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CITATIONS - Page 84

  • Heptanes Fraxion

     

    mauvais cheval

    il boite
    mauvais cheval que son squelette ce soir
    les cheveux gris c'est lui
    le sang en plastique c'est lui
    il vient d'apercevoir son ex sortant d'un bar bouillant
    bouillante elle aussi au bras d'un type aux yeux clairs
    probable passé d'athlète
    bossant probablement dans la téléphonie mobile
    ils ont tous des rires débiles dans ce milieu
    et des pantalons qui leur rentrent bien dans le fion
    chaussures ultra pointues évidemment
    plus t'es gentil
    plus elles se barrent les meufs
    il pense surtout à tous les bons skeuds qu'il a perdu pendant le déménagement
    enfin bref
    il quitte les beaux quartiers stériles
    la nuit s'annonce bien froide qui arrive avec la pluie
    avec la zone
    avec le vide
    avec le corps qui ne produit pas assez de cortisone
    boulevards circulaires comme des scies
    le long des rails
    le long de l'eau qui marche du canal du Midi
    il boite
    et même sa béquille boite

     

     

     

     

     

     

     

  • James Baldwin

     

    J’imagine qu’une des raisons pour lesquelles les gens s’accrochent à leurs haines avec tellement d’obstination, est qu’ils sentent qu’une fois la haine partie, ils devront affronter leurs souffrances.

     

     

  • Kate Braverman

     

    Du jour au lendemain, on a enrubanné de rouge les lampadaires, maculé de neige artificielle et de faux givre les vitrines et saturé les rues de cohortes de pins massacrés, décorés, livrés en pâture.

     

      in Bleu éperdument

     

     

     

  • Guy Tirolien

     

    Ghetto

     

    Pourquoi m'enfermerai-je dans cette image de moi qu'ils voudraient pétrifier ? pitié je dis pitié ! j'étouffe dans le ghetto de l'exotisme

    non je ne suis pas cette idole d'ébène humant l'encens profane qu'on brûle dans les musées de l'exotisme

    je ne suis pas ce cannibale de foire roulant des prunelles d'ivoire pour le frisson des gosses

    si je pousse le cri qui me brûle la gorge c'est que mon ventre bout de la faim de mes frères

    et si parfois je hurle ma souffrance c'est que j'ai l'orteil pris sous la botte des autres

    le rossignol chante sur plusieurs notes finies mes complaintes monocordes !

    je ne suis pas l'acteur tout barbouillé de suie qui sanglote sa peine bras levés vers le ciel sous l'œil des caméras

    je ne suis pas non plus statue figée du révolté ou de la damnation je suis bête vivante bête de proie toujours prête à bondir

    à bondir sur la vie qui se moque des morts à bondir sur la joie qui n'a pas de passeport à bondir sur l'amour qui passe devant ma porte

    je dirai Beethoven sourd au milieu des tumultes car c'est pour moi pour moi qui peux mieux le comprendre qu'il déchaîne ses orages

    je chanterai Rimbaud qui voulut se faire nègre pour mieux parler aux hommes le langage des genèses

    et je louerai Matisse et Braque et Picasso d'avoir su retrouver sous la rigidité des formes élémentales le vieux secret des rythmes qui font chanter la vie

    oui j'exalterai l'homme tous les hommes j'irai à eux le cœur plein de chansons les mains lourdes d'amitié car ils sont faits à mon image

     

     

     

  • Lanza del Vasto

     

    Ah, plût à Dieu qu'ils fussent païens ! Cela vaudrait mieux pour tous et pour eux !
    J'ai vu les païens respecter l'insecte et le serpent, sentant, là comme ailleurs, avec un grand frisson, la présence de Dieu.
    J'ai vu les païens s'incliner devant un arbre où, de toute évidence, une âme habite.
    J'ai vu les païens se garder de tendre les pieds devant la flamme, de peur d'offenser le feu.
    J'ai vu les païens honorer leur hôte du seul bol de riz qui fût dans la maison, parce que Dieu lui-même les visitait habillé en pauvre, comme c'est sa coutume...
    Ah ! Plût à Dieu qu'ils fussent païens, ces autres à qui rien n'est assez impur et puant qu'ils n'y fourrent le nez, rien assez sacré pour les tenir à l'écart, les touche-à-tout qui fouillent partout, qui retournent tout, qui détournent et dégradent tout, qui exploitent tout, les choses comme les hommes, qui tripotent dans le ciel et dans le microbe, qui cassent tout !
    Comment les nommerai-je, ceux-là ? Des chrétiens ? non.
    Des païens ? non, hélas !
    Des Renégats.

     

    in Les quatre fléaux

     

     

     

  • Henri Michaux

     

    Au lieu d’une vision à l’exclusion des autres, j’eusse voulu dessiner les moments qui bout à bout font la vie, donner à voir la phrase intérieure, la phrase sans mots, corde qui infiniment se déroule sinueuse, et, dans l’intime, accompagne tout ce qui se présente du dehors comme du dedans.

    Je voulais dessiner la conscience d’exister et l’écoulement du temps. Comme on se tâte le pouls. Ou encore, en plus restreint, ce qui apparaît lorsque, le soir venu, repasse (en plus court et en sourdine) le film impressionné qui a subi le jour. La vie dans les plis.