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RÉSONNANCE & COPINAGES - Page 6

  • Éric Barbier - entretien avec Éric Chassefière - Francopolis, déc. 2023

    Dans le dernier numéro de l'année de Francopolis, la joie de lire et relire un ami de plume comme Eric Barbier dans un entretien avec Éric Chassefière (quelques extraits ci-dessous) qui a repris la revue et les publications d'Encres Vives de Michel Cosem.

     

     

    Le très proche lointain, le vol d’un aigle ou d’un vautour – ‘l’oiseau même seul est un grand peuple’ – une vive lumière sur les adrets, le voyage de la roche immense. Ce qui ainsi par ce souffle rapproche les mots, là où le poème se fait chemin.

     

    (…)

    la beauté relève de ce qui échappe aux définitions. La beauté, prétention ou réalité, une insurrection au plus près de soi, l’éphémère, le dérobé, l’agitation du temps dans l’image provisoirement immobile.  La beauté, tentation à poursuivre, elle qui devrait nous préserver de l’inattention, nous permettre de reprendre vie.

     

    (…) Le poème devrait faire apparaître cette mémoire qui sans vouloir recourir sans cesse au passé, dans un vivifiant tremblement, offre l’histoire à notre présent ; cette mémoire que la beauté éveille, langue singulière parole dénuée d’ornements, pour retrouver ce que les hommes ont en partage.

     

    (…) avancer par ses moyens dans les plus sérieuses ombres vers la pointe du dénuement pour voir apparaître une rive différente, pour arpenter un sol qui ne cède pas.

     

    Et sont publiés à la suite de l'entretien des poèmes inédits donc voici quelques extraits également :

     

    (...)

     

    L’entretien infini renverse le crépuscule

    se reposer dans un temps éloigné

    tout retrouver ne rien reconnaître

    tout deviner ne rien apprendre

    rester à vue : la main elle

    voudrait reprendre le témoignage de

    cette jouissance stupéfaite qui épouse

    la rousseur de la roche.

     

    Le vent après avoir livré

    cent-douze histoires à

    l’assemblée des carex disperse

    l’apprentissage résigné de l’homme.

     

    (…)

     

    J’ai retiré mes yeux

    de la nuit qui s’avançait

    peut-être ces cris l’occupaient-elles

    splendeur distante

    lumière d’après les orages

    telle la pierre lancée

    dans l’accalmie du ruisseau

    ou la graine échappée du fruit

    goûté lors d’un songe tumultueux

    je tente une présence parmi

    l’alphabet en friches

    de la commune obscurité.

     

    (…)

     

    Eaux violentes nouveaux prétextes

    elle vivrait déjà en nous

    cette charbonneuse patience

    la débauche du soleil

    débordera les maisons

    nous en boirons les mémoires

    à gorge primitive

    le visage doucement ébréché

    par les semblants du crépuscule.

     

     

     

     

    Hors de souffle

    hors de portée

    hors d’atteinte

    une saison trompeuse

    invite à ne plus rien quitter

    au plus près il ne s’agit

    ni de peur ni de mort

    tout reviendra

    dans un jour différent

    tout se répètera

    pour mieux nous abandonner

    hors de souffle.

     

    (…)

     

    Le soleil s’étend prudemment

    dans ta bouche

    genévriers bouses sèches

    douceur abrupte de la neige tôt venue

    évidence qui ne devra être répétée

    ni mutisme ni aveux

    savoir exactement

    ce qui pourra être déclaré

    les nuages rabrouent la pâleur nouvelle des versants

    lumière rase yeux courbés

    au retour s’imposent d’anciennes réponses.

     

    *

     

    Boire une gorgée pour

    saluer les autres saisons

    de l’homme ciel

    confédération de nuées

    la beauté devient un

    instant tendu entre

    deux absences une mer

    somnolente d’orties

    peuple plusieurs imaginations

    laquets bruyères fleuries

    virtuosité herbeuse de l’été.

