Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

FUSIONS POÉTIQUES - Page 21

  • Judith en den bosh

    Judith en den bosh.jpg

     

    Je voudrais des ailes. Aile comme lumière, aile comme légère.

    Hélas…. Mes ailes lasses.

     

    Je touche aux bas-fonds où rampent fous et insanités. Tunnels lugubres, lancinants. Je me creuse au-dedans pour accueillir la vie mais mes yeux ne surprennent que la mort. Mort des mouches, mort du souriceau, mort dans l’âme que je traîne d’un matin à l’autre.

     

    L’âme… Une superstition ?

     

    Ainsi donc j’étais folle et je ne le savais pas. J’avais oublié. Je l’avais trop bien caché, dissimulé dans mes brouillards, mes fumées. Folle sans aile. Sans amour. Sans amour surtout. Toujours à me frotter au côté crin de la vie. 

     

    Peau douce mais le cœur si friable. 

     

    A force d’user ma solitude, elle est devenue fine et translucide. 

    Fragile, si fragile…

     

     

    2002

    in Ourse bipolaire

     

     

  • Wolfgang Suschitzky

    wolfgang suschitzky 9.jpg

     

    enfouir dans l’argile

    les cendres de palabres

    quand l’onde fraîchit

    courir vers la forêt

    danse effilochée des sentiers

    s’imprégner du chant

    sur la peau de la pluie

    foudre de joie

    fulgurante lucidité

    primitive

     

    in Aujourd'hui est habitable, Cardère 2018

     

     

     

     

     

     

  • Daniel Masclet - La fille au pot de confiture - Quai d'Orléans - Paris - 1950

    Daniel Masclet-Quai-dOrléans,-Paris,1950-La-fille-au-pot-de-confiture.jpg

     

    J'emmerde les artistes et les poètes qui se pensent à part.

    Le mot ART ne devrait pas exister, à la place il faudrait lire VIE.

     

    Pulvériser ces ghettos qui font que les poètes ne fréquentent que les poètes. Tracer, tresser des ponts, se faire passeurs d’ailes.

     

    Que le poète s’enivre avec le plombier, que le plombier danse avec les ballerines, que les danseuses recoiffent les infirmières, que les infirmières peignent les maçons, que les maçons bâtissent des charpentes d’étoiles, 

    que les étoiles fassent des confitures, que les grand-mères fassent la révolution, que les révolutionnaires fassent du yoga, que les yogis fassent des plans sur les comètes qui ouvriraient des bars pour les poètes qui s’enivreraient avec les policiers en tricotant des alouettes pour faire rire les plombiers. 

     

    Que tout se mêle se mélange, semer l’ange bleu de chez Armani, costard de travail, babouches bleu blanc rouge et baguette au sésame. Que tout s’enlace dans l’immense orgie de l’humanité réconciliée et dans un grand feu de joie à ciel ouvert, toutes les machinations du monde seraient jetées.

     

    in Chroniques du hamac

     

     

  • Gustave Gain - Femmes sur la plage de Siouville-Hague vers 1908

    Gustave Gain, Femmes sur la plage de Siouville-Hague (50) vers 1908,.jpg

     

    AMER PÂLE

     

    Si pâles, toutes ces pages que le vent tourne

    Si sale, la plage où la viande se retourne

    A l'abandon vont les vieux bateaux

    Leurs grandes voiles tombées en lambeaux

     

    Les flots tournent en rond, à genoux

    Jusqu'au fond des draps

    Et les femmes pleurent tous les époux

    Qu'elles n'épouseront pas

     

    Mais allez venez, n'y pensez plus

    Allez dansez, dansez pour la mer

    Même si tout l'amour semble perdu

    Tournez, tournez trop blanches pages

    Que le vent jaloux balaie sur les plages

     

    Femmes, laissez coulez vos flots amers

    Qu'ils s'en retournent à la mer pâle

    Laissez partir toutes ces pages

    Que le vent tourne, tourne encore.

     

     

    in Au fond du tiroir, Livre d'artiste n°2, 2012

    http://cathygarcia.hautetfort.com/archive/2012/11/27/livre-d-artiste-n-2-au-fond-du-tiroir.html

     

     

     

     

  • Edvard Munch - The girl at the window - 1894

    Edvard Munch. The girl at the window.1894.jpg

     

    Je ne suis pas faite pour observer le lent écoulement des jours au travers d'un encadrement de fenêtre...

    Tout se fond dans l'informe, uniforme! Je me lasse de ce petit bout de ciel, aussi changeant puisse t-il être ! J'ai un besoin vital d'horizons nouveaux, d'espaces inconnus surtout quand l'hiver approche, traînant ses heures froides, sombres, interminables de puits sans fond. Je crains la petite mort de cette morne saison, celle qui jette sur les rêves des pelletées de mélancolie.

     

    in De la vie et de l'amour, inédit 1989

     

     

     

     

  • Johan Dahl - Ausbruch des Vesuvs - 1823

    Johan DAHL Ausbruch des Vesuvs Eruption of Vesuvius 1823.jpg

     

    voyageurs des limbes
    hissons les voiles de l'oubli
    traversons le Léthé
    cherchons le bleu des mers
    sous la cendre des volcans

    voyageurs perpétuels
    entre la vie et la mort
    derrière nos masques
    nous n'avons pas d'autre visage
    que celui que nous prête
    l'imagination des mouettes.

     

    in D'ombres, à tire d'ailes 2017

     

     

     

  • Gilbert Williams - Seeds

    Gilbert Williams  Graines .jpg

     

    Voilà que je rêve haut et fort, mais pas encore assez pour me faire entendre. Le temps viendra, peut-être, sûrement ! Tout finit par venir à celui dont l'attente est pleine... Attendre, comme les graines et les fleurs attendent le printemps, sans pour autant avoir cessé d'exister, la force vive est intacte sous la terre. Je ne laisserai pas, ou plus, les autres me détourner ou simplement barrer ma voie. Mon ange ? Non, je ne suis pas folle, simplement un peu trop en avance, mais sur quoi ? Sur le temps ? Sur les humains en général, aucun en particulier... Simplement en avance sur les pensées de mon entourage. Il me semble avoir toujours vécu avec cette sensation de décalage, de distance à la fois fascinante et douloureuse.

     

    in Journal 1996

     

     

  • Sappho - Fresque de Pompei - entre 55 et 79

    Fresque romainejpg.jpg

     

    LE PORT DE CYTHÈRE
     
    Là sont les étoiles ! Sur ta peau si douce où ma bouche se hâte vers des contrées particulières, terres sauvages, inondées, pleines d’oiseaux spongieux, de gémissements enfouis.
     
    Bouche en proue, je remonte tes estuaires où, selon la légende, vivent les marins perdus. Agenouillé dans tes lagunes, je bois le sel de tes péchés. Enlacé par tes vagues, je m’élève, jeune soleil gorgé d’un suc qui n’en peux plus de voir tes côtes tanguer sous la houle, ta douce crique enchantée où pleurent les mouettes.
     
    Je prends sur ma langue tous les bateaