Edward L. Bernays
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La publicité a grandement favorisé la concentration des médias , même parmi les concurrent avides des mêmes budgets commerciaux : pour un journal ou une station de télévision, une part supplémentaire de marché et un avantage publicitaire peuvent permettre d’augmenter les recettes, l’agressivité commerciale et la variété des programmes à un point tel que leurs rivaux ne s’en relèvent pas : ceci explique la mort de nombreux journaux et magazines. Dès l’introduction de la réclame, les journaux populaires de gauche ont été désavantagés par les moyens de leurs lecteurs. Comme le disait un publicitaire en 1856, “leurs lecteurs ne sont pas des acheteurs ; autant jeter son argent par les fenêtres !”
in La fabrication du consentement]
« Jouissez d’aujourd’hui car demain sera pire » a été le slogan consumériste le plus efficace du capitalisme. Désormais, il n’en a plus l’usage car il nous met devant un fait accompli. Il décrète « Le pire est arrivé, force est de vous en accommoder. » Le modèle chinois est en place, en attente de technologies toujours plus efficaces.
(…)
Le capitalisme ne voit dans la vie qu’un objet marchand. Il ne tolère pas qu’elle échappe à la toute-puissance de l’argent.
(…)
Le consumérisme avait fondé son pouvoir de séduction sur le mythe de l’abondance édénique. Le « tout à la portée de tous » prêtait une éphémère séduction à ces libertés de supermarché qui s’arrêtent au tiroir-caisse. Le salaire durement gagné trouvait sa récompense dans un laisser-aller qui avait les vertus d’un défoulement. Avec la paupérisation qui vide le « panier de la ménagère » l’exhortation à se sacrifier remonte en surface, tel le péché originel que l’on croyait enfoui dans le passé. Il faut accepter la Chute, il faut admettre que la vie s’assèche. Le temps est venu de rappeler qu’on ne travaille jamais assez, qu’on ne sacrifie jamais assez. L’existence non-lucrative est un délit. Vivre est un crime à expier.
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L’État n’est plus qu’un instrument manipulé par les firmes multinationales, qui, avec ou sans le relais de l’Europe, lui imposent leurs lois et leurs juridictions. La répression policière est la seule fonction qui lui incombe encore.
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De défenseur de la République qu’il prétendait être, l’État en est à se protéger contre les citoyens à qui il arrache les droits dont il était le garant. (…) Hochet du capitalisme financier, l’État règne sans gouverner. Il n’est plus rien. Son inanité sonne pour nous l’heure d’être tout.
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Pendant que s’affrontent rétro-bolchévisme et rétro-fascisme, les mafias mondialistes empoisonnent et polluent impunément villes et villages.
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L’État et ses commanditaires font primer leurs intérêts en méprisant les nôtres. À nous de nous préoccuper de notre propre sort. Le sens humain est notre légitimité.
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Que risquons-nous à expérimenter des sociétés du vivre ensemble alors qu’en permanence nous servons de cobayes dans les laboratoires de la déshumanisation et du profit ?
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Le dialogue avec l’État n’existe plus. Aucune doléance du peuple n’a été reçue, si ce n’est à coups de matraque. Pourtant, malgré la rupture effective — et sans même espérer des manifestations de rue qu’elles obtiennent le retrait de décrets iniques —, il est bon de soumettre l’État à un harcèlement constant. Rappeler leur parasitisme aux instances gouvernementales gagnera en pertinence lorsque les micro-sociétés qui font retentir dans la rue les cris de la liberté offensée, opposeront aux diktats du totalitarisme démocratique la légitimité de décrets votés en assemblées de démocratie directe.
(…)
L’insurrection planétaire en cours émane de la vie quotidienne des femmes, des hommes, des enfants. Le phénomène n’est pas nouveau, c’est la prise de conscience qui la propage. Ses revendications vont bien au-delà de la satisfaction consumériste. Sa poésie s’échappe du panier de la ménagère avant même qu’il ne soit vidé par la paupérisation.
L’insurrection de la vie quotidienne offre une surprenante singularité. Elle est une insurrection pacifique en ce qu’elle veut dépasser la lutte traditionnelle entre pacifisme réformiste et révolution barricadière. En ce qu’elle brise ce piège des dualités — du pour et du contre, du bien et du mal — qui a besoin pour fonctionner du terrain miné et militarisé où le pouvoir est roi.