     

    *

     

    Eaux blanches

    Eaux brunes

    écume de mai

    la neige tardive reste gardienne de leurs chants

    fragile perpétuité arbres sentinelles

    près du col

    pierres belliqueuses

    réconciliées dans le bleu du ciel

    Eaux blanches

    Eaux brunes

    comme tout ce qui difficilement s’énumère

    la beauté accueille voluptueusement nos interrogations

    reste l’abandon

    des guides

    nulle distance entre espoir et devenir

    Eaux blanches

    Eaux brunes

    aucune question ne sera retenue

    splendeur mal retranscrite

    où se rassemblent les

    vertus dissipées du jour.

     

    *

     

    Chaleur incrédule

    ciel fou d’exactitude

    une fête s’annonce

    l’été déjà la sait ultime

    dernières rumeurs d’une célébration

    reste une promesse dont personne

    ne certifiera l’accomplissement

    mais

    quel corps justement devrait

    se donner aux nuages tardifs

    mutisme sans réponses

    baiser profond sur les lèvres

    inattendues du rocher.

     

    *

     

    Cette lumière

    que l’on ne peut nommer

    marcher à distance nécessaire

    de l’ombre qui me suit

    repos fleurs méconnues

    ignorance que n’éteindrait

    aucun livre

    roche sévère comme

    une jeunesse sans mensonges

    le temps et le sentier

    se dérobent sous le pas

    longue présence

    mémoire que

    chaque jour

    retrouve.

     

    *

     

    Ce qui n’était

    même ruisseau

    prend langue de glace

    la mort

    ne porte pas un nom fidèle

    sur la lente vitre

    le jour naissant

    confirme

    l’indiscipline ouvragée

    du temps.

     

    *

     

    Lumière difficile

    la chaleur qui l’épuise

    doit provenir des temps

    les mieux oubliés

    et voilà comme image

    celle d’un homme

    qui parlerait d’autres saisons

    sur le chemin

    la poussière de l’été

    improvise certains détours.

     

    (...)

     

     Source : http://www.francopolis.net/salon2/E.Barbier-NovDec2023.html

     

     

  • Le dernier poème de Refaat Al Areer

     
    "Si je dois mourir
    tu dois vivre
    pour raconter mon histoire
    pour vendre mes effets
    et acheter une étoffe
    et quelques ficelles
    (une étoffe blanche avec une longue traîne)
    pour qu'un enfant quelque part à Gaza
    en regardant le paradis dans les yeux
    guettant son père parti dans un brasier
    sans dire adieu à personne
    pas même à sa chair
    pas même à lui-même
    voie le cerf-volant, mon cerf-volant tout là-haut
    que tu auras fabriqué, volant tout là-haut
    et pense un instant qu'un ange est là
    ramenant l'amour
    Si je dois mourir
    fais que cela apporte de l'espoir
    que ce soit un conte"
     
     
    Refaat Al Areer, poète palestinien, professeur de littérature anglaise, mort à Gaza sous les bombes la nuit dernière avec six membres de sa famille, donc quatre enfants.
     
     
    NON À LA GUERRE ! STOP !
     
     
     
     
     

  • Avi Katz - Israël

    Avi Katz (Israël).jpg

    Novembre 2023

     

     

     

    Article de 2018

    "le dessinateur israélien Avi Katz a été informé par le magazine The Jerusalem Report, pour lequel il officiait comme pigiste depuis 1990, qu’ils ne publieraient plus ses dessins, à la suite de la publication d’un dessin sur sa page Facebook avant sa publication par le magazine. Des membres du gouvernement israélien y sont représentés en cochons, sous la légende « Tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres », célèbre citation du roman satirique, La Ferme des animaux de George Orwell.

     

    Le dessin fait référence à une photo de Benyamin Netanyahou et de membres du Likoud se prenant en selfie après l’adoption par la Knesset de la loi controversée sur l’Etat-nation qui sanctionne le statut d’Etat-Nation Juif d’Israël. Une loi jugée discriminatoire envers les populations non-juives d’Israël, la langue Arabe perdant par exemple le statut de langue officielle.

