelque part sous les décombres et d’exiger la liberté comme un droit ! Le droit d'être moi-même ! Oui, mais à quel prix ?
     
    Je t'aime... Combien de fois l'ai-je dit, combien de fois l'ai-je entendu ? Je suis toujours prête à y croire mais si le bonheur n'est qu'une illusion alors quel est le sens de cette vie de souffrance ? Il y a toujours quelqu'un, quelque part pour nous faire du mal à l'instant où nous pouvions tout espérer ! Combien de mondes se sont-ils écroulés autour de moi ?
     
    Toujours reconstruire car il est impossible de vivre sur des ruines ! Ramasser les morceaux éparpillés et refaire le puzzle...
     
    C'est sûr, la vie vaut d'être vécue et pourtant je doute encore. Je me pose peut-être trop de questions. Il y a un tel décalage entre nos espoirs et la réalité ! Sommes-nous condamnés à l'éternelle insatisfaction ?
     
    Chacun tire sur un bout de la corde, chacun tente désespérément de creuser sa place, tout en nous piétinant les uns les autres. Face à la mort, ces luttes deviennent absurdes ! Alors j'aime, pour donner un sens à ma vie, tout en sachant que l'amour ici bas n'est qu'un doux leurre... Nous ne sommes jamais vraiment aimés comme nous le désirons.
     
    *
     
    L'homme pourra t-il un jour lever les yeux vers le ciel ?
    Comme une taupe, aveugle, il creuse des galeries vaines à la recherche du temps perdu. Le cœur plein de poussière, il erre sans trêve tel un navire en détresse, une âme en quête d'un corps égaré quelque part entre la vie et la mort...
     
    Petit à petit quelque chose tente de prendre forme mais c'est douloureux de renaître, de refaire à chaque fois ce qui peut se défaire à tout moment... Je ne veux être prisonnière de rien, ni de personne ! Je veux pouvoir aimer sans contrainte, être aimée sans être enchaînée !
    Il y a tant de choses cachées, insoupçonnées, peut-on passer de l'autre côté du miroir ? Je crains de perdre mon âme dans une quête illusoire...
     
    L'amour est un voleur, un vampire ! Il profite de la nuit pour se glisser en silence dans mon cœur, tendre secret au parfum musqué et puis au petit matin, il mord !
     
    Les délices du corps abusent l'esprit, nous croyons goûter à l'amour et tombons dans le piège, dépendance ! Quel obscur narcotique qui n'a même pas la décence de nous offrir la mort en partage !
     
    L'amour est inaccessible, tel l'horizon qui s'éloigne quand on espère le toucher. Il m'entraîne chaque jour un peu plus loin à travers les méandres de sentiments incontrôlables. Je le désire pur, puissant, hors de toutes limites, délivré des chaînes qui nous lient au quotidien, mais le temps me dit d'oublier mes rêves de petite fille et me dessine l'amour comme une jolie cage dorée.
     
    Les liens qui nous attachent les uns aux autres sont tissés par la peur de la solitude qui harcèle l'homme depuis toujours. Je voudrais me donner sans être possédée. Je ne veux pas être simplement l'ombre d'un autre.
     
    Comment peut-on jurer amour éternel à une seule et même personne alors que nous sommes des milliards sur cette planète ? Amour légalisé, légitimé. Amour sur papier, fiché, étiqueté comme une vulgaire marchandise ! Mais l'amour n'a de loi que la sienne et elle défie toute raison.
     
    Comment connaître véritablement l'autre ? Emballés par les premiers transports, les premiers émois d'une nouvelle rencontre, nous l’idéalisons, nous le voyons sous un jour qui nous convient et déjà nous posons les premières pierres du mur des déceptions...
     
    *
     
    L'amour est un don total de soi à la vie. La musique est amour ! Il est si bon de laisser son corps se donner à la fièvre, amnésie du temps et de l'espace. Heureux ceux qui savent se laisser é-mouvoir !
     
    La musique est ce cordon magique qui nous relie au mystère du rythme et de la sensualité, au mystère de la vie, au premier souffle !
     
    Tous les voyages sont possibles, à cheval sur les notes douces, langoureuses, brutales, obsédantes. Je jouis de la musique bien mieux que d'un homme. Elle réveille chaque cellule de mon être et fait retentir en moi l’écho de tous les désirs inaccessibles, l’infinité des possibles.
    Folles sérénades, cordes endiablées, cuivres déchirants, percussions entêtantes, blanches mélodies envoûtantes, vibrations de gorges... La musique prolonge mon âme, m'expulse hors de moi-même. Elle caresse mon essence et m'ouvre à d'autres niveaux de conscience.
    Je n'ai pas connu quelqu'un d'assez fort, avec suffisamment d'idéal, pour m'ouvrir toutes les portes au lieu de les fermer une à une !
     
    Où puis-je étancher ma soif de perfection ? À trop me nourrir de rêves, je cours le risque d'une indigestion ! Ce que je cherche est introuvable, celui que je cherche et que je crois trouver pour le reperdre aussitôt, doit me parler d'un autre monde, d'une autre vie, d'un autre temps. Il est trop parfait pour être humain.
     
