Amaury Grisel - Selfie
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
« Je me demande bien Tchoubaïka, pourquoi on traite la bourgeoisie libérale de libérale. Elle est porteuse d’une idéologie totalitaire extrême. Si on l’y regarde de près, tout son libéralisme se réduit à la permission donnée aux travailleurs de s’enculer à volonté pendant leurs heures de repos. » et Tchoubaïka répondait : « Excusez-moi Zouzia, mais c’est un grand pas en avant si on compare avec le régime qui percevait même cette activité comme sa prérogative.»
in Les nombres
Au commencement était la pierre et la pierre provoqua la possession et la possession la ruée, et dans la ruée débarquèrent des hommes aux multiples visages qui construisirent dans le roc des chemins de fer, fabriquèrent une vie de vin de palme, inventèrent un système, entre mines et marchandises.
in Tram 83
Comment perdre ses chaussures, sa raison, son assise et son apparence, comment se délacer, s’égarer, se soustraire aux codes de R., nation d’ordre, de discipline où le premier pas de l’enfant est calculé à la courbe du rendement de R. ?
in pieds nus dans R.
La nuit encore
le soleil étouffant
mutile la fermentation du sommeil
Nous vivons désormais
lovés dans ce désert
où la terre n’est que
poussière montant au ciel
in Indalo
J’emmerde les courbes de croissance
En devenant adulte on ne grandit pas
on ne fait que rétrécir
notre aptitude à nous émerveiller
in J'emmerde...
J’emmerde la chasse au trésor
Chercher
ce qu’il reste de bonté
en chacun de nous.
in J’emmerde…
« Que fais-tu grand-mère, assise là, dehors, toute seule ? » Eh bien, vois-tu, j’apprends. J’apprends le petit, le minuscule, l’infini. J’apprends les os qui craquent, le regard qui se détourne. J’apprends à être transparente, à regarder au lieu d’être regardée. J’apprends le goût de l’instant quand mes mains tremblent, la précipitation du cœur qui bat trop vite. J’apprends à marcher doucement, à bouger dans des limites plus étroites qu’avant et à y trouver un espace plus vaste que le ciel. « Comment est-ce que tu apprends tout cela grand-mère ? » J’apprends avec les arbres, et avec les oiseaux, j’apprends avec les nuages. J’apprends à rester en place, et à vivre dans le silence. J’apprends à garder les yeux ouverts et à écouter le vent, j’apprends la patience et aussi l’ennui ; j’apprends que la tristesse du cœur est un nuage, et nuage aussi le plaisir; j’apprends à passer sans laisser de traces, à perdre sans retenir et à recommencer sans me lasser. « Grand-mère, je ne comprends pas, pourquoi apprendre tout ça ? » Parce qu’il me faut apprendre à regarder les os de mon visage et les veines de mes mains, à accepter la douleur de mon corps, le souffle des nuits et le goût précieux de chaque journée ; parce qu’avec l’élan de la vague et le long retrait des marées, j’apprends à voir du bout des doigts et à écouter avec les yeux. J’apprends qu’il faut aimer, que le bonheur des autres est notre propre bonheur, que leurs yeux reflètent dans nos yeux et leurs cœurs dans nos cœurs. J’apprends qu’on avance mieux en se donnant la main, que même un corps immobile danse quand le cœur est tranquille. Que la route est sans fin, et pourtant toujours exactement là. « Et avec tout ça, pour finir, qu’apprends-tu donc grand-mère ? » J’apprends, dit la grand-mère à l’enfant, j’apprends à être vieille !
in J'apprends