    Posté sur Facebook par son auteur avant sa publication par le Jerusalem Report, le dessin est devenu viral et a suscité de nombreuses réactions, principalement au sujet de la représentation des politiciens en cochons, jugée antisémite et choquante en Israël, le porc étant non kasher.

    L’éditeur du magazine qui a initialement validé le contenu du dessin, a alors averti Avi Katz de son intention de ne plus publier ses dessins, sous pression de la direction du journal, furieuse de cette publication anticipée. Dans un communiqué cité par le journal Times of Israël, les membres du Jerusalem Report expliquent que « suite à des considérations éditoriales prises par les rédacteurs en chef, il a été décidé de ne plus publier ses dessins, après que plusieurs d’entre eux ont suscité des réactions négatives ». Haim Watzman, journaliste au magazine dont les écrits accompagnaient régulièrement les dessins de Katz, a démissionné en réponse à l’éviction d’Avi Katz. Le dessinateur a bénéficié de nombreux soutiens parmi lesquels on compte des dessinateurs israéliens tels qu’Uri Fink, Michel Kichka mais aussi l’Union des journalistes d’Israël et l’organisation internationale PEN America. Finalement, il est à noter que Nissim Hezkyahu, fondateur et ancien président de l’Israel Cartoonists Associaton et directeur artistique du festival ANIMIX de dessin de presse et de BD qui se tiendra pour sa 18 ème édition à Tel Aviv en Août 2018, organise une exposition de dessins en réponse au licenciement d’Avi Katz et sortira un numéro spécial unique qui réunira tous les dessins exposés."

     

    Source : Cartooning for peace

     

     

     

  • Daniel Giraud - Gravé à l’esprit * Sin Ming

    Né en 1946 à Marseille, Daniel Giraud était arrivé en Couserans en 1972, après de multiples voyages qui l’avaient amené des montagnes chinoises aux fins fonds de l’Amérique profonde.  Comme il le disait : "Seul un poète peut traduire un poète." Et sans avoir appris le mandarin autrement que par lui-même, grâce à une méthode qui lui était propre et ses multiples voyages au pays de Lao Tseu, il en était devenu l’un des traducteurs les plus respectés et fidèles.

     

     

    grave-a-l-esprit-sin-ming.jpg

    https://atelierdelagneau.com/fr/accueil/279-grave-a-l-esprit-sin-ming-9782374280684.html

     

     

     

    "Daniel Giraud s’est donné la mort le vendredi 6 octobre 2023 à Saint-Girons en Ariège, où il avait élu domicile en 1972 après de nombreux voyages (Afrique, Asie, Amérique). Il avait écrit en 2016 : « Connaître la réalité de la conscience permet d’assister à sa propre mort, au centre du monde, mourir avant de mourir et réaliser sa vraie nature ». Et, dans le même ouvrage au titre profondément anarchiste, Comment s’affranchir de son thème astrologique (éditions Arqa), « Sentir que l’on n’est jamais né (et que nous ne mourrons jamais) nous affranchit de notre instant et lieu de "naissance" de notre corps, et donc de notre thème astrologique », l’astrologie étant pour lui « une gnose, une connaissance de l’art sacré, une interprétation des rapports entre l’être et le Cosmos ». Dans Tao et Anarchie, Daniel Giraud rapproche Tchouang Tseu (IVe siècle avant J.-C.) de Max Stirner et de Nietzsche, ces penseurs se méfiant du pouvoir de l’état et renvoyant chacun à lui-même, à une solitude affranchie du bien, du mal, et des structures oppressives. L’anarchie taoïste de Daniel Giraud croise aussi Lao Tseu et Cioran. Né en 1946 à Marseille, il a créé en 1977 la revue poétique et métaphysique Révolution intérieure, dont le dernier numéro paraîtra en 1987, et qui  donnera son nom à l’édition de ses écrits auto-publiés.

