Unica Zürn - couverture pour Oracle et Spectacle (1960)
Des étincelles s’élancent au ciel des tempes où plane un aigle translucide.
Ses serres ont marqué ma chair.
Son cri est un appel.
cg in Fugitive (Cardère 2014)
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Des étincelles s’élancent au ciel des tempes où plane un aigle translucide.
Ses serres ont marqué ma chair.
Son cri est un appel.
cg in Fugitive (Cardère 2014)
Ghetto
Pourquoi m'enfermerai-je dans cette image de moi qu'ils voudraient pétrifier ? pitié je dis pitié ! j'étouffe dans le ghetto de l'exotisme
non je ne suis pas cette idole d'ébène humant l'encens profane qu'on brûle dans les musées de l'exotisme
je ne suis pas ce cannibale de foire roulant des prunelles d'ivoire pour le frisson des gosses
si je pousse le cri qui me brûle la gorge c'est que mon ventre bout de la faim de mes frères
et si parfois je hurle ma souffrance c'est que j'ai l'orteil pris sous la botte des autres
le rossignol chante sur plusieurs notes finies mes complaintes monocordes !
je ne suis pas l'acteur tout barbouillé de suie qui sanglote sa peine bras levés vers le ciel sous l'œil des caméras
je ne suis pas non plus statue figée du révolté ou de la damnation je suis bête vivante bête de proie toujours prête à bondir
à bondir sur la vie qui se moque des morts à bondir sur la joie qui n'a pas de passeport à bondir sur l'amour qui passe devant ma porte
je dirai Beethoven sourd au milieu des tumultes car c'est pour moi pour moi qui peux mieux le comprendre qu'il déchaîne ses orages
je chanterai Rimbaud qui voulut se faire nègre pour mieux parler aux hommes le langage des genèses
et je louerai Matisse et Braque et Picasso d'avoir su retrouver sous la rigidité des formes élémentales le vieux secret des rythmes qui font chanter la vie
oui j'exalterai l'homme tous les hommes j'irai à eux le cœur plein de chansons les mains lourdes d'amitié car ils sont faits à mon image
Ah, plût à Dieu qu'ils fussent païens ! Cela vaudrait mieux pour tous et pour eux !
J'ai vu les païens respecter l'insecte et le serpent, sentant, là comme ailleurs, avec un grand frisson, la présence de Dieu.
J'ai vu les païens s'incliner devant un arbre où, de toute évidence, une âme habite.
J'ai vu les païens se garder de tendre les pieds devant la flamme, de peur d'offenser le feu.
J'ai vu les païens honorer leur hôte du seul bol de riz qui fût dans la maison, parce que Dieu lui-même les visitait habillé en pauvre, comme c'est sa coutume...
Ah ! Plût à Dieu qu'ils fussent païens, ces autres à qui rien n'est assez impur et puant qu'ils n'y fourrent le nez, rien assez sacré pour les tenir à l'écart, les touche-à-tout qui fouillent partout, qui retournent tout, qui détournent et dégradent tout, qui exploitent tout, les choses comme les hommes, qui tripotent dans le ciel et dans le microbe, qui cassent tout !
Comment les nommerai-je, ceux-là ? Des chrétiens ? non.
Des païens ? non, hélas !
Des Renégats.
in Les quatre fléaux
Elle dit ce que je tais,
elle tait ce que je dis,
elle rêve ce que j'oublie.
Tu joues tous les jours avec la lumière de l’univers
Chez nous, Sagesse se dit « arandù »
Ce qui signifie sentir le temps
je vous aime
comme je vous parle
avec les mots cinglants
de ma tendresse
Au lieu d’une vision à l’exclusion des autres, j’eusse voulu dessiner les moments qui bout à bout font la vie, donner à voir la phrase intérieure, la phrase sans mots, corde qui infiniment se déroule sinueuse, et, dans l’intime, accompagne tout ce qui se présente du dehors comme du dedans.
Je voulais dessiner la conscience d’exister et l’écoulement du temps. Comme on se tâte le pouls. Ou encore, en plus restreint, ce qui apparaît lorsque, le soir venu, repasse (en plus court et en sourdine) le film impressionné qui a subi le jour. La vie dans les plis.
ne reste plus que cet amas de nerfs, noués et cette peau qui sans ton être
n’est même pas le début d’un tambour
in Seul le bleu reste
Si l'on ne croit pas à la liberté d'expression pour les gens qu'on méprise,
on n'y croit pas du tout.
Grands cheveux, jambes à l’air,
Et par-dessus, un vent rouge et rose
N’être
ni le passeur
ni le trépassé
ni le chien féroce
ni la barque
être
l’eau
in Passage
La haine rassemble les semblables ; l'amour les dissemblables.
pendant que dans nos ventres se jouent sans anicroche
le va
le vient
l’histoire la même
dans la répétition des coups de reins.
in Je te vois
Ici vous entendrez parler acier, métallurgistes, syndicalistes, ici vous entendrez parler usines, nationalisation, chômage. Si pour vous ces mots sont synonymes de nuisances et de laideur, s’ils vous font l’effet de répulsifs, si vous prétendez qu’ils doivent être réservés aux colonnes des journaux, section économie ou société, refermez aussitôt ce livre ou, pour les plus modernes d’entre vous, éteignez votre liseuse, en tout cas passez votre chemin, ce texte n’est pas pour vous, autant vous prévenir tout de suite. Entre le ciel et la boue, préférez le ciel, c’est moins salissant.
in Les maîtres du printemps