Paul WAMO - Lecture Performance FIFO 2023
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J'en ai vu passer des saisons
entre le champ et la maison.
Enfant perdu hors du chemin,
les maïs me donnaient la main.
J'ai vu s'envoler des vivants
dans les chambres s'ouvrant aux vents ;
de verte étable à rouge forge
avec de l'orge dans la gorge.
J'en ai vu sécher des semaines,
le linge étendu, joies et peines,
semailles, graines de poussière
parmi des filets de lumière.
J'en ai vu sauter bien des êtres
de l'étable par la fenêtre.
Les tournesols faisaient la gueule
aux soleils cachés dans les meules.
J'en ai vu boiter des années
de la porte à la cheminée.
Vieil orphelin d'épouvantail,
les blés me tenaient par la taille.
in L'impossible séjour, 15 septembre 2022
Un jour, tu as su enfin
ce que tu devais faire, et tu t’es lancée,
malgré les voix autour de toi
qui continuaient à crier
leurs mauvais conseils,
malgré toute la maison
qui s’est mise à trembler
et tu as senti la vieille corde
à tes chevilles.
« Répare ma vie ! »
criait chaque voix.
Mais tu ne t’es pas arrêtée.
Tu savais ce que tu devais faire,
malgré le vent qui arrachait
de ses doigts raides
les fondations elles-mêmes,
malgré leur mélancolie,
terrible.
Il était déjà bien
tard, la nuit était agitée
et la route couverte de branches
cassées et de pierres.
Je sais, d’expérience, que courir le monde ne sert qu’à tuer le temps.
On revient aussi insatisfait qu’on est parti. Il faut faire quelque chose de plus.
Punaises écuyères à Tubre (Italie), village touché par le nuage nucléaire en 1986...
Née en 1944 à Zurich, en Suisse, Cornelia Hesse-Honegger a travaillé pendant 25 ans comme illustratrice scientifique pour le Musée d’histoire naturelle de l’Université de Zurich. Et là, depuis plus de trente ans, l’artiste sillonne les environs des centrales et autres lieux impactés par le nucléaire dans le monde entier afin d’observer les conséquences des radiations sur la faune et la flore locales. Héritière des naturalistes, elle étudie des insectes au microscope, inventorie précisément ses prélèvements et réalise des aquarelles des organismes mutants qu’elle rencontre. L’ «artiste scientifique» s’est fixé une mission : celle de montrer que les radiations même faibles émises pendant de longues périodes par des centrales fonctionnant normalement peuvent avoir des effets négatifs sur les organismes. Un véritable pan de la santé environnementale qui suscite des préoccupations croissantes. Et qui, en plein marasme climatique, trouve un profond écho dans les débats énergétiques internationaux du moment à la faveur d’un retour en grâce du nucléaire. La France n’y échappe pas. Pour Hesse-Honegger, «la crainte fondée d’un danger potentiel est une raison suffisante pour s’opposer à la mise en place de telle ou telle mesure, pratique, ou technologique, écrit Raffles. Elle lui permet de se libérer de l’ombre de la science». Adresse aux scientifiques ? A nos politiques ? Elle tance : «[…] Si je n’avais trouvé qu’une seule punaise avec le visage tordu, ça aurait été une raison suffisante de se demander ce qui cloche.» Ses aquarelles sont exposées à travers le monde dans des musées et des galeries. Sa pratique est à la croisée de l’art et de la science et de l’engagement anti-nucléaire.
Livre : Créatures de Tchernobyl, L’art de Cornelia Hesse‑Honegger, par Hugh Raffles, traduit de l’anglais par Matthieu Dumont, Wildproject «Petite bibliothèque d’écologie populaire», 100 pp., 12 €.
Se fondre au fond d’un bar ne suffit plus
même refait le monde a mauvaise haleine
même avec beaucoup d’eau
accoster au comptoir ne lave plus l’âme
le rêve rame
feuilles mortes
il a fallu qu'elle apprenne vite à grandir et elle a vite appris
y a des vies qui demandent ça
elle a mal dormi
ses mauvaises habitudes et ses rêves l'ont réveillée
des yeux d'animaux l'observaient qui brillaient sur l'autre rive
elle décide de rester sale
la chatte bien sauvage
elle vire deux-trois trucs superflus et de suite tout redevient simple
feuilles mortes comme autant d'oiseaux morts
elle va manquer cette fête où les conversations semblent toujours écrites à l'avance
et où elle connaît déjà la plupart des questions
trop de gens impossibles à détester
trop de gens impossibles à aimer
parfois on colmate
on fait un enfant ou deux, et
on utilise leurs rires ou leurs larmes comme plâtre
cela marche un temps, puis ils grandissent
ils s'en vont sur les chemins tracer leurs propres entailles
avec des pierres coupantes
alors on reste un peu triste
sauf les dimanches
quand on se retrouve tous ensemble à table
à tenter de remplir à la cuillère ou d'une phrase
nos trous
Poème de Lionel Mazari inspiré par la photo de Cathy Garcia Canalès et mis en musique et interprété par l'auteur.