    La vie est étrange. Tout à tour, elle nous concède des instants magnifiques et intenses puis nous plonge dans l’absurde et la douleur. Cette insoutenable solitude intérieure dont rien, ni personne ne peut nous sortir !
     
    *
     
    L’ennemi juré de l'amour, c'est l'ennui ! Comme je hais cette bête aux yeux glauques quand elle surgit de la matrice dépressive, avec son lot de grisaille et d'hébétude. Elle me traque sans répit, impossible de lui échapper ! Ma tête inoccupée s'alourdit de pensées vagues et confuses, la vie se retire derrière un voile opaque et alors rien, pas même la musique, ne peut rompre cet obscur maléfice.
     
    Je cours après le vent, brassant désespérément l'air de mes ailes inutiles ! Tout ce que je construis s'écroule, châteaux de sable éphémères et fragiles…
     
    Confronté au temps, usé par l'habitude, l'amour s'étiole peu à peu, se métamorphose en dépit, en rancune et les désirs refoulés distillent en secret des poisons lents et sans retour qui coulent en moi pour me dissoudre.
     
    Les huis clos me terrorisent ! Je ne suis pas faite pour observer le lent écoulement des jours au travers d'un encadrement de fenêtre... Tout se fond dans l'informe, uniforme. Je me lasse de ce petit bout de ciel, aussi changeant puisse t-il être ! J'ai un besoin vital d'horizons nouveaux, d'espaces inconnus surtout quand l'hiver approche, traînant ses heures froides, sombres, interminables, de puits sans fond. Je crains la petite mort de cette morne saison, celle qui jette sur les rêves des pelletées de mélancolie.
     
    *
     
    Si jeune et tant de vie mais dans quel but ? Tant de creux se bousculent en moi... Sculpture du vide, je me nourris de vent ! Comment peut-on continuer à croire à l'amour sur une terre submergée de douleur ? L'humanité recouvre le monde comme un vaste suaire...
    Pourtant, je sais bien qu'il existe au cœur de nous-mêmes ce pont multicolore qui relie les ténèbres à la verte prairie de l'éveil. Pourquoi avons-nous oublié ce pont ? De l'autre côté, se trouvent des anges brûlants, portant des colliers de santal, des gouttes de rosée au creux de leurs paumes. Elles scintillent d’un pur éclat, elles ravissent et elles charment ces tendres larmes et je voudrais boire ces petits diamants rares avant qu’ils ne disparaissent en fumée.
     
    *
     
    Je suis si bien, si loin dans mes rêves ! Réincarnée dans cet univers de chaleur et de lumière, je m'y fonds à jamais. Si la vie était bateau alors comme un Rimbaud la mienne serait ivre ! L'amour serait l’ancre pour échapper à la tentation de la dérive, mais piège également car bateau immobile devient vulnérable...
     
    J'ai une telle soif de liberté, de poésie, de vérité ! Je suis trahie d'avance car tout a été faussé dès le départ.
     
    Au fond, je suis une solitaire effrayée par la solitude. Je rêve d'escapades loin des jungles urbaines, assourdissantes de puanteur… Il n'y a que les terres presque vierges et les horizons illimités qui m'exaltent. Je ne me sens jamais plus entière que lorsque je fusionne avec le ciel, avec la terre, avec les arbres, les fleurs, la roche, le torrent, l’herbe, le sable, le minuscule insecte et l’oiseau, car alors seulement l’intérieur et l’extérieur ne font qu’un ! Je ne connais pas de sensation plus forte ! Jamais l'amour d'un homme ne m'a offert cette intensité-là.
     
    *
     
    Étrangère au monde dit civilisé, j'ai parfois le sentiment de n'être qu'alluvions isolées sur une berge fantôme. À trop caresser l'idée de la mort je me suis égarée dans le dédale infernal de la vie. Certains jours, toute recroquevillée sur moi-même, je sens planer l’ombre d’une malédiction. Face à l'inéluctable, mon âme pour sa paix aspire parfois à la mort, au silence de l'exil sans remord… Que mon cœur soit délivré du devoir de battre, délivré de ses faiblesses, ses manques, ses rages et ses lâchetés ! Mais c'est oublier que la mort fait trembler l’esprit qui se refuse à l'imaginer.
     
    *
     
    L'écume sombre des jours qui passent lèche mes pieds... Ma haine m'apparaît, floue, sordide, irrégulière tandis que ma joie se dissimule au fond d'une lagune perdue.
    Au marais de mes désirs, les nénuphars se sont fanés. Du regard, je parcours les plaines existentielles, à la recherche d’oasis non-artificielles et de cristaux enfouis.
    Parfois, la vague immortelle de l'espoir m'enivre d'illusions nouvelles, alors je flotte sur des temps sans rivage. Des remous m'entraînent vers des heures déjà vécues jusqu'à ce qu'une main impitoyable m'empoigne pour me projeter à nouveau du côté plombé de la réalité.
    Je m'accroche au miroir avec toute la force du désespoir. Je m'y vois telle que je suis : petite et fragile, le cœur entre les mains.
     
    Je sais ! Le bonheur vient du partage, il éclot entre les mains de celui qui donne !
     
     
    Cathy Garcia Canalès -1989 -