Eugène Ionesco
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Les pierres de ton jardin parlent plus haut que les passants
elles se réclament d'une ascendance qui remonte à la première caverne
quand deux silex détenaient le feu et qu'un vent pauvre
balayait les ronces d'un alphabet atteint de surdité
Les choses étant ce qu'elles sont
Il suffit de serrer une pierre dans ta main pour vibrer
avec la planète
détecter la fronde d'un volcan
le cri d'une montagne écroulée par une fourmi
(...) il pleure parce qu’il a oublié la dernière fois où il a pris l’initiative de la serrer dans ses bras pour l’embrasser, l’étreindre, ou pour lui murmurer une bêtise à l’oreille comme il le faisait si souvent jadis, il y a mille ans, comme on est censé le faire, comme on doit le faire, et plus souvent que souvent, parce que c’est la seule manière de traverser les forêts d’épines de la vie.
in Ton absence n’est que ténèbres
Chargez-vous aussi de pollen stellaire
pour les prairies de la terre;
et demain, lorsque s’y noueront
les roses sauvages de mes poèmes,
nous aurons des cynorrhodons aériens
et des semences sidérales.
in Traduit de la Nuit
À sa naissance, l’homme est faible et malléable. Quand il meurt, il est dur de chair et de cœur. Le bois de l’arbre qui pousse est tendre et souple. Quand il sèche et perd sa souplesse, l’arbre meurt. Cœur sec et force sont les compagnons de la mort. Malléabilité et faiblesse expriment la fraîcheur de l’existant. C’est pourquoi ce qui a durci ne peut vaincre.
De ce qui sort de la mine, quel est le plus précieux : le charbon, le fer, l'or ?
Non c'est l'homme.
J'ai tu mon chagrin dans mon pays nouveau
Et j'ai essayé de continuer
Mais les pierres de notre maison là-bas
Me font trébucher
Et je les trouve criblées de nostalgie
Traduit de l'arabe par Atlas Hader
Je suis un homme ancien, qui a lu les classiques, qui a récolté les raisins dans la vigne, qui a contemplé le lever ou la chute du soleil sur les champs. (...) Je ne sais donc pas quoi en faire d'un monde créé, par la violence, par la nécessité de la production et de la consommation. Je déteste tout de lui : la précipitation, le bruit, la vulgarité, l'arrivée. (...) Je suis un homme qui préfère perdre plutôt que de gagner par des manières déloyales et impitoyables. Et la beauté c'est que j'ai l'effronterie de défendre cette culpabilité, de la considérer comme une vertu.
Nulle autre qu’elle
ne sait mieux l’amour
et le nu du poème
nulle autre qu’elle
n'a de fourrure aussi profuse
pour couvrir sa chair vive
et son âme écorcée.
Nulle autre qu’elle
ne sait mieux la colère
et le cri enfoui
le chant des perdus.
Elle se cache si bien
en dessous de la bête
qu'on est à les confondre.
Nuls autres que la nuit
et le vent des collines
ne savent entendre sa plainte.
Nul ne sait
L’humeur labile
l’anxieuse rumination
la folle douleur qui l’étreint.
Nul ne sait l’épine plantée
entre les vertèbres de l’enfance.
in À la folie
méfie-toi des gens sympas qui ne veulent que ton bien
ne laisse jamais personne t’allumer à sa guise non plus
laisse-toi tomber quand tu es fatigué
laisse-toi aller au pathétisme
il fait bon parfois filer un mauvais coton
en bonne compagnie
on entend mieux la lumière dans le noir
et puis quand tu te sentiras
fais-toi la douceur
on n’a rien inventé de mieux quand les temps sont durs
tu es né pour briller
mais pas tous les jours mais pas par tous les temps
fais-toi ce qu’il faut de taches de bosses de fêlures
donne-toi le luxe du relief
ne laisse jamais personne juger de ton éclat
chacun avance par sa propre lumière
les éclairages extérieurs ne sont que des points d’étape
tantôt on est phare
tantôt naufragé
ne laisse jamais autre chose que ton cœur te guider