Mars 2023
Vous êtes espagnole n’est-ce pas ?
Je suis au Saguenay, dans une épicerie en train de payer à la caisse. Le proprio tout sourire emballe mes trucs
Vous êtes proche! C’est presque pareil! Lui dis-je sensuellement.
Là le monsieur est vraiment content! Et hop la salade dans le sac! J’ai presque eu une invitation à parler latino devant un expresso! Alors vite je me pousse!
Le Saguenay est au cœur de l’habitat des autochtones, autour il y a les réserves. Parfois je me sens comme une immigrante qui ne comprend pas trop pourquoi elle est venue dans ce pays de merde!
Oups! De neige!
Et oui, parfois j’aimerais être cette mystérieuse espagnole.
Je lui dis? Non. Mais je dois lui dire! C’est ridicule! Non?
Toute en émoi, la nouvelle intervenante, toute jeune et jolie, me transmet son admiration et son plaisir à déguster les repas que je fais.
Quelle joie de savourer la cuisine orientale! Je n’ai jamais mangé cela! J’adore goûter les mets de différents pays! Ça goûte le soleil du Mexique !
Ça existe le Mexique oriental ?
Je la laisse aller de même pendant deux semaines! Et là, je ris en vous disant cela… De plus, elle me trouvait jolie et géniale, alors pourquoi l’arrêter? Tous les jours cette jeune femme me trouvait merveilleuse! Jusqu’à une certaine pause, après un délicieux pâté chinois, alors que la discussion tourne autour de la chance que j’ai de pouvoir manger gratuitement à mon travail et même, de ramener parfois les restes pour ma famille. Les joies du communautaire!
C’est vrai que dans ton pays vous ne devez pas manger à tous les jours surtout que la nourriture est rare, tu dois être vraiment heureuse de vivre au Canada!
Ayoye!
J’ai un grain de maïs coincé là, entre les dents!
Je la regarde avec pitié et surtout je me sens coupable.
Coupable d’avoir pu être admirée. Pour mon courage, ma force, pour moi! Moi.
Tu sais, je suis Ilnu Non! Pas du Pérou! Ilnu, autochtone!
Hein?
Oh non, je ne vis pas dans une réserve. Pourquoi! ? Parce que mon grand-père a été dans un pensionnat et le gouvernement… tu dis ? Non, je ne suis pas subventionnée!
Le café est froid dans ma bouche.
Elle s’en va. Très loin. Et elle ne reviendra plus jamais me parler du soleil.
Loin de ma terre
au sommet du ciel
quand on frappe la neige
sur mes ailes
un tout petit vent
aura beau dire
toutes les écorces
il restera
son cri et ma plume
dans les feuilles
rouges
Merci jlmi !
le vent des montagnes
dans la clochette
un puissant désir de vivre
Sésame dévêtu.
Le berger est il gardien des berges ? Au verger trouve-t-on des verges ?
Qu’est-ce qui coule de source ? Comment peut-on envisager l’inconnu ? Souriant ?
Y a-t-il mieux à faire que de contempler les mésanges ?
Plus bon que la joie défroissée, toute en crinière douce ?
Il y a bien sûr plus que l’instant dans nos têtes casiers.
Que pourrais-je faire pour mes cheveux ?
C’est si important que ça la coiffure ?
in Le poulpe et la pulpe
Au souffle brumeux des vipères
elle me montre du doigt la sphaigne
où tritons, salamandres en guerre
se battent au milieu des châtaignes
tu sais déjà me murmure-t-elle
qu'il faut séduire pour mieux détruire
et dans un geste et des bruits d'ailes
elle disparaît dans un sourire
puis elle revient et me poursuit
depuis des siècles et ma mémoire
au fil des brouillards et des nuits
se perd dans les ombres du soir