     

                Daniel Giraud a appris le mandarin par lui-même, mais ses traductions de Li Po (Albin Michel, 1989), Hsin Hsin Ming (Arfuyen, 1992), Hsan Shan (Orphée La Différence, 2016), du Tao Tö King (Courrier du Livre, 1989, et l’Harmattan, 2011) sont reconnues par des sinologues tels que Jacques Pimpaneau. Des récits de sagesse d’extrême orient (Gallimard, 2007) traversent les traditions du Tao et du Tch’an chinois « qui a donné le Zen au Japon ». L’un des « textes » essentiels de cet « enseignement muet et paradoxal » issu « de l’alchimie subtile entre Bouddhisme (officiellement) et taoïsme (officieusement) » est le Sin Ming (ou : « la négation originelle fondamentale ») dont l’auteur est Fa Jung (594 – 657). « Sin Ming, gravé à l’esprit ou inscrit au cœur », est pour Daniel Giraud qui en propose ici la traduction entre une introduction et le texte chinois suivi de notes, « un écrit de l’esprit qui se perçoit de lui-même, de cœur à cœur. Sin c’est aussi bien les pensées du mental, le cœur des émotions que l’esprit universel considéré dans une perspective métaphysique non duelle (…) L’esprit est non-né, tout comme les naissances apparentes (…) Dans le silence paisible, le non-né n’est pas affecté par toutes les situations apparentes et les tourbillons de pensée (…) À l’esprit vacant tout est vide. La dernière parole du Sin Ming est une sans-parole : "Le non-dit discerne le vrai du faux et fait prendre conscience" ».

     

                Tout traducteur parie sur l’échange. Tournant le dos à l’exotisme, l’universaliste Daniel Giraud n’hésite pas à lancer des ponts entre penseurs chinois et occidentaux, et nous autorise implicitement à faire de même. En amont de Nietzsche qu’il rapproche du taoïsme, l’influence de Schopenhauer s’est étendue de Proust à Clément Rosset, en passant par Hermann Hesse. On pense à « l’idiotie » selon Rosset, et à nos philosophes, dramaturges et humoristes de l’absurde, en lisant : « tout n’a pas de cause / lumière et paix se manifestent spontanément ». Ou à Proust : « Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause », ou : « une obscurité, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose sans cause ». Face à cette obscurité lumineuse, « ne pas penser est l’action efficace », l’action « au plus subtil et profond », nous dit Fa Jung. Où « l’essentiel du savoir est non-savoir ». Où « la réalité absolue n’est pas explicable / non séparée, non entravée ».

     

                Mais c’est sur l’obstacle auquel se cogne tout langage (et qu’il doit se cogner), sur son désir et son incapacité face au réel, à l’impression vécue, que le Sin Ming rencontre Proust et les modernes. Du côté de chez Swann : « Et voyant sur l’eau et à la face du mur un pâle sourire répondre au sourire du ciel , je m’écriai dans mon enthousiasme en brandissant mon parapluie refermé : "zut, zut, zut, zut" ». Fa Jung : « être ainsi par soi-même clair et paisible / sans pouvoir arriver à en parler ». Et si l’expression du narrateur proustien est « égarée au possible », comme dirait un autre, aux yeux d’un Fa Jung elle n’est pas inadéquate : « extérieurement, ayant l’air ignorant et bête / intérieurement, le cœur vide et juste ». On croit lire Le monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer quand Fa Jung écrit : « Les pensées font seulement tournoyer et obscurcir / elles troublent et perturbent les souffles vitaux ».

     

                Loin de s’opposer à la littérature, l’ « enseignement muet » du Tch’an la fonde (qu’on pense au « monde muet », grand aiguillon de Ponge), la sauve du naufrage dans la logomachie. Et si rien ne paraît plus éloigné de l’orient indien ou chinois que le cartésianisme, l’évidence du Cogito émergeant du doute systématique répond parfaitement à : « n’ayant pas de lieu pour apaiser l’esprit / la clarté de la vacuité se dévoile d’elle-même ».

     

                Loin d’être inconciliables ou irréconciliables, les deux cultures dialoguent, à une quinzaine de siècles d’intervalle, et s’harmonisent dans l’oreille du bluesman « Dan Giraud ». Si nous l’entendons si clairement, si distinctement, nous jouer du Fa Jung, c’est qu’il n’est pas parti bien loin."