La vie est une arme qui harcèle sans tuer. L’ennemi ne manque pas une occasion de nous entraîner sur un terrain qu’il connaît parfaitement car il en possède la maîtrise militaire. En revanche, il ignore tout de la passion de vivre qui renaît sans cesse, abandonne un territoire dévasté, se le réapproprie, multiplie les occupations de zones à défendre, disparaît et reparaît comme le chat de Cheshire. Il est incapable de comprendre que le combat de la vie pour l’être dissout l’avoir et révoque l’ordre de la misère. Notre guérilla est sans fin au contraire de la lutte pour l’avoir qui, elle, ne survit pas au dépérissement de l’être qu’elle provoque. La cupidité est un étouffement.
« Ne jamais détruire un être humain et ne jamais cesser de détruire ce qui le déshumanise » est un principe de lutte qui a le mérite de s’en prendre à un système d’oppression et non à ceux qui s’en croient le moteur et n’en sont que les rouages. Saboter l’implantation d’une nuisance n’est pas tuer ceux qui en sont responsables.
Le temps est avec nous. L’insurrection de la vie quotidienne commence à peine à faire preuve de sa créativité et de sa capacité de renaître sans cesse. Mieux vaudrait se soucier non d’aller plus vite mais d’aller plus loin.
(…)
L’important n’est pas le nombre des insurgés mais la qualité des revendications. L’autonomie des individus est la base de l’autogestion. Elle émancipe de l’individualisme, cette liberté fictive assignée aux moutons de la servitude volontaire. Elle apprend à distinguer militantisme et militarisme. L’engagement passionnel ne peut se confondre avec le sacrifice. Le combat pour la liberté refuse les ordres. La confiance et le mandat que lui accorde la solidarité lui suffit.
L’autonomie individuelle dispose d’une puissance de harcèlement inépuisable. Or, la peau du Léviathan en ne cessant de se distendre devient vulnérable aux piqûres de moustiques.
(…)
Dans un univers de plus en plus en proie à la laideur de l’argent et du calcul égoïste, le retour à la beauté, à l’amitié, à l’amour, à la générosité, à l’entraide propage une subversion qui ridiculise la ritournelle des belles intentions morales et caritatives.
Le sens humain se moque de l’humanitarisme, tout ainsi que la vie authentique se fout des mises en scène qui la falsifient.
Le consumérisme a démontré qu’un plaisir acheté est un plaisir gâché. En éteignant le néon des supermarchés, la paupérisation s’éclaire de lumières moins trompeuses. En annonçant l’effondrement de l’inutilité rentable, elle laisse à la disette à venir le temps de renaturer la terre, de retrouver une nourriture saine et des agréments qui ne soient plus frelatés. De même que le coronavirus nous a enseigné à mieux renforcer notre immunité, la faillite économique nous enjoint de recourir à nos ressources créatives. Le « do it yourself » fait la nique au self made man dont l’affairisme avait fait son héros.
68 pages, Cactus Inébranlable éd., été 2021
https://cactusinebranlableeditions.com/produit/retour-a-la-base/
Raoul Vaneigem est né en 1934 à Lessines. Son Traité de savoir vivre à l’usage des jeunes génération, paru en 1967, a contribué, avec La société du spectacle de Debord, à insuffler au Mouvement des Occupations de Mai 1968 une radicalité qui commence à peine à démontrer aujourd’hui ses effets novateurs.
Ne jamais bâcler de vivre.
5 février 2019
*
Pour te plaire je dis
Qu’une main d’artisan façonne le temps
Qui nous gorge de cuivres, de peaux,
De futailles, d’étains…
Pour me plaire je dis
Que tu es la matière première
Brute et pourtant raffinée,
De l’amour.
(…)
Retiens mon vertige, grand arbre,
Mur,
Ma lancée,
Mon abri,
Ligature de terre et de ciel.
(…)
Je n’ai d’autres mots que sacrés,
Plus d’autres,
Pour dire combien tu me rends
Claire, et fervente,
Et surprise,
Inépuisablement.
in Chant des heures d’amour
*
Le plaisir d’être douce
Encore
Et plus douce que l’eau sous la barque
Bois mon sillage
Et pour toi je respire
Plus douce que le lac au signal de la nuit
In Délire
*
Tu traceras de tes mains toutes
Mes lignes de flux
Et chaque doigt et tes paumes et ta bouche
Dresseront derrière eux
Une fulgurante limaille de plaisir
Je ne suis pas à voir
Je suis à sillonner
Fais donc de moi tes champs et non ton paysage
(…)
Tracer de tes mains mes lignes de fierté
Mes lignes de défaites
in Si tu veux que je sois belle
*
Mais tu mords dans ce jour avec moi
Dans la pulpe et l’écorce
Le jus de la joie
Buvons notre force.
