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FUSIONS POÉTIQUES - Page 19

  • Giorgio Vasari - Le Jugement dernier (détail) - Florence -1572-79

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    X - Le Diable

     

    Boucan de tous les miens,

    triqueballe des Enfers,

    comme ils sont ingrats !

    Comme si je ne savais pas les recevoir

    avec chaleur, avec ardeur !

    En plus ça manque pas de lumière,

    y a le gaz à tous les étages,

    le lit gratteur,

    la table instable,

    la chaise en fusion,

    l'armoire à vestes d'écorchés,

    les fenêtres avec vue sur

    la cage de verre du voisin...

    Et puis le grand patron a investi

    dans les étages vip :

    tournebroches connectés,

    champagne bouillonnants,

    jeux de bourses arrachés,

    pinces-monseigneur

    pour ligaments...

    Bon je sais bien que ce matos 

    n'est pas de première main,

    qu'il a été utilisé à plein régime,

    pendant trois-quatre éternités,

    là-haut au paradis définitif.

    Faut vous dire qu'en enfer, on ne traite

    que les petits délits courants

    et qu'on ne connaît pas encore 

    les nouveautés du catalogue

    des accessoires du toit-terrasse.

    Boucan de tous les miens,

    triqueballe des Enfers,

    comme vous êtes ingrats !

    Se faire tirer la queue

    à longueur de siècles

    sans congés, ni retraite !

    Service non-stop sans pourboire,

    corvée de torture à perpétuité

    et à ce propos nous aurions

    une petite faveur à vous demander…

    Mais non, on n’achète plus les âmes

    c'est totalement démodé !

    Ce serait juste une petite signature

    au bas de la pétition...

    Histoire qu'on échange un peu les rôles,

    on aimerait bien être clients

    pour quelques heures,

    ou quelques siècles.

    Sinon n'allez pas dire

    qu'on ne vous aura pas prévenus...

    Nous demanderons à être mutés

    chez les Blanchis de Tout Soupçon !

     

    in Le Tarot de Saint-Cirque, Gros Textes 2020

     

     

     

  • Lâche ta tête, trouve ton âme

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    *

    Tu te lèves et tu vois la sale gueule du monde, les flippés qui se regroupent en meutes hargneuses et assassines, les mers qui vomissent la mort, les plus "jamais ça" qui ont fondu comme neige au chalumeau, les mal bénis qui rêvent d'Armageddon, les trous du cul qui chient des lingots et à qui un enfant de quatre ans né dans un bidonville pourrait donner des leçons d'humanité.

    Ne cherchez pas, l'enfer c'est ici. Les enfers, il y en a de toutes sortes mais si on est là avec encore un minimum de dignité, ce n'est pas seulement pour se lamenter sans fin ou aboyer plus fort, c'est qu'il y a quelque chose à comprendre, des choses à faire, petites, toute petites, minuscules, ridicules, risibles mais avec courage, avec du cœur.

    Nous ne serons pas des héros, des sauveurs, ni plus humains ni meilleurs que les autres. Nous sommes tous reliés, qu'on le veuille ou non, enchainés les uns aux autres. La moindre de nos pensées forme des ondes, le moindre de nos actes a des répercussions sans fin. Un mot après l'autre, un geste après l'autre, un pas après l'autre, nous ne sommes pas là pour rien mais nous ne pouvons agir que là où nous sommes et à partir de là où nous en sommes.

    Et il y a des choses essentielles à comprendre au-delà des apparences. Cherchons toujours et encore ; apprenons toujours et encore ; et sur nous-mêmes pour commencer, pour ne plus être dupes de cet enchainement continuel de causes et d'effets, de cet enchainement continuel de nos pensées qui nous rend malades sans nous rendre pour autant plus efficaces.

    C'est énorme en fait d'être là, ÉNORME ! Et je ne sais pas si c'est la fatigue qui m'inspire (de nouveau en concubinage avec Dracula, j'ai atteint l'au-delà de la fatigue) mais vraiment, arrachons-nous aux engrenages et essayons de percer le brouillard pour voir les choses telles qu'elles sont vraiment. Toutes les sagesses et philosophies humaines convergent vers un même point, alors ouvrons bien nos écoutilles, toutes ! Et acceptons à quel point nous sommes ignorants mais servons-nous aussi de tous ces flambeaux posés depuis le début du monde pour éclairer notre voie d'humanité ! À l'échelle cosmique, notre temps ne tient même pas dans une fraction de secondes. ÉNORME !

     



    in Ourse bipolaire,
    le 30 juin 2018

     

     

     

     

  • Victor Nizovtsev

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    D’une main l'amour nous donne des ailes, mais dans l'autre, il tient une paire de ciseaux...

    Ces ailes qu'il nous donne, ne sont pas destinées à nous protéger, ni à fuir, ce sont des ailes pour voler ! Il n'est pas donné à beaucoup de savoir bien s'en servir... 