     

    François Huglo

    https://www.sitaudis.fr/Parutions/fa-jung-de-daniel-giraud-1698900547.php

     

     

     

  • Appel à soutien : Encres Vives continue


    Chers amis poètes,

    Michel Cosem n’est plus, et c’est pour beaucoup d’entre nous, qui avons été lancés et accompagnés par
    Encres Vives, une perte douloureuse. Encres Vives, avec sa revue, fondée en 1960, et ses deux collections, Lieu (poèmes liant un poète à l’un de ses lieux favoris) et Encres Blanches (plus spécialement réservée aux nouveaux poètes et aux rééditions de recueils publiés par la revue), venues plus récemment en étoffer la production de recueils de poésie, c’est près de 2000 recueils et 400 auteurs publiés, dont beaucoup ont fait leur chemin et acquis au fil du temps une vraie reconnaissance dans le milieu poétique. Nous sommes nombreux à devoir beaucoup à Encres Vives, nombreux aussi à avoir éprouvé le besoin de revenir fréquemment aux sources en confiant nos écrits à Michel Cosem, qui disait de la revue : « Tout en demeurant dans un format modeste Encres Vives continue d’attirer, de retenir, d’influencer des générations nouvelles, en faisant preuve à la fois d’exigence et d’ouverture. C’est là je pense une volonté affirmée qui regarde plus certainement vers l’avenir que vers le passé ».


    Nous avons, avec plusieurs membres du comité de rédaction, décidé, fidèles à l’esprit impulsé par Michel, de nous tourner vers l’avenir et continuer Encres Vives, dont l’immense héritage, tant humain que littéraire, ne peut rester lettre morte. Faire vivre et fructifier la revue et les collections, dans l’esprit tracé par leur fondateur, au service d’une communauté de poètes toujours plus vivante et diverse, voilà l’objectif que nous nous sommes tracé pour les années qui viennent. La spécificité  d’Encres Vives, rappelons-le, est la publication, dans chaque numéro, d’un recueil d’un seul auteur, 16 pages au format A4, qui vont devenir 32 pages au format A5 à partir de janvier 2024. La revue restera mensuelle, avec 12 numéros par an et la possibilité, pour un surcoût modeste, de recevoir dans l’année 2 volumes de chacune des collections Lieu et Encres Blanches. L’abonnement donnera droit à un tarif préférentiel pour l’achat de n’importe quel volume de ces deux collections.

    Nous vous invitons à nous rejoindre dans notre démarche BULLETIN D’ABONNEMENT JOINT ICI : BulletinAbonnementEV-Nom-Prénom.pdf, et à relayer cette information le plus largement possible au sein de vos propres réseaux de poètes et d’amateurs de poésie.

    Très cordialement à vous.

    Éric Chassefière, au nom du Comité de Rédaction :


    Annie Briet, Catherine Bruneau, Éric Chassefière (directeur de la publication), Jean-Louis Clarac, Jean-Marie David-Lebret, Michel Ducom, Gilles Lades, Jacqueline Saint-Jean, Christian Saint-Paul. 

    P.S. : Pour ceux d’entre vous qui auraient soumis des projets de recueils à Encres Vives (revues ou collections) dans les derniers temps, nous vous remercions de les soumettre à nouveau, si possible en version électronique par email à l’adresse encres.vives34@gmail.com, à défaut par courrier à Encres Vives / Éric Chassefière, 232 Av. du Maréchal Juin 34110 Frontignan, en les présentant dans le format A5/ 32 pages.


     

  • César Vallejo

     

    À cette heure froide où la terre

    sent si fort la poussière humaine, si tristement,

    je voudrais frapper à chaque porte,

    supplier quelqu’un : pardon,

    et lui préparer des petits morceaux de pain frais

    ici, dans le four de mon cœur.

     

     

     

  • Paul Celan

     

    Le poème peut être une bouteille jetée à la mer, abandonnée à l'espoir - certes souvent fragile - qu'elle pourra un jour, quelque part, être recueillie sur une plage, sur la plage du cœur peut-être.

