PLUS ENVIE
Avant j’écrivais comme on dégueule, ça jaillissait, débordait, vomissait de partout, maintenant je retiens, je ravale, je n’en veux plus, écrire en moi c’était crier, trop de noir, trop de poisse, trop de poids, trop de larmes, des strates de mélasses et de poissons suffoquant. Avant j’écrivais, non, ça m’écrivait, me traversait, me transperçait, je n’avais pas de digues, je n’en voulais pas, aujourd’hui non plus je n’en veux pas, mais je ne veux plus écrire. Le noir me fatigue, le malheur aussi, la névrose, la déprime, la rage, les armes dont je ne voulais pas que j’ai retournées contre moi-même, à me forer jusqu’à l’os, à traquer sans répit le pourquoi. C’est vrai ça, pourquoi ?
Aujourd’hui je n’écris plus, la source est retournée dans les limbes, et moi je cherche le neuf. Une place que je n’aurais pas eu à voler, une place pour laquelle je n’aurai pas à me raboter ou au contraire à me rajouter des parures, des enflures. Écrire m’ennuie, j’ai déjà tout dit et ça ne change rien. Plus envie de dire, envie de rire, de vivre. D’accomplir des gestes qui servent à quelque chose. C’est idiot. C’est dire à quel point je ne me sens toujours pas légitime.
2014
in Ourse bipolaire