Georges Perros
Je ne pense pas qu’il faille vivre très longtemps pour s’apercevoir
qu’il n’y a d’issue à notre condition que poétique.
in Papiers collés II
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Je ne pense pas qu’il faille vivre très longtemps pour s’apercevoir
qu’il n’y a d’issue à notre condition que poétique.
in Papiers collés II
C'était sans importance
On écrirait là-dessus
Comme sur le reste et cela suffit
Sauf peut-être pour certains
Qui eux non plus ne savaient plus
Et restaient sans rien dire
Lorsque le chant ne chantait pas
L'univers attendait
La voix qui entrerait en lui
Comme la lumière dans un fruit
Ou l'eau
Dans le pis des racines
Et comme de l'air
Dans les poumons d'un nouveau-né
L'univers attendait
Le danseur immobile de l'âme
Le rêveur d'interdits
Derrière les barbelés du verbe
Des camps de la peur
Et cette folie entre deux corps
Encordés par leurs souffles
La beauté est le dernier obstacle
à opposer aux dictatures.
Elle est irréductible aux lois en
cela que sa loi se réduit au
besoin qu'on en ressent.
la liberté est l'espace qu'elle
exige pour son ambassade.
L'espérance, aussi amère soit-elle,
en demeure la forme initiale et
primitive
L'amour, aussi désespéré soit-il,
en reste le fondement principal.
La beauté n'a pas de visage et
peut les prendre tous sans rien
changer à sa nature propre.
Son mystère est fraternel, son
énergie originelle et fondatrice.
in Journal d'un athée provisoire
Nos vieilles vanités ont été retirées de leur cadre.
Des objets transis, pâles et maladifs
hantent nos appartements
où nos reflets étonnés se frôlent et se fuient…
in Nature morte
Une pomme en plâtre peinte par un enfant
Et un stérilet rouillé au fond d’un compotier.
Assiettes pleines, assiettes creuses, souvenirs,
Calendriers périmés, vénérable poussière
Dans laquelle du doigt on signe son nom.
La pureté d’une voix dont
La prière me met en pièces
Les présages d’une ville
A jamais puits de signes
Où clapotent pêle-mêle
Les continents et les siècles.
in 40° 58’ Nord – 28° 49’ Est
N’oublie pas, on meurt de faim
Et tes mots sont très pauvres.
Il ne vivait plus de soleil mais de néon.
Dans son néant détonnaient tous les violons.
Le plaisir exaspérait sa crécelle
Mais l’amour s’enfuyait à l’horizon.
in Fugitives
N’ayez surtout pas peur
De mourir de rire
Vous finirez
Par faire de vieux os
in Voici venu le temps des larmes
Cette nuit…
Des ailes de libellules ont poussé dans mon cou
Des plumes minuscules ont recouvert mes mains…
J’ai tenté de voler mais deux pattes d’éléphant m’ont retenue au sol…
Cette nuit…
Mes yeux ont transpercé la lumière nocturne
Et j’ai perçu et vu ce qui n’est pas connu
Ma bouche a nommé ce que je ne connaissais pas non plus
Pour emplir ma tête de silence
Cette nuit…
Un vent doux a gonflé mes narines comme des voiles claquant de plaisir
Sur ma peau des petits points d’argent couraient comme des étoiles en rut
Cette nuit…
Mon cœur ne battait plus : il chantait
Ma tête ne pensait plus : elle savait
Mais hélas !
Ce matin… je ne sais plus rien…
in Poèmes en poche
Sans voile sur les miroirs
Sans mystère
tu étais si belle
vêtue des feulements
du vent
et des griffes
du sable
in Amarante entre les lignes
Au matin tu étais grosse de rêves
Inaccomplis
Bercée encore par les cris
Des oiseaux luminaires
Dans le fouillis sans mots
Des forêts anciennes
in Amarante entre les lignes
A la place où ton sommeil
devient mince comme du verre,
un rêve s’inscrit en lettres
qui éclairent l’étendue de mon sang.
inPlein d’amour
Ta cigarette réveille le chat
Qui la détrousse.
Le musicien qui reste
Souffle les mouettes
Au téléphone, l’or des repentirs s’anime
in Jeune fille
Dans les grands vaisseliers posés à l’horizon,
Trésors empilés dans l’ombre poudreuse,
Des frégates en flacon, des sirènes moisies,
Des métaux hérissés de couleurs vantardes.
Des tourbillons pétrifiés, des fugitifs à l’arrêt
Et de longs autobus vernis à la main.