     

     

  • Ludovic Frobert - Quelques lignes d’utopie - Pierre Leroux et la communauté des « imprimeux » (Boussac,1844-1848)

     
     

    Frobert_Imprimeux_UNE150_v4.jpgEntre narration historique et fictive, ce récit retrace la naissance, la vie et la mort de la communauté utopique des « Imprimeux » qui s’est développée autour de deux activités : une imprimerie, puis une ferme. Rassemblée autour de la figure de Pierre Leroux, cette association entre industrie et agriculture s’est développée dans une petite commune de la Creuse – Boussac – entre 1844 et 1848, et réunit pas moins de quatre-vingts membres à son apogée.

    Typographe, maçon, journaliste, mais aussi philosophe, homme politique et théoricien du socialisme, Pierre Leroux était l’ami de George Sand. En plus de lui dédier Spiridon, cette dernière le soutien financièrement dans son installation. En 1843, dans la foulée de l’obtention de son brevet d’imprimeur, Leroux installe donc ses presses au sein d’un ancien hospice, où il fabrique des revues à l’image de ce siècle : politiquement effervescentes.

    Soucieux de convertir en acte sa pensée socialiste, il invité son frère – également typographe – à diriger l’imprimerie à ses côtés. Peu à peu se constitue une colonie de travailleurs basée sur l’autosuffisance et l’égalité salariale. Jusqu’à ce que la révolution de 1848 en sonne le glas : Pierre Leroux proclame la République, est élu maire de Boussac puis député de la Seine ; il quitte alors la Creuse, laissant l’imprimerie aux mains de ses camarades.

    Afin de reconstituer l’existence, aussi brève qu’intense, de la communauté des imprimeux, Ludovic Frobert met à contribution sa propre imagination pour compléter les matériaux historiques qu’il a rassemblés. Évoquant autant les petits que les grands évènements, l’aventure des idées que la réalité quotidienne, il redonne vie aux échanges, discussions et polémiques que cette cohabitation a fait naître. Il ravive le souvenir d’un homme dont les idées et l’œuvre ont marqué ses plus illustres contemporains – dont Karl Marx et Jean Jaurès – mais dont l’image s’est peu à peu effacée.

     

    En savoir plus : https://agone.org/livres/quelques-lignes-dutopie

     

     

  • Eric JULIEN - Kogis, le chemin des pierres qui parlent

    9782330163389.jpgJ'ai connu l’association Tchendukua dès sa naissance en octobre 1997, fruit d’une rencontre improbable, en 1985, entre l’alpiniste et géographe Éric Julien et des communautés autochtones de la sierra Nevada de Santa Marta en Colombie qui lui avaient alors sauvé la vie. S’en était suivie une promesse qu’il mettra dix ans à tenir. Il relate cette histoire dans son premier livre sur le sujet, Le chemin des neuf mondes, paru en 2001 et un film dont j’ai toujours la VHS. J’avais été immédiatement passionnée par les Kogis et ce qu'ils ont à nous apprendre car, les peuples premiers et moi, c'est une longue histoire que je ne m'explique pas mais qui remonte à mon enfance, avec toujours cette cruelle sensation d'être née chez l' « ennemi »... et surtout avec la profonde certitude que ces peuples avaient les savoirs et les réponses donc nous avions besoins pour sauver cette planète et nous sauver nous-mêmes. J'ai donc soutenu Tchendukua, participé à l'époque où je le pouvais (au rachat des terres ancestrales notamment) tout comme j’ai soutenu l’association Survival International et d’autres encore pendant de très longues années. Maintenant les autorités spirituelles des Kogis, viennent en France, ce n’est pas la première fois mais cette fois, ce n’est pas seulement pour nous rencontrer dans des salles de conférence en ville mais pour ausculter nos terres, nos montagnes et nous dire à leur façon, à quel point elles sont malades et comment les aider. Ce n'est pas du folklore, c'est de la connaissance, séculaire, très précise, qui est confrontée aujourd'hui à celle de différents scientifiques ouverts d'esprit (ça semble une lapalissade et pourtant... hélas non), et ce livre relate le fruit de cette extraordinaire expérience, la première d’une série qui je l’espère va se répandre partout (trois États américains appliquent déjà de telles techniques pour mieux préserver les forêts) et pour moi, l’exaltante confirmation, encore une fois, de mon plus profond et ressenti qui m’habite et me guide depuis aussi loin que je puisse me souvenir. 