In Beau fruit
*
Protection : le cauchemar c’est c’qui s’arrête !
in Joies princières minimales
4 août 2020
*
Peu, c’est déjà beaucoup.
C’est entre peu et rien qu’est le grand TROU.
30 juillet 2018
*
Patience, mon ressuscité,
Mon lointain que je palpe,
Mon agonie.
Je cicatrise.
In Le retour
*
Dans mille ans serons-nous mon amour
La dalle qui porte le vide et enfonce l’humus
Le cordage qui casse le vent
La chaîne qui lutte à chaque maillon
Le long couloir noir où s’étire la peur
Et naît le plaisir d’à peine mourir ?
In Dans mille ans mon amour
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Aimer simplement, en tranquillité, en couvrance, en magnanimité pour soi-même et l’autre, sans perdre la transe de simplement exister, quel bienfait pour les racines des plantes et des arbres !
in Le confort des racines
14 février 2020
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Pour bien vieillir il est bon d’avoir
le vice de la joie.
3 août 2018
Alice Mendelson in L’érotisme de vivre Rhubarbe Ed. décembre 2021
"Fin août 2020, dans le bureau où il écrit ses poèmes, Werner Lambersy confie à la Chouette Imprévue son journal de nuit qu'il déclare d'emblée être son "dernier livre". "Rien de tel qu'un oiseau nocturne pour le publier au grand jour" ajoute-t-il. On se quitte et on se promet de se revoir.
Dans les mois qui suivent, la santé de Werner décline et il finit par nous quitter le 18 octobre 2021. A chacun désormais de découvrir les éclats de nuit de ce grand poète francophone, d'abord et avant tout "l'homme de l'aube", comme nous le rappelle son épouse, la poète Patricia Castex Menier."
Pour se procurer le livre :
https://www.lachouetteimprevue.com/single-post/mes-nuits-au-jour-le-jour-de-werner-lambersy
Merci à Voix Dissonante
Quand son esprit monte au plafond, elle se regarde, elle se voit dans le lit, et la grand-mère ajoute un ciel sur chaque chose. Elle regarde les objets, elle fait le tour de la pièce, elle ajoute un ciel pour chaque meuble, un ciel sur la télé, un ciel sur des bouts de pain, un ciel sur les yaourts, un ciel par couverture, un ciel sur le plancher, un ciel sur le gymnase, un ciel sur chaque enfant, Salim, Sara, un ciel sur chaque tête, et un ciel sur chacune de leurs dents, un ciel sur leur front, un ciel sur chaque mèche et tout devient léger.
Elle a eu le prix Goncourt 2023 poésie pour l'ensemble de son oeuvre et je trouve ça très bien ! Je connais peu son travail mais j'apprécie sa façon de lire ses textes, leur seulement apparente facilité et la force qui se dégage de ce corps qu'elle forme avec eux, c'est très puissant et ça en dit beaucoup, son parcours me parle beaucoup aussi. La poésie n'appartient à personne, elle nous traverse et nous transforme, nous aide à vivre : https://chroniquesdesimposteurs.wordpress.com/2023/03/24/entretien-avec-laura-vazquez/
un jour peut-être
les corps qui furent poussière
redeviendront des roses,
et les cœurs
des chardons pleins d’épines
que rongeront les ânes.
pas ce soir.
les jours comme des graviers
se jettent sur les tombes
pour épeler les prières.
les désirs comme des tournevis
ne s’agencent pas dans le bon trou,
et la croix d’un mot
peut faire vivre un homme
jusqu’à ce que son existence s’assèche
comme les neiges bleues au sommet de la chance.
