Félix Labisse
La main a des yeux. Dedans mordre délicatement. Faire le vide, dedans, autour. Rien ne sert de courir après l’autre s’il n’est pas prêt. Descendre, faire confiance.
in Celle qui manque
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La main a des yeux. Dedans mordre délicatement. Faire le vide, dedans, autour. Rien ne sert de courir après l’autre s’il n’est pas prêt. Descendre, faire confiance.
in Celle qui manque
défaire le crépuscule
glisser dans les reflets renards de ses draps
fixer l’horizon par des pointes d’améthyste
le laisser sécher à la lune
tracer un paysage au fusain de la langue
compter les brûlis sur la peau
les innombrables feuillets de nos masques pâles
regarder fondre la vitre du réel
ses reflets d’huile sur l’étendue de neige
le roulis des roseaux
grand soleil rouge à l’horizon brûlé
in Mystica perdita, à tire d'ailes 2009
Du plomb fera-t-on métal solaire ?
Folle ou sage la grande perforatrice
Pour aller au cœur où réside le secret ?
Créatures oui
Mais de quoi ?
Dans son bain en fusion
Son rire apocalyptique
Grand x
Non résolu
Arbitre défoncé
Programmateur de génie
Méga lumineux
Maître amour
Chercher le sens
N’a aucun sens
Le révélé
Demeure
Caché
in Mystica perdita, à tire d'ailes 2009
SE TENIR INFORMÉ
Une éruption de bus
perturbe la circulation en Seine Saint Denis.
Un volcan caillassé en Islande.
in Purgatoire du quotidien
On ne l'appelle plus
pour les fenaisons,
les vendanges ;
mais juste pour les osselets.
Son pain n'est pas de blé,
son vin n'est pas de sang.
On ne l'appelle que
pour débaptiser.
La Mort aime
les bons vivants ;
elle aime jouer
avec leurs âmes d’enfant
qu’elle raccompagne
à la Maison.
Ce qui l'amuse plus que tout,
c'est bien de les perdre en chemin,
bien loin de cette Maison
qu'elle met en pièces.
Mais ne soyez pas trop durs avec elle !
Elle ne fait que son boulot ;
derrière elle ne doit rester
que le cintre blanc des os.
in Le Tarot de Saint Cirque, Gros Textes 2020
Fabuleuse
Monstrueuse
Solitude
Tous les mythes de l’humanité
Mijotent dans ce creuset là
Creusez là
Creusez la terre
Creusez les méninges
Déroulez
Vos rêves de sommets
Vos songes de cimes
Chacun cherche le signe
Et tout n’est que fuite ou retour
Vers le pulsar primal
in Mystica perdita, à tire d'ailes 2009
Tendue de peaux mortes, elle tangue, la mâchoire rouillée.
Elle tangue sous le couteau et ses cauchemars sont des drones.
Le guetteur lui parle de vie majuscule.
Elle entend funérailles, rubis teinté de mort.
in Fugitive, Cardère 2014
Ces nuits où l’on rêve
Que l’abcès est crevé
Que l'amour est revenu
Décrocher les pendus
L’espoir galope et galope
Enragé dans nos veines
Charade enjôleuse
Des nuits moites
Le cœur bat trop fort
Attiré au-dehors
Et nos yeux dans le noir
Abîment les miroirs
in Claques & boxons, Nouveaux délits éd. 2013
femme fantôme
aux yeux de cendres
fruit de brume
à la bouche anémone
tu souffles
de douces spirales
sur mes insomnies
ton nom est gravé sur un os
enfoui quelque part
sous une colline
marquise vaporeuse
offre-moi
la dernière valse
un tour de passe-passe
car sur mes lèvres la vie
déjà se consume
in Mon collier de sel, à tire d'ailes 2020
Saison des sauts
Les saisons sous les ponts
Tissent des vents bleus
Ensablent les mémoires
Dessèchent les instants
Soie coton et brindilles
Les monstres lèchent
Le tranchant du parapet
Lancent aux passants égarés
De fines aiguilles de pluie
Les poissons dévorent la pierre
Usent le temps
L’abîment en eau de prière
Un homme aveugle
Se jette dans le vide
Lové sur lui-même
Fragile coquille
in Mystica perdita, à tire d'ailes 2009
PLUS ENVIE
Avant j’écrivais comme on dégueule, ça jaillissait, débordait, dégorgeait de partout, maintenant je retiens, je ravale, je n’en veux plus. Écrire c’était crier à l’intérieur. Trop de noir, trop de poisse, trop de poids, trop de larmes, des strates de mélasses et des poissons suffoquant. Avant j’écrivais. Non, ça m’écrivait, me traversait, me transperçait, je n’avais pas de digues, je n’en voulais pas. Aujourd’hui non plus je n’en veux pas mais je ne veux plus écrire. Le noir me fatigue, le malheur aussi, la névrose, la déprime, la rage, les armes dont je ne voulais pas, que j’ai retournées contre moi-même, à me forer jusqu’à l’os, à traquer sans répit le pourquoi. C’est vrai ça, pourquoi ? Aujourd’hui je n’écris plus, la source est retournée dans les limbes et moi je cherche le neuf. Une place que je n’aurais pas eu à voler, une place pour laquelle je n’aurai pas à me raboter ou au contraire à me rajouter des parures, des enflures. Écrire m’ennuie, j’ai déjà tout dit et ça ne change rien. Plus envie de dire, envie de rire, de vivre. D’accomplir des gestes qui servent à quelque chose. C’est idiot. C’est dire à quel point je ne me sens toujours pas légitime.
2014
in Ourse bipolaire
J’ai le cœur qui s’affirme maintenant
qui rayonne sans filtre, elle tourne bien ma petite centrale
j’ai le cœur qui bat à son propre rythme
qui ne s’emballe plus
à trop vouloir s’accorder
avec les uns avec les autres
avec ce qu’ils disent et son contraire
j’ai le cœur cristal
et toutes les fêlures
sont des tatouages
dont l’histoire n’a plus d’importance
ou presque
in Le livre des sensations
Lasse des épaves, la fantaisie se cabre, glane des comas dans les chardons. On passe le gant de crin sur nos sourires de lézards, tout en ignorant les rituels des cyclopes qui gardent les mines de pollen.
in Aujourd'hui est habitable, Cardère 2018
Je voudrais des ailes. Aile comme lumière, aile comme légère.
Hélas…. Mes ailes lasses.
Je touche aux bas-fonds où rampent folies, insanités. Tunnels lugubres, lancinants. Je me creuse au-dedans pour accueillir la vie mais mes yeux ne surprennent que la mort. Mort des mouches, mort du souriceau, mort dans l’âme que je traîne d’un matin à l’autre.
L’âme… Une superstition ?
Ainsi donc j’étais folle et je ne le savais pas. J’avais oublié. Je l’avais trop bien caché, dissimulé dans mes brouillards, mes fumées. Folle sans aile. Sans amour. Sans amour surtout. Toujours à me frotter au côté crin de la vie.
Peau douce mais le cœur si friable.
À force d’user ma solitude, elle est devenue fine et translucide.
Fragile, si fragile…
2002
in Ourse bipolaire
enfouir dans l’argile
les cendres de palabres
quand l’onde fraîchit
courir vers la forêt
danse effilochée des sentiers
s’imprégner du chant
sur la peau de la pluie
foudre de joie
fulgurante lucidité
primitive
in Aujourd'hui est habitable, Cardère 2018