     

    Kogis, le chemin des pierres qui parlent, Éric Julien (Actes sud, coll. Voix de la Terre, 2022).

    https://www.actes-sud.fr/catalogue/nature-et-environnement/kogis-le-chemin-des-pierres-qui-parlent

     


    "À l’heure des grands déséquilibres écologiques,économiques et sociaux, ce livre raconte l’histoire d’une improbable rencontre. En 2018, deux Mamas et une Saga, autorités spirituelles des Indiens kogis (Colombie), ont participé avec une vingtaine de scientifiques français à la réalisation d’un diagnostic croisé de santé territoriale du Haut-Diois, petit territoire de la Drôme. Au cours de ces quelques semaines véritablement extra-ordinaires, des échanges féconds, tout en délicatesse et respect mutuel par- delà les différences culturelles, ont permis l’émergence fragile d’une nouvelle pensée, d’un nouveau paradigme, en alliance avec ce vivant qui nous traverse, nous porte et nous fait vivre.


    Le dialogue est une réinvention permanente, signe de conscience et de maturité des sociétés, des organisations qui le permettent, le pratiquent et le transmettent. Il révèle que, seuls, nous ne sommes rien, que les autres, humains et non humains, nous renseignent sur ce que nous ne savons pas ou plus de nous, et qu’ensemble tout est possible.


    Alors que l’on déplore aujourd’hui une véritable crise de sens et un désarroi croissant, et si écouter les “voix de la Terre” nous permettait de retrouver les “voies de la guérison” et de la résilience ?"

     

     

    Une soixantaine de scientifiques et experts, dont Cédric Villani, ont signé cette tribune que je retranscris ci-dessous pour appeler à faire dialoguer connaissances des peuples autochtones et savoirs scientifiques pour soigner ensemble la Terre. 


    Vous aussi, vous pouvez signer cet appel au dialogue, pour changer notre rapport au vivant et mieux prendre soin de nos territoires : https://www.change.org/p/faire-dialoguer-connaissances-ancestrales-et-savoirs-scientifiques-pour-soigner-la-terre


    « Il y a 500 ans, les conquistadors débarquaient sur les côtes caraïbes de l'actuelle Colombie. Dans son essai Le Rêve mexicain ou la Pensée interrompue (1988), Jean-Marie Gustave Le Clézio se prend à imaginer : et si les Espagnols avaient choisi le dialogue avec les civilisations amérindiennes plutôt que leur écrasement, la modernité en aurait-elle été changée ?

    Parmi ces civilisations précolombiennes, l'une des plus brillantes était celle des Tayronas. Cinq siècles plus tard, les Kogis, leurs héritiers directs, qui ont survécu à la barbarie et préservé leur culture en se repliant dans les hautes vallées de la Sierra de Santa Marta en Colombie, nous interpellent : «Nous avons confiance dans le fait que si nous partageons les connaissances que nous avons reçues de nos lointains ancêtres, nous pourrons ensemble trouver un chemin qui, au-delà de nos différences, permettra de préserver l'harmonie du monde et de tous ses habitants. En tant que Kogis, c'est un pont que nous voulons tendre vers vous pour le dialogue et la compréhension commune ».

    Saurons-nous saisir la main tendue ?