Durant plus d'un jour de paresse j'ai pleuré sur le temps perdu. Pourtant il n'est jamais perdu, mon Seigneur ! Tu as pris dans mes mains chaque petit moment de ma vie. Caché au cœur des choses, tu nourris jusqu'à la germination la semence, jusqu'à l'épanouissement le bouton, et la fleur mûrissante jusqu'à l'abondance du fruit. J'étais là, sommeillant sur mon lit de paresse et je m'imaginais que tout ouvrage avait cessé. Je m'éveillai dans le matin et trouvai mon jardin plein de merveilles et de fleurs.
in Le Jardinier d'Amour
La sublimation a vécu. La pulsion a trouvé un regain de toute-puissance dans un monde qui ne supporte aucune limite pour la satisfaire. Immédiateté, vitesse, fluidité appellent une société sans frustration ni délai. Que ce soit dans l’espace public (les actualités, les faits divers, la pornographie normative, les attitudes «décomplexées») ou sur le divan (patient déprimé, désaxé), la société post-industrielle et post-traumatique de l’après-guerre admet mal qu’on «sublime». Il faut au sujet narcissique un champ opératoire simple et direct à ses pulsions, sinon, il se déprime. La frustration n’est plus supportable, trouvons-lui donc sans cesse de nouveaux objets à ses appétits. L’abstraction, le style, la précision sont passés à l’ennemi, toutes ces choses nous «ralentissent». On ne possède pas un livre, ce n’est ni un investissement ni un instrument ; la lecture prend du temps, et ne produit rien d’autre qu’une capacité accrue à rêver et à penser. L’absence de style dans les productions culturelles est aussi préoccupante que le sont les vies sous pression, moroses et fonctionnelles - tellement plus nombreuses que des vies habitées, voulues.Un monde qui parvient à sublimer est un monde qui prend une forme, qui n’est pas informe comme l’actuelle confusion générale destine le nôtre à l’être.
(…) Le Niger compte un million de kilomètres carrés, dont seuls 40 000 cultivables. Partout ailleurs vivent des bergers nomades qui gardent quelques 20 millions de têtes de bétail : chèvres, moutons, ânes, chameaux, zébus. Le prix des médicaments pour ces animaux ˗ antiparasites, vaccins, vitamines ˗ est monté en flèche depuis que le Fond Monétaire a obligé le gouvernement à fermer son Office national vétérinaire, ouvrant son marché aux multinationales. Depuis, les bergers, de plus en plus nombreux à perdre leur troupeau, ont dû fuir vers les faubourgs de Niamey ˗ ou des capitales alentour : Abidjan, Cotonou. C’est encore le Fond monétaire qui a obligé le gouvernement nigérien à fermer ses dépôts de grains ˗environ 40 000 tonnes de céréales, principalement du mil ˗, lesquels servaient à intervenir lorsque les sécheresses répétées, les invasions de sauterelles ou la soudure annuelle affamaient la population. Le Fond considérait que ces interventions faussaient le marché ; le gouvernement, pris à la gorge par sa dette extérieure, dut plier.
Le Niger est le deuxième producteur mondial d’uranium : ses réserves au milieu du désert sont immenses ˗ et l’uranium est l’un des minerais les plus convoités. Pourtant, le pays n’en tire pas beaucoup de bénéfices : l’entreprise d’État française Areva a toujours eu le monopole* de son exploitation et la redevance qu’elle payait à l’État nigérien était dérisoire.
* jusqu’en 2007, depuis les Chinois ont rejoint la partie, l’auteur en parle plus loin
(…)
Le Niger dépense cinq dollars annuels par habitant en matière de santé. Les États-Unis, par exemple, en déboursent 8600 ; la France, 4950 ; l’Argentine, 890 ; la Colombie, 432. En 2009, il y avait 538 médecins dans tout le Niger, un pour 28000 habitants, alors que dans un pays moyennement riche comme l’Équateur, les Philippines ou l’Afrique du Sud, on en compte un pour 1000. Ce chiffre figure dans une publication officielle du gouvernement qui précise que l’année suivante, en 2010, il n’en restait que 349 ; un médecin pour 43 000 habitants. L’émigration de ceux qui savent ou peuvent et veulent échapper à la misère et aux maladies génère un surcroit de maladies et de misère. Les pays riches ˗ qui dressent des barrières murs bateaux mitrailleuses pour stopper les migrants au bord du désespoir ˗ font venir volontiers les rares professionnels qui parviennent à se former dans ces parages désolés.
in La faim , éd. Buchet-Chastel, octobre 2015
Un enfant qui n’est pas chéri par son village,
le brûlera pour en sentir la chaleur.