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CITATIONS - Page 83

  • Hermann Hesse

     

    La vérité existe, mon cher, mais la 'doctrine' que tu réclames, l'enseignement absolu qui confère la sagesse parfaite et unique, cela n'existe pas. Il ne faut pas non plus avoir le moins du monde la nostalgie d'un enseignement parfait, mon ami; c'est à te parfaire toi-même que tu dois tendre. La divinité est en toi, elle n'est pas dans les idées ni dans les livres. La vérité se vit, elle ne s'enseigne pas ex cathedra.

     

    in Le jeu des perles de verre

     

     

     

     

     

  • Allen Ginsberg

     

    Nul repos            

    sans amour,

    nul sommeil            

    sans rêves d'amour

    -             soyez fou ou glacé obsédé d'anges            

    ou de machines, le vœu dernier            

    est amour

     

     in Song

     

     

     

     

  • Unica Zürn

     

    "C'est fini" dit-elle à voix basse et elle se sent déjà morte avant que ses pieds ne quittent le rebord de la fenêtre. Elle tombe sur la tête et se brise le cou. Son petit corps gît, étrangement tordu dans l'herbe.

     

    in Sombre printemps

     

     

     

  • René Magritte

     

    Toutes ces choses ignorées qui parviennent à la lumière me font croire que notre bonheur dépend lui aussi d’une énigme attachée à l’homme et que notre seul devoir est d’essayer de la connaître. 

     

     


     

  • Thomas Bernhard

     

    Mais les causes de cette dernière – et plus grave – crise de ma maladie, il ne faut pas les chercher seulement dans mon travail scientifique, dans le fait que je me sentais insupportablement écrasé, et, par-là, dupé et perturbé de la manière la plus douloureuse par ce travail – mais elles étaient également, profondément, dans tout ce qui m’entourait, tout mon « entourage », le plus proche comme l’assez proche, l’assez éloigné comme le plus éloigné, était cause de cette crise dans laquelle j’avais été précipité, et, pour une large part, la bassesse et la méchanceté et la dissimulation de mon entourage immédiat, dont toutes les manifestations, de plus en plus, semblaient distinctement se ramener à un but unique : me détruire et m’anéantir, ce contre quoi j’étais totalement impuissant et conscient d’être totalement impuissant et sans défense contre cette volonté de destruction et d’anéantissement, s’ajoutant à mon incapacité de travailler, à mon impuissance absolue devant le travail, tout cela avait contribué à provoquer ce terrifiant déchaînement de ma maladie, et la situation politique révoltante dans ce pays qui est le nôtre, et dans toute l’Europe, avait peut-être été l’élément décisif qui avait déclenché la catastrophe parce que toute l’évolution politique allait contre tout ce dont j’avais la conviction que cela aurait été juste, et dont, maintenant encore, j’ai la conviction que ce serait juste. La situation politique s’était à ce moment-là brusquement détériorée, d’une manière qu’on ne pouvait plus qualifier que de révoltante et de mortelle. Les efforts de dizaines d’années étaient annulés en quelques semaines, l’Etat, déjà instable depuis toujours, s’était effondré en quelques semaines, la stupidité, la cupidité, l’hypocrisie régnaient tout à coup comme aux pires époques du pire régime, et les hommes au pouvoir œuvraient à nouveau sans scrupules à l’extirpation de l’esprit. Une hostilité générale à l’esprit, que j’avais observée depuis des années déjà, avait atteint un nouveau paroxysme répugnant, le peuple, ou plutôt les masses populaires étaient poussées par les gouvernants à assassiner l’esprit et excitées à se livrer à la chasse aux têtes et aux esprits. Du jour au lendemain, tout était à nouveau dictatorial, et, depuis des semaines et des mois, j’avais déjà éprouvé dans ma chair à quel point on exige la tête de celui qui pense. Le sens civique des braves bourgeois, bien décidé à se débarrasser de tout ce qui ne lui convient pas, c’est-à-dire avant tout de ce qui est tête et esprit, avait pris le dessus, et tout à coup, était à nouveau exploité par le gouvernement, et pas seulement par ce gouvernement d’Europe. Les masses, esclaves de leur ventre et des biens matériels, s’étaient mises en mouvement contre l’esprit. Il faut se méfier de celui qui pense et le persécuter, telle est la devise ancienne selon laquelle on se remettait à agir de la manière la plus atroce. Les journaux parlaient un langage répugnant, ce langage répugnant qu’ils ont toujours parlé, mais qu’au cours des dernières décennies ils n’avaient au moins plus parlé qu’à mi-voix, ce à quoi ils ne se croyaient tout à coup plus tenus : presque sans exception, ils jouaient les assassins de l’esprit, comme le peuple et pour plaire au peuple. Pendant ces semaines-là, les rêves d’un monde voué à l’esprit avaient été trahis, livrés à la populace et jetés au rebut. Les voix de l’esprit s’étaient tues. Les têtes étaient rentrées dans les épaules. La brutalité, la bassesse et la vulgarité régnaient désormais sans partage. Ce fait, s’ajoutant à la stagnation de mon travail, n’avait pu qu’entraîner une profonde dépression de tout mon être et m’affaiblir d’une manière qui, pour finir, avait provoqué la pire crise de ma maladie.

