Camille Hardouin - Effrontément
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Veuillez, je vous prie, me laisser procéder à ma défragmentation. Laissez-moi me rassembler, me ressembler, contempler, le temps qu’il faudra, la belle couleur orangée de cette tisane qui n’a rien coûté si ce n’est le gaz pour amener l’eau à ébullition. Il y a encore quelques sources buvables et gratuites. Il y a encore des fleurs sur des arbustes qu’on débroussaille aux tractopelles. Il y a cette incroyable faculté du monde végétal de continuer à germer, à jaillir, à grandir, à pousser sans qu’on ne le lui demande. Quelques boutons de pissenlit, quelques feuilles de mélisse et le corps jouit d’être compris, tandis que les oiseaux cherchent ce qu’il faut pour faire leurs nids.
in (c)Ourse bipolaire
j’aime ta présence lénitive
les chants des multitudes que tu abrites
cette tendre complicité du bois et de la plume
cg in Je l'aime nature
Le Jardin de Bernadette Calméjane évoque le « Palais Idéal » du Facteur Cheval. On y est accueilli tout d’abord par d’étranges individus : un couple enlacé, un randonneur, un ours dressé. On devine qu’il s’agit de statues de bois mais lorsqu’on s’en approche, on remarque qu’elles ne sont pas dissociées de leur socle qui lui même n’est pas dissocié du sol. Il s’agit bel et bien de sapins encore enracinés que leur propriétaire jugeant souffreteux a transformé en personnages par la magie de ses mains comme on change une citrouille en carrosse. Plus loin se dresse un champignon géant, vestige d’un cyprès moribond. Ça et là, d’autres figures de bois parsèment l’endroit : un aigle au bec acéré, une chouette perchée au coin d’une fenêtre qui vous fixe de ses yeux grands comme des soucoupes, un globe lumineux serti dans sa gangue ligneuse, un arbre dénudé aux fruits étranges, boules en rameaux de châtaigner semblables à des entrelacs de méridiens célestes. Ces tiges souples et solides qu’on utilisait autrefois pour lier les fagots de petit bois ramassés dans la forêt, Bernadette en a gardé une maîtrise impressionnante. Témoin ces trois taureaux monumentaux, chefs d’œuvres de vannerie, qui semblent vous observer depuis la prairie en surplomb du bâtiment et dont la ramure imite à ce point leur anatomie qu’on les dirait prêts à charger.
Car l’artiste, bien que totalement autodidacte, maîtrise de nombreuses techniques. Dernière d’une longue lignée de cultivateurs éleveurs lotois, elle en a hérité certaines d’anciennes traditions dont elle est l’ultime dépositaire. Ce jardin qu’elle peaufine un peu chaque jour entoure la maison qui l’a vue naître. Témoin privilégié des changements qu’a connus la région, elle n’éprouve pas de nostalgie particulière. D’ailleurs, dans sa boulimie de création, elle n’hésite pas à se tourner vers des matières résolument modernes. Ainsi elle sculpte le béton cellulaire, à la fois tendre et résistant. C’est que le mari de Bernadette avait une entreprise de maçonnerie et disposait de toute sorte de matériaux. Elle en a perçu les possibilités et les a détournés de leur fonction d’origine. Fidèle à la tradition autarcique de la paysannerie locale, elle n’utilise que ce qu’elle peut glaner : souches, bois façonné par les intempéries, restes de ciment, fil de fer, fonds de peintures… Influencée par l’art primitif, elle réalise des tableaux à partir de ces reliquats et, miracle de la sérendipité qui est le don de faire par hasard des découvertes fructueuses, elle se rend compte que les différents diluants des pigments, acryliques, glycérophtaliques, mats, satinés, laqués qu’elle n’hésite pas à mélanger refusent de s’amalgamer de façon fluide et produisent d’étonnants effets moirés.
Artiste complète, peintre, sculpteur, plasticienne, Bernadette en refuse pourtant le titre. Elle ne recherche pas la notoriété. Ses œuvres sont souvent intransportables, comme ces sculptures encore enracinées. Elle est semblable à ces chasseurs cueilleurs du paléolithique qui ont orné les grottes de sa région sans se soucier d’y apposer leur signature.
(...)
Marc-Antoine Gallice
Le problème de cette société, c'est que tout tourne autour de l'argent, donc la principale occupation et préoccupation, c'est faire de l'argent, comment gagner de l'argent, sans cela une bonne partie des idées stupides et assassines et des actes qui suivent n'auraient plus raison d'être. Et pourquoi faudrait-il gagner de l'argent pour vivre ? Une pure invention économique, simplement pour que ceux qui en ont beaucoup puissent conserver leur pouvoir et leurs privilèges, c'est une impasse dramatique. Si on se pose la question du pourquoi de la majeure partie des conneries humaines, la réponse est invariablement : pour l'argent. Pourquoi détruit-on notre lieu de vie jusqu’à nous autodétruire nous-mêmes : pour l’argent. Dingue, non ?
Danse Macabre
Fière, autant qu'un vivant, de sa noble stature,
Avec son gros bouquet, son mouchoir et ses gants,
Elle a la nonchalance et la désinvolture
D'une coquette maigre aux airs extravagants.
