Jane Spakowsky
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Ma grand-mère m'a un jour donné un conseil: dans les moments difficiles, fais de petits pas. Fais ce que tu as à faire, mais petit à petit. Ne pense pas à l'avenir ou à ce qui pourrait arriver demain. Lave la vaisselle. Retire la poussière. Écris une lettre. Fais une soupe. Tu vois? Tu avances pas à pas. Fais un pas et arrêtes toi. Repose-toi. Félicite-toi. Fais un autre pas. Ensuite un autre. Tu ne le remarqueras pas, mais tes pas grandiront de plus en plus. Et le moment viendra où tu pourras penser à l'avenir sans pleurer.
sensible l'âme
simple et sensible
puissante aussi
ne craint pas de puiser
à même la fange
ce qui la fera grandir
cg in Petit livre des illuminations
Moi aussi, je fais partie du clan des Cicatrices et je ne puis être telle qu’on me souhaite, l’incohérence est naturelle, bien plus que l’ordre et la logique !
Je suis un sacré bout de bonne femme ! Et chaque mot à son importance !
Louve parmi les hommes, me reste à trouver ma place parmi les femmes… Que de mystères !
Amoureuse ? Oui ! De ces choses insaisissables que sont le vent et le soleil, la lumière des étoiles, le parfum de la lune, l’eau, le feu et les chants qui montent au ciel !
Les autres m’ont rendue méfiante mais ils m’ont également appris la sagesse. Parfois, c’est si facile de lire en eux que c’en est effrayant ! Des enfants, voilà la vérité, peu d’êtres humains ont quitté leur enfance ! Devenir « adulte » exige un courage que nous avons perdu ou oublié. Je n’en ai pas beaucoup de ce courage là mais j’ai l’avantage de pouvoir me déployer dans toutes les directions, je suis une antenne multipliée vers l’infini. J’ai mis un pied dans le monde d’en bas, celui qui se dissimule sous la croûte dorée des réalités superficielles, et jamais je ne pourrais oublier. Je n’ai pas d’autre choix que d’avancer là où le courant me porte, en tâchant de danser, de danser avec lui autant que je le peux !
cg, in Journal 1998
Mes yeux sont des miroirs en flammes, mon sexe un coquillage dans ta paume fraîche.
Poumons, torse, seins, veines. Météores de désir aux frontières de chair. Écume de jasmin.
Les dés sont jetés. Exil de la flèche en déroutante verticalité. Incision. Je décrypte le signe.
La chair, la sève et le squelette des rêves. La substantielle énigme de verre.
cg in Les mots allumettes, Cardère éd. 2012
Fleur parmi les fleurs
se tourner ouverte
vers la lumière
dans la brèche
laisser couler le miel
l'âme est une abeille
cg in Des volcans sur la lune
Silence épinglé au ciel
Boutons d'étoiles mal cousus
Aux vestes des poucets
Chuchotis de rivière
Soupirs des fossés
Libellules ensorcelées
Par les folles herbes
cg, in Au fond du tiroir, Livre d'artiste n°2, 2012
"À l'image de son travail d'artiste performeuse, la poésie de Regina José Galindo est crue, brute, viscérale. Reflet de la violence d'un continent, son écriture radicale dénonce la violence faite aux femmes et aux Indiens dans son « mauvais mauvais mauvais Guatemala » en proie aux gangs après trente-six années de guerre civile. Rendre hommage et affirmer une résistance, c'est ce que construit par son travail artistique et poétique Regina José Galindo, avec rage et vitalité."
à commander ici :
https://halldulivre.com/livre/9791096274222-rage-rabia-galindo-regina-jose/
Le site de Regina :
http://www.reginajosegalindo.com/en/home-en/
Le numéro spécial Guatemala :
http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive/2017/09/13/numero-58.html
Selva
Ombres pâles sous la lune, le petit groupe avance, en silence. En tête, l’Ancien, celui qui sait. La nuit aux yeux d’onça les observe, les couve de désir phosphorescent, de douceur oppressante. Ténèbres végétales gorgées de sucs et de venins. Les transes stridentes des insectes s’élèvent, s’apaisent. Pulsations, ondulations, symphonies d’un autre monde. Océan de cuirasses, carapaces, antennes, crocs, mandibules, pattes, mâchoires. Copulation. Mutilation. Vie et mort s’entredévorent.
Les hommes marchent. Des traits rouge vif marquent leurs pommettes saillantes. Colliers, perles d’os, flûte gravée, calebasses remplie de feuilles, graines, poudres, pierres secrètes. Les hommes marchent vers le monde des morts. Bientôt leur terre ne sera plus. Atteinte depuis trop longtemps d’une étrange maladie, elle rétrécit et personne ne sait comment la guérir, pas même celui qui sait, l’Ancien.
Une étrange maladie et bien d’autres fléaux aux mains d’un envahisseur blanc, cruel, avide, au pouvoir venimeux. L’Ancien ne peut que s’incliner ; les Esprits semblent avoir rétréci avec son monde. Il ne les entend plus. Fouillés, prospectés, clôturés, abattus, démembrés, brûlés, souillés, massacrés, les Esprits ne parlent plus.
L’Ancien pourtant continue à marcher. Solide. D’autres le suivent. Ombres de plus en plus pâles sous la lune rouge. Et des ténèbres vers la voûte lactée, monte la plainte de la Mère qui pleure.
cg in Sursis (à tire d'ailes 2017)
Collage originale du même nom
Lançado em 1968 pela Disques Vogue na Collection du Musée de l'Homme.
Registrado e editado por Simone Dreyfus-Roche, ligada ao Département d'Ethnomusicologie du Musée de l'Homme.