Lauri Otonkoski
Je me languis de vous
comme l'arbre de ses copeaux.
in En fuite
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Quand il suffisait d’un câlin
Que nous cherchions et qui était là
Depuis toujours et à jamais
Juste derrière la cloison
Dont nous avions perdu la porte
Trop occupé à péter le mur
Et l’éternel enfant fouille inlassable
dans le puits d’ombre ses lambeaux éparpillés.
Pendant que le ciel
et ses nuages
trône parmi les ruines.
in La peur
A la première parole un grand jardin public illumine
avec des perroquets des niagaras de soie noire et froissée des
arbres de perles tropicaux et sombres
avec des divinités au souffle vert aux paupières d'aurore boréale
un seul visage
entre l'herbe du désir et la poussière des attentes
et la blessure vomit
des tonnes de roses rouges.
L'ongle crisse au carreau de l'aurore déchiquetée
par les aigles translucides
le front creuse la distance irréparable
la voix s'annule à la neige des pas nomades
De quel nom t'appeler
alors que se lève sous mes pieds blessés de gel
un peuple inconnu, immonde, un peuple de goules et de lutins sardoniques
De quel amour t'enflammer
alors que ma veine saigne sous l'orage des mots.
la lumière des murs dresse mon procès
quelque part un supplice déchire mes chairs
quelque part au rivage duveteux de Thulé
Eurydice fouille des ongles la pourriture d'Orphée
Se tait l'été dans mon sang
Se noue le complot des silences
Se déchire la dernière parole
avec laquelle on tentait désespérément le passage
clandestinement
entre les figures détruites et la calligraphie des herbes juteuses.
Une cité de velours nocturne et de mica s'effondre dans
mes poignets meurtris
j'écoute silencieux accordé aux ruines promises
sur tes lèvres absentes
je quête un dieu forcené inaccessible
qui me roue d'angoisses de questions saugrenues d'énigmes de mie de pain
j'apprends ce dur métier d'absence
qui commence par la traversée des miroirs
sans déchirer les ailes fondamentales.
au bord de mort j'enterre ma dépouille de seigneur muselé
par les tempêtes glacées
surgies des obscures forêt de la parole où hantent
les animaux d'une préhistoire sanglante
leurs griffes rageuses cherchent et trouvent mes yeux
à chaque tentative
Au bord de mort j'enfouis mon nom au milieu des glands
des racines molles des monnaies des empires brisés par
l'éclat des femmes la lueur métallique des fruits
dérobés aux terres luxuriantes
Entre mes épaules le Sud à tâtons délimite l'espace de son
deuil définitif: couteaux rouillés, lampes de mutisme.
in 19 lettres brèves à Nora Nord
Il m’arrive de sauter à pieds joints dans un rêve.
Au cœur de la nuit.
Quand le corps ronronne.
Je m’y promène. L’accompagne. Le guide parfois. Evidemment à peine debout, il se faufile dans les vapeurs de la théière. Pourquoi, dis-le-moi si tu le peux, les rêves sont-ils aussi volatiles ? Et pourquoi, le jour, allons-nous ainsi à tâtons.
La mort est le domaine de ce qui existe deux fois
in Là ou pas là ?
Qui dénude cette saison
à penser ?
de la réalité des prés à
l’égarement des simples
abeilles une eau
quelconque efface
l’écriture des eaux.
Est-ce la perspective
D’une rivière en feu
Gaspard Hons
J’ai mordu ce monde, mes dents ont heurté quelque chose de très dur. Peut-être est-ce une pierre ? Je commençais à étouffer quand le vertige jaune a commencé à m’emporter. J’ai réussi à serrer les mâchoires, j’ai arraché un morceau du monde et je suis tombé à la renverse…
in Les loups
je suis enterré dans un asile de cris écarlates
dans le poil de la peur
dans la lettre N qui est une galaxie un roman de la Table Ronde
dans la lettre N qui est la perle noire cachée dans l'huître du soleil
dans la lettre N qui est bambou de douleur monnaie de songe et
torche éclairant tendrement la paroi
dans la lettre N qui est Saint-Jean d'Eté
Ne me tuez pas de regards-couteaux
ne me battez pas jusqu'à l'évanouissement
ne me jetez pas pour me distraire
des cacahuètes des rubans des morceaux de miroirs des fleurs
je n'y suis pas
je suis ailleurs
sur une terre que nulle souffrance d'homme
n'avait encore foulée
avant mon irruption brutale d'alcool farouche
d'incendie détraqué.
in 19 lettres brèves à Nora Nord
ici meurt sauvagement le vent
j'écris la perte le manque absolu
A grandes rafales de sang
je balaie le carrelage de l'aube
où mon corps chaud encore
diminue devient invisible
où mon index de lune froide
pointe encore un tropique
le ventre de la mère
sauvé de la destruction par la langue chair et suffocation.
in 19 lettres brèves à Nora Nord
Crainte d’une faille dans la mécanique
par où s’engouffrerai l’entre-deux
innommable.
Ce lieu de personne
avec ses chemins de broussailles têtues
où se cognent les rêves.
in Matières premières
Il y a
dites-vous
encore
trop
de
leçons
mal apprises
trop de lacunes
de confusion
de trous
d’excroissances
d’amalgames
de fautes de
syntaxe de style de goût de jeunesse de frappe de non-concordances des temps
d’ailleurs incertains
d’ici controversés
de lendemains qui
chantent faux
de pannes inexpliquées
d’erreurs d’aiguillage
d’étourderies de montage
de retards d’exécution
de mauvaises passes
de situations d’échec
de macérations oubliées
de vapeurs non identifiées
de colportages intempestifs
d’exagérations perdues
de pendules mal réglées
de fiches non répertoriées
d’artistes égarés en
quadruple file et
qu’on ne revoit plus
toute la sainte
journée
in Le rappel des titres
Être poète c’est être en permanence en instance d’expulsion
in la poésie m’emmerde
Je suis un et indivisible monument du ratage
de votre chaîne de production de couillons.
in Le projet terreur
Le présent nous étouffe et déchire les identités. C’est pourquoi je ne trouverai mon moi véritable que demain, lorsque je pourrai dire et écrire autre chose. L’identité n’est pas un héritage, mais une création. Elle nous crée, et nous la créons constamment. Et nous ne la connaîtrons que demain. Mon identité est plurielle, diverse. Aujourd’hui, je suis absent, demain je serai présent. J’essaie d’élever l’espoir comme on élève un enfant. Pour être ce que je veux, et non ce que l’on veut que je sois.