    Certains vont trop haut, trop vite et tel Icare, leurs ailes fondent au soleil. D'autres se jettent impunément du haut des falaises, mais au dernier moment ne savent pas ouvrir leurs ailes... Par peur, par manque de confiance ?

    D'autres encore s'empêtrent dans des ailes trop grandes pour eux, et il y en a même qui en ont de si petites, qu'ils n'ont aucun espoir de décoller, ne serait-ce que de quelques centimètres ! 

    Je voudrais pouvoir voler de mes ailes d'amour, mais elles sont si belles que je n'ose pas les toucher. J'ai peur de les abîmer au cours d'un vol trop désordonné... 

     

    in Journal 1996

     

     

  • Jenna Barton

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    « Aussi pâles que la lune, aussi nombreux que les étoiles », racontait sa grand-mère lorsqu’ils étaient lui et ses frères et sœurs, pas encore sortis de la tanière. « Les Hommes étaient des créatures sans pelage, ni plume, très faibles à la naissance. Il fallait d’innombrables lunes avant qu’ils ne sachent se déplacer à quatre pattes, mais très vite, ils se tenaient sur deux pattes seulement et grandissaient en direction du ciel. C’était des êtres extrêmement rusés, habiles, qui habitaient de solides abris. Excellents chasseurs, disait encore la grand-mère, ils ne craignaient ni l’eau, ni la foudre de feu, ni aucune autre créature à part l’ours. Les Hommes, racontait-elle encore, vivaient en bonne entente avec nous, jusqu'au jour très ancien où une épaisse couche de glace recouvrit la terre. Le gibier se fit alors de plus en plus rare. Les Hommes ne voulurent plus partager et commencèrent à nous chasser aussi, rompant ainsi nôtre vieux pacte d’amitié. »

     

    in Le rêve du loup

     

     

  • Alain Etchepare - La thébaïde

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    Le grand jardin qui m’entoure ne cesse de m’extasier. J’ai décidé de faire de mon quotidien, un sanctuaire. Le noir, le sombre, l’obscur, on connaît, depuis des siècles et des siècles et je crois avoir compris quelque chose tout récemment.

     

    in À la loupe, tout est rituel, à tire d'ailes 2019

     

     

     

  • Oksana Vetova

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    Poésie, langue noire et chatoyante de la gitanerie. Fragilité, espièglerie, obsession de la mort… Qu’en est-il du dosage andalou dans mon sang ? « Tu es seul et seul tu vivras », le bel héritage. Si vrai pourtant. Tener ángel ou tener duende ? La grâce céleste ou le noir pouvoir, caché au fond des entrailles ? Celui qui brûle les sangs, comme l’écrivait Lorca. L’ange descend sur nous, le duende remonte à la gorge, en connivence avec la mort intruse.
    *
     
    in "à la loupe", à tire d'ailes 2020
     
     
     
     
  • Nikolay Biryukov - Anna Chipovskaya en Persephone

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    Innana, Ishtar, Astarté

    Brûlés le fruit le jardin

    Symboles de ta perdition

     

    Tu as réduit les mères nourricières

    au rang de putains de l’agro-industrie,

    tu leur a mis le joug

    de tes folies mécanistes.

     

    Cérès Déméter pleurent sans fin,

    quelle que soit la saison,

    Perséphone ne quitte plus les enfers.

     

    in Salines, à tire d'ailes 2007

     

     

  • Gao Xingjian

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    Cultiver le calme et regarder la société sombrer… avec tout ce qu’il peut y avoir d’étincelles positives dans la perte de contrôle. Se sentir comme ça à l’intérieur, pas une certitude à laquelle se raccrocher, ne reste que l’invisible, l’impalpable, la foi. Avoir foi ou ne pas avoir foi… Ce ne sont pas les faits qui changent, mais l’état dans lequel on les accueille et ce n’est pas rien…. Respirer ou suffoquer, ce n’est pas la même chose.

     

    in Le livre des sensations

     

     

     

     

     

  • Audrey Casalis - série Les Passages

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    Le manque m’a donné la connaissance intérieure du vide.

    La voie de l’instant, l’ennui pulvérisé. Juste se placer dans l’intervalle. Impeccable posture.

    La seule qui réponde à une véritable nécessité.

     

    Appel et jaillissement, évaporation, déshabillage.

    Le témoin est presque nu maintenant. Franchir, s’affranchir.  

     

    La traversée ne relie pas un point à un autre, elle nous rend à notre originelle unité.

     

    in Le poulpe et la pulpe, Cardère éd. 2010

     

     

     

  • Thierry De Cordier - Zeeberg, 2011

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    L’abrupt

     

    Il y a ce moment honteux, irracontable, insupportable. L’orgueil du fauve reste une forme d’amour, mais celui qui, sans même un dernier regard, s’éloigne hiératique vers le glacier du renoncement total, est-il sage, alpiniste ou suicidé ?

    Pourquoi vivre est-il si violent ?

     

    in Le baume, le pire et la quintessence