Orange Blossom - Black Box
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Femme assise devant une table cassée
La mort dans le ventre.
Rien dans l’armoire.
Fatiguée de tout même de ses souvenirs
Elle attend fenêtre ouverte
La lumière aux mille visages
Qu’est la folie
in Cris
Elle veut crier à son tour, mais l’absence est trop forte. Elle veut arracher des vêtements mais sa nudité l’étouffe. Le nom ne peut plus s’effacer, il reste seul, gardien du jour immobile, au milieu du sable effrité sous les coups de la marée. Elle sent le sel s’insinuer inexorablement entre ses cuisses et brûler son désir, sa chair, ses origines. Bientôt, il ne restera, flottant au dessus des vagues frémissantes, que l’ombre d’un regard obscurci par les mots, et un nom silencieux, discret, indestructible, saturé d’immense.
in Battements de mémoire
je n’écris pas
de main morte
traduit de l’espagnol (Chili) par Anne-Marie Illustrations Joëlle Jolivet
Métailié, octobre 2016
95 pages, 12 €
Au travers de cette belle et émouvante histoire, Luis Sepúlveda rend hommage à ses origines mapuche, étymologiquement « les Gens de la Terre », du Wallmapu, la terre d’Araucanie. Ce peuple autochtone lutte depuis des siècles contre le wingka, l’étranger blanc qui lui a pris ses terres et bien plus que ça et qui l’a repoussé sur les plateaux aux confins du Chili et de l’Argentine. La lutte des Mapuche contre les injustices auxquelles ils sont soumis, est toujours très d’actualité, leurs chefs sont violemment persécutés, leurs droits constamment bafoués.
Comme tous les peuples autochtones d’Amérique, les Mapuche sont très proches et très respectueux de la nature. Ils la connaissent, la comprennent et la protègent et savent qu’elle « se réjouit de leur présence et tout ce qu’elle demande c’est qu’on nomme ses prodiges avec de belles paroles, avec amour ».
C’est donc ici l’histoire d’un pichitrewa, un chiot perdu dans la montagne, adopté par nawel, le jaguar, puis conduit par celui-ci dans un village Mapuche où il sera élevé avec le petit-fils d’un logko, un chef et un sage, jusqu’à ce que des wingkas fassent irruption dans le village, avec armes de mort et pelleteuses, assassinent le logko et s’emparent des terres et du chien.
Cette belle et triste histoire est racontée à la première personne, par le chien lui-même, nommé Afmau, qui signifie loyal. Elle parle de fidélité, de courage, de noblesse et de la cruauté des wingkas, de leur ignorance et de leur irrespect de la nature. Une belle leçon de vie, un hommage au peuple mapuche et un hymne à la nature, où la terre, les animaux, les arbres, les plantes, sont des personnages à part entière. On y apprend bien des choses sur cette Araucanie perdue ainsi que de nombreux mots en mapudungun, la langue mapuche, même les chiffres et les mois, au nombre de treize, qu’on pourra retrouver au complet dans un lexique à la fin de l’ouvrage.
Des dessins en noir et blanc de Joëlle Jolivet accompagnent, avec justesse et une palpable émotion, cette histoire, de celles qui se racontent au cours d’ayekantun, ces réunions au coin du feu ou au bord de la rivière « en mangeant les fruits de l’araucaria et en buvant le jus des pommes que l’on vient de cueillir au verger », comme celles que racontait aux enfants le grand-oncle de l’auteur, Ignacio Kallfukurá.
Nul doute que ce sang mapuche qui coule dans les veines de Luis Sepúlveda n’est pas étranger à sa profonde sensibilité et son admirable talent de conteur.
Et on songe à ces quelques strophes du poète mapucheElikura Chihuailaf Nahuelpan :
Welu ñichaw egu tañi laku egu–
Lonko lechi lof
mew – welu kvme az zuwam
pukintu keygu
Je parle de la mémoire de mon enfance
et non d’une société idyllique
Là-bas, il me semble,
j’appris ce qu’était la poésie
Cathy Garcia
Publié sur avec une critique du même livre par Didier Bazy : http://www.lacauselitteraire.fr/histoire-d-un-chien-mapuche-luis-sepulveda-deux-critiques
Ah ça ! le bel asile que nous formions en vérité, le beau banquet de gueules brisées – et avec le sourire encore s’il vous plait ! Le rictus esquinté des candidats au cadavre. Oui, des échoués que nous autres. Des loques. Des vestiges.
in En face
"Un pastis au mezcal", un des poèmes de Laurent Bouisset publiés dans ce numéro :
"RIMBAUD A 160 ANS" un des neuf poèmes de Stéphane Casenobe publiés en CAPITALES selon les souhaits du poète, dans ce dernier numéro de l'année.