     

     in Vomissons

     

     

     

     

     

  • Heptanes Fraxion

     

    mauvais cheval

    il boite
    mauvais cheval que son squelette ce soir
    les cheveux gris c'est lui
    le sang en plastique c'est lui
    il vient d'apercevoir son ex sortant d'un bar bouillant
    bouillante elle aussi au bras d'un type aux yeux clairs
    probable passé d'athlète
    bossant probablement dans la téléphonie mobile
    ils ont tous des rires débiles dans ce milieu
    et des pantalons qui leur rentrent bien dans le fion
    chaussures ultra pointues évidemment
    plus t'es gentil
    plus elles se barrent les meufs
    il pense surtout à tous les bons skeuds qu'il a perdu pendant le déménagement
    enfin bref
    il quitte les beaux quartiers stériles
    la nuit s'annonce bien froide qui arrive avec la pluie
    avec la zone
    avec le vide
    avec le corps qui ne produit pas assez de cortisone
    boulevards circulaires comme des scies
    le long des rails
    le long de l'eau qui marche du canal du Midi
    il boite
    et même sa béquille boite

     

     

     

     

     

     

     

  • James Baldwin

     

    J’imagine qu’une des raisons pour lesquelles les gens s’accrochent à leurs haines avec tellement d’obstination, est qu’ils sentent qu’une fois la haine partie, ils devront affronter leurs souffrances.

     

     

  • Kate Braverman

     

    Du jour au lendemain, on a enrubanné de rouge les lampadaires, maculé de neige artificielle et de faux givre les vitrines et saturé les rues de cohortes de pins massacrés, décorés, livrés en pâture.

     

      in Bleu éperdument

     

     

     

  • Guy Tirolien

     

    Ghetto

     

    Pourquoi m'enfermerai-je dans cette image de moi qu'ils voudraient pétrifier ? pitié je dis pitié ! j'étouffe dans le ghetto de l'exotisme

    non je ne suis pas cette idole d'ébène humant l'encens profane qu'on brûle dans les musées de l'exotisme

    je ne suis pas ce cannibale de foire roulant des prunelles d'ivoire pour le frisson des gosses

    si je pousse le cri qui me brûle la gorge c'est que mon ventre bout de la faim de mes frères

    et si parfois je hurle ma souffrance c'est que j'ai l'orteil pris sous la botte des autres

    le rossignol chante sur plusieurs notes finies mes complaintes monocordes !

    je ne suis pas l'acteur tout barbouillé de suie qui sanglote sa peine bras levés vers le ciel sous l'œil des caméras

    je ne suis pas non plus statue figée du révolté ou de la damnation je suis bête vivante bête de proie toujours prête à bondir

    à bondir sur la vie qui se moque des morts à bondir sur la joie qui n'a pas de passeport à bondir sur l'amour qui passe devant ma porte

    je dirai Beethoven sourd au milieu des tumultes car c'est pour moi pour moi qui peux mieux le comprendre qu'il déchaîne ses orages

    je chanterai Rimbaud qui voulut se faire nègre pour mieux parler aux hommes le langage des genèses

    et je louerai Matisse et Braque et Picasso d'avoir su retrouver sous la rigidité des formes élémentales le vieux secret des rythmes qui font chanter la vie

    oui j'exalterai l'homme tous les hommes j'irai à eux le cœur plein de chansons les mains lourdes d'amitié car ils sont faits à mon image