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RÉSONNANCE & COPINAGES - Page 10

  • Élisée Reclus

     

    Que resterait-il de nos existences à chacun de nous si nous en retranchions les heures pendant lesquelles nous avons simulé une mentalité et une moralité qui ne sont point nôtres ? Nous sommes habitués à porter le masque, si bien qu’il nous paraît étrange de laisser voir notre vraie figure, de proclamer d’une voix franche et personnelle ce que nous savons être la vérité. Par veulerie, nous n’avons même pas la chance d’être bon, quand nous voudrions l’être.

     

     

  • Lionel Mazari

    J'en ai vu passer des saisons
    entre le champ et la maison.
    Enfant perdu hors du chemin,
    les maïs me donnaient la main.
    J'ai vu s'envoler des vivants
    dans les chambres s'ouvrant aux vents ;
    de verte étable à rouge forge
    avec de l'orge dans la gorge.
    J'en ai vu sécher des semaines,
    le linge étendu, joies et peines,
    semailles, graines de poussière
    parmi des filets de lumière.
    J'en ai vu sauter bien des êtres 
    de l'étable par la fenêtre.
    Les tournesols faisaient la gueule
    aux soleils cachés dans les meules.
    J'en ai vu boiter des années
    de la porte à la cheminée.
    Vieil orphelin d'épouvantail,
    les blés me tenaient par la taille.


    in L'impossible séjour, 15 septembre 2022

     

     

     

  • Mary Oliver

     

    Un jour, tu as su enfin
    ce que tu devais faire, et tu t’es lancée,
    malgré les voix autour de toi
    qui continuaient à crier
    leurs mauvais conseils,
    malgré toute la maison
    qui s’est mise à trembler
    et tu as senti la vieille corde
    à tes chevilles.
    « Répare ma vie ! »
    criait chaque voix.
    Mais tu ne t’es pas arrêtée.
    Tu savais ce que tu devais faire,
    malgré le vent qui arrachait
    de ses doigts raides
    les fondations elles-mêmes,
    malgré leur mélancolie,
    terrible.
    Il était déjà bien
    tard, la nuit était agitée
    et la route couverte de branches
    cassées et de pierres.

     

     

  • Cornelia Hesse-Honegger - Insectes de Tchernobyl

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    Punaises écuyères à Tubre (Italie), village touché par le nuage nucléaire en 1986...

     

     

     

     

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    Née en 1944 à Zurich, en Suisse, Cornelia Hesse-Honegger a travaillé pendant 25 ans comme illustratrice scientifique pour le Musée d’histoire naturelle de l’Université de Zurich. Et là, depuis plus de trente ans, l’artiste sillonne les environs des centrales et autres lieux impactés par le nucléaire dans le monde entier afin d’observer les conséquences des radiations sur la faune et la flore locales. Héritière des naturalistes, elle étudie des insectes au microscope, inventorie précisément ses prélèvements et réalise des aquarelles des organismes mutants qu’elle rencontre. L’ «artiste scientifique» s’est fixé une mission : celle de montrer que les radiations même faibles émises pendant de longues périodes par des centrales fonctionnant normalement peuvent avoir des effets négatifs sur les organismes. Un véritable pan de la santé environnementale qui suscite des préoccupations croissantes. Et qui, en plein marasme climatique, trouve un profond écho dans les débats énergétiques internationaux du moment à la faveur d’un retour en grâce du nucléaire. La France n’y échappe pas. Pour Hesse-Honegger, «la crainte fondée d’un danger potentiel est une raison suffisante pour s’opposer à la mise en place de telle ou telle mesure, pratique, ou technologique, écrit Raffles. Elle lui permet de se libérer de l’ombre de la science». Adresse aux scientifiques ? A nos politiques ? Elle tance : «[…] Si je n’avais trouvé qu’une seule punaise avec le visage tordu, ça aurait été une raison suffisante de se demander ce qui cloche.» Ses aquarelles sont exposées à travers le monde dans des musées et des galeries. Sa pratique est à la croisée de l’art et de la science et de l’engagement anti-nucléaire.


    Livre : Créatures de Tchernobyl, L’art de Cornelia Hesse‑Honegger, par Hugh Raffles, traduit de l’anglais par Matthieu Dumont, Wildproject «Petite bibliothèque d’écologie populaire», 100 pp., 12 €.

     

     

     

  • Guénane Cade

     

    Se fondre au fond d’un bar ne suffit plus
    même refait le monde a mauvaise haleine
    même avec beaucoup d’eau
    accoster au comptoir ne lave plus l’âme
    le rêve rame

     

     

     

  • Heptanes Fraxion

     


    feuilles mortes 
    il a fallu qu'elle apprenne vite à grandir et elle a vite appris 
    y a des vies qui demandent ça
    elle a mal dormi 
    ses mauvaises habitudes et ses rêves l'ont réveillée 
    des yeux d'animaux l'observaient qui brillaient sur l'autre rive 
    elle décide de rester sale 
    la chatte bien sauvage 
    elle vire deux-trois trucs superflus et de suite tout redevient simple 
    feuilles mortes comme autant d'oiseaux morts
    elle va manquer cette fête où les conversations semblent toujours écrites à l'avance 
    et où elle connaît déjà la plupart des questions 
    trop de gens impossibles à détester 
    trop de gens impossibles à aimer