Vit-on jamais au bal une taille plus mince ?
Sa robe exagérée, en sa royale ampleur,
S'écroule abondamment sur un pied sec que pince
Un soulier pomponné, joli comme une fleur.
La ruche qui se joue au bord des clavicules,
Comme un ruisseau lascif qui se frotte au rocher,
Défend pudiquement des lazzi ridicules
Les funèbres appas qu'elle tient à cacher.
Ses yeux profonds sont faits de vide et de ténèbres,
Et son crâne, de fleurs artistement coiffé,
Oscille mollement sur ses frêles vertèbres.
Ô charme d'un néant follement attifé.
Aucuns t'appelleront une caricature,
Qui ne comprennent pas, amants ivres de chair,
L'élégance sans nom de l'humaine armature.
Tu réponds, grand squelette, à mon goût le plus cher !
Viens-tu troubler avec ta puissante grimace,
La fête de la Vie ? ou quelque vieux désir,
Éperonnant encore ta vivante carcasse,
Te pousse-t-il, crédule, au sabbat du Plaisir ?
Au chant des violons, aux flammes des bougies,
Espères-tu chasser ton cauchemar moqueur,
Et viens-tu demander au torrent des orgies
De rafraîchir l'enfer allumé dans ton cœur ?
Inépuisable puits de sottise et de fautes !
De l'antique douleur éternel alambic !
A travers le treillis recourbé de tes côtes
Je vois, errant encor, l'insatiable aspic.
Pour dire vrai, je crains que ta coquetterie
Ne trouve pas un prix digne de ses efforts ;
Qui, de ces cœurs mortels, entend la raillerie ?
Les charmes de l'horreur n'enivrent que les forts !
Le gouffre de tes yeux, plein d'horribles pensées,
Exhale le vertige, et les danseurs prudents
Ne contempleront pas sans d'amères nausées
Le sourire éternel de tes trente-deux dents.
Pourtant, qui n'a serré dans ses bras un squelette,
Et qui ne s'est nourri des choses du tombeau ?
Qu'importe le parfum, l'habit ou la toilette ?
Qui fait le dégoûté montre qu'il se croit beau.
Bayadère sans nez, irrésistible gouge,
Dis donc à ces danseurs qui font les offusqués :
« Fiers mignons malgré l'art des poudres et du rouge,
Vous sentez tous la mort ! Ô squelettes musqués,
Antinoüs flétris, dandys à face glabre,
Cadavres vernissés, lovelaces chenus,
Le branle universel de la danse macabre
Vous entraîne en des lieux qui ne sont pas connus !
Des quais froids de la Seine aux bords brûlants du Gange,
Le troupeau mortel saute et se pâme, sans voir
Dans un trou du plafond la trompette de l'Ange,
Sinistrement béante ainsi qu'un tromblon noir.
En tout climat, sous tout soleil, la Mort t'admire
En tes contorsions, risible Humanité,
Et souvent, comme toi, se parfumant de myrrhe,
Mêle son ironie à ton insanité !
la plus ancienne chanson anglaise retrouvée et conservée :
"[M]Irie it is while sumer ilast
with fugheles song
oc nu necheth windes blast
and weder strong.
Ei ei what this nicht is long
And ich with wel michel wrong.
Soregh and murne and [fast]."
*
"Merry life it is while the summer it lasts
with sound of bird song.
Oh but now the cold wind blasts,
it blows so strong.
Oh, oh, but this night is long
And it does to me much wrong:
sorrow and mourn and starve."
Pour tout savoir à son propos :
https://earlymusicmuse.com/mirie-it-is-while-sumer-ilast/
Voici les quatre nobles sœurs
Qui connaissent un sort semblable :
Elles te montrent les emblèmes
De l’œuvre qui sera tienne.
La première enjoint de dissoudre
Le corps que tu auras choisi,
La seconde veut que tu laves
Ta matière soigneusement,
La troisième dit de conjoindre
Les parties du corps séparées
Et la quatrième t'enseigne
À durcir la Pierre à ton feu.
in Philosophia reformata, 1622
Patience, mon âme. Tu veux fendre muselière, je te parle sagaie, flèche, rasoir.
Obscure arborescence dissimulée dans le filet.
Je flotte dans le corps, bascule les câbles. Étrange toupie, coque scindée.
Déroulée la houle, découpée la coupe, démolis les mots.
Nous cumulons les éternités comme un enfant empile ses cubes.
Mais dans le chiffon de l’univers, la mort serait-elle un trou de ver ?
cg in Fugitive, Cardère éd. 2014
et toujours dans le fumier
un pressentiment
le sortilège d’un œuf
au croupion de l’univers
le délice des bêtes
frétillant dans la glaise
bouilleur de cru
odeurs de fleurs
au cou de la nuit
le désir traverse
la dentelle
du squelette
cg in Aujourd'hui est habitable
d'après le roman éponyme de Jocelyne Saucier, voir ma note de lecture ici :
http://cathygarcia.hautetfort.com/apps/search/?s=il+pleuvait+des+oiseaux