Susanna Bauer
Écrire est mon écrin.
in Chroniques du hamac
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Écrire est mon écrin.
in Chroniques du hamac
Le crayon est mon antenne, la peau est mon antenne, mes poumons avalent le vent, le cœur fait tambour avec le tonnerre. La bête est rusée, elle tourne, ne s’approche pas directement, elle a pissé à peine et tout reste sur sa soif. Un avion, ridicule moucheron, vient la narguer, son moteur résonne comme un chant de cathédrale, ça énerve la bête qui souffle des naseaux, gronde. Pour l’accueillir comme il se doit, avec respect, je lui offre de mon vin de gaillet et nous buvons ensemble, elle tourne plus vite, rugit sourdement mais je sais qu’elle tiendra sa grêle loin de mes plantes. Nous avons un pacte. Je laisse sa respiration s’unir à la mienne, l’air est un élément avec qui je partage de grandes affinités. La bête me répond avec force et douceur à la fois, le vin de gaillet répand sa saveur légèrement amère dans ma gorge. La bête est tout près, elle bouscule les objets, courbe les arbres, elle ne va pas tarder à mordre, mais elle est lumineuse et la voilà qui pisse sa joie sans retenue. Les gouttières recueillent : eau d’orage, le plus euphorisant des parfums. La bête me couve maintenant, tout s’est assombri, ma peau frissonne et je sens à quel point elle retient sa force pour ne rien détruire. Je reste dehors, un peu à l’abri sur la terrasse, entourée des chevaux de vents qui diffusent leurs prières. Je tiens un galet poli dans ma main, gris sombre et dense, comme si je tenais l’orage lui-même. La lumière est incroyable, la bête m’a prise à l’intérieur d’elle-même et tout est calme.
in Le livre des sensation
un bouquet pourrissant
dans le crépuscule de paille
l’obsession d’une prairie
bourgeon de tourterelle
feuille de pommier
le mystère ruisselle
dans un losange de lumière
sur les veines de l’initiée
nous goûterons ce miel sidéral
la sueur des calices au goût de citron
la saveur tendre d’une pluie défenestrée
l’encre douce de l’âme
cette flaque à boire à la frêle cuillère
entre l’os et l’humus
dans les maquis du silence
avec la sève des nuages
et la sublime audace
de nos chapelles ardentes
pour se convaincre que la salive
et le feu de nos rêves
peuvent conjurer la sombre
et stridente rage
des temps de mort
Les feuilles passent, l’arbre demeure. Lent retour vers les racines pour celui qui cherche, se concentre, traverse la sève, retourne au point zéro de la poussée.
in Chroniques du hamac
des étoiles qui chutent
des fruits mûrs qui tombent
le cœur qui s'ouvre
c'est toujours
au parfait moment
il y a peut-être un sens à l'insensé, atroce compris, vu de l'autre côté de ce monde qui se croit matériel. Pour savoir il faut voir, pour croire il faut toucher, pensaient les uns, disaient les autres, alors nous voyons jusqu'où peuvent aller les ténèbres humaines, nous touchons le fond des blessures les plus purulentes, nous nous enfonçons dans la matière avec une arrogance et un désespoir sans fin. Un claquement de doigt, une nano-fraction de seconde à l’échelle du temps cosmique, avant de retrouver notre intégrité véritable, atomisée d'amour
in Philosovie
BELLE AU BOIS DORMANT
Belle endormie
au bois charmant
jolies fleurettes
et lapins blancs
Parfums de terre feuilles
dans tes robes froissées
attirent la lumière
et les insectes zélés
Belle assoupie
au charme d'antan
les framboises sont mûres
mais nul prince tu n'attends
La nature te suffit
et c’est toi qui règnes
princesse sauvage
d’un château dans les arbres
in Toboggan de velours
Prendre la route
qui grimpe vers la douceur
comme une écharpe vaporeuse
autour du cou de la lumière
lancer au ciel quelques prières
légères comme des pièces de cuivre
d'une monnaie qui n'aurait plus cours
se gorger du silence
d'un sommeil d'oiseau
qui a passé la nuit
à boire de l'encre
Désir, marcher, marcher, rejoindre le point de départ, le point de nulle part et puis mourir, les yeux gorgés de beauté intense, grands ouverts sur l'espace jusqu'à ce que le froid et la chaleur ne soit plus qu'une seule et même brûlure.
in Journal 1997
bouffée de Calliope
nous sommes les écharpes d'Iris
qui donnons naissance
à l'infini des nuances
nous sommes débris de lumière
sépulcres de démiurges laminés
in Petit livre des illuminations simples
l’onguent de l’aube
pénètre la nuit
à l’ombre de l’homme
une faim de femelle
la ruche dégorge son miel
l’amour s’offre
le corps des abeilles
in Des volcans sur la lune
Quelque chose de grandiose
Venait de naitre
Une fleur ou peut-être
L’Amour
in États du big bang
Carnabole
pantin manipulé
ce dégoût de soi
à refaire sans cesse
mêmes sutures
sur plaies purulentes
déchirures
démêler le sordide
du sauvage
distinguer la beauté
au sein des carnages
pureté innocence pendues
à des mamelles animales
pantin suis-je
de quelle mascarade ?
à traîner un mal
une malé-diction
paralysant poison
cette noirceur qui déchire
creuse ses abîmes
et nous voilà
abîmés
poison tu es
poisson je dois être
mais poisson
ne se noie pas
moi si
vertige des eaux soûles
in Mon collier de sel
voir à l’œil nu le brin
qui s'effiloche et le tirer
pour voir jusqu'où
il peut aller
in Histoires d'amour, histoire d'aimer