    Notre Terre est «malade»… Les constats sont précis, des remèdes connus. Et pourtant aucune inflexion à la hauteur des enjeux ne se dessine. «Rien n'est inventé, parce que la nature a déjà tout écrit. L'originalité consiste toujours à revenir aux origines». Et si, pour affronter cette crise écologique, on tentait d'invoquer les origines comme le suggérait Antonio Gaudi, l'architecte catalan ? Et si le dialogue avec les peuples autochtones, qui n'ont jamais perdu ce lien d'alliance avec la nature, était une porte d'entrée ? Pour Éric Julien, géographe et fondateur de l'association Tchendukua Ici et Ailleurs, « l'histoire de la vie nous rappelle, vivants parmi les vivants, que nous avons besoin de la terre, de l'eau, de l'air pour poursuivre notre chemin». Ne serait-il pas temps de remettre le vivant au cœur de nos pensées, de nos analyses et de nos actions ? Bien qu'ils ne représentent que 5% de la population mondiale, les peuples autochtones habitent des territoires où se concentrent 80% de la biodiversité de la planète (Banque mondiale, 2008). Parmi ces sociétés, les Kogis se considèrent les gardiens de la «Terre Mère» et jouent un rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité et des écosystèmes de la Sierra Nevada de Colombie. Leurs savoirs ancestraux ont été reconnus patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'UNESCO en 2022. Pourraient-ils nous aider à comprendre, prendre soin et réveiller la mémoire de nos propres territoires ? C'est le sens de leur main tendue.

    Croiser nos savoirs et leurs connaissances pour élargir notre regard en retissant notre lien organique avec la nature, telle est l'ambition de Shikwakala, le diagnostic croisé de santé territoriale initié par l'association Tchendukua. En 2018, une première expérimentation était lancée dans la Drôme : une vingtaine de scientifiques et experts dialoguaient avec quatre représentants du peuple Kogi. Une première historique au cours de laquelle des représentants de ces sociétés, qui étaient autrefois qualifiées avec condescendance de «sauvages» ou «primitives», venaient à notre rencontre au cœur de nos territoires pour partager avec nous, leurs «petits frères», leur connaissance du vivant. Les premiers résultats se sont avérés aussi étonnants que déroutants, avec deux constats sous forme d'évidence : l'expertise des Kogis s'applique hors de leur territoire ; ils disposent bien de connaissances qui nous sont étrangères.


    Cette nouvelle rencontre approfondira le dialogue unique engagé depuis 2018 entre connaissances ancestrales et savoirs scientifiques. En avril 2023, six scientifiques français passaient deux semaines avec les Kogis dans les montagnes de la Sierra, sans visée ethnographique mais dans une démarche respectueuse de dialogue. Parmi eux, Cédric Villani, mathématicien médaillé Fields : « Moi qui suis, dans le monde des idées, un serviteur du projet exponentiel – la croissance indéfinie du savoir – je me suis senti bousculé comme rarement quand il a fallu tenter de traduire notre savoir livresque et dispersé en un conte à taille humaine. Où trouver la signification enfouie dans la masse des connaissances ? ».


    Le dialogue, signe de maturité d'une société, peut contribuer à faire émerger de nouvelles clés de lecture, un nouveau regard sur ce que le monde moderne a choisi d'appeler «la nature» ou «l'environnement». Du 25 septembre au 17 octobre, un second diagnostic croisé de la santé de nos territoires réunit cinq Kogis et une cinquantaine de scientifiques et experts de différentes disciplines. De Genève à Paris, en passant par la Corse, ils parcourront des sites très urbanisés et fragilisés, avec un regard particulier pour le Rhône et la question de l'eau.


    Cette nouvelle rencontre approfondira le dialogue unique engagé depuis 2018 entre connaissances ancestrales et savoirs scientifiques. Il ne s'agit ni d'idéaliser les peuples autochtones ni de dénigrer la modernité, la science et ses avancées. Mais dans notre époque de déséquilibres et d'incertitudes, comme le suggère le sculpteur italien Miguel Angelo Pistoletto, de tenter de prendre le meilleur de ces deux mondes, le naturel et l'artificiel, pour essayer d'inventer d'autres voies. À rebours de la logique historique des rapports Nord/Sud, continuer à poser les jalons d'un véritable échange interculturel et, peut-être, redécouvrir la puissance de ces savoirs sensibles que nos cultures occidentales ont tant occultés.


    500 ans après l'arrivée des conquistadores… il n'est pas trop tard ! »

     

    L’association Tchendukua : https://www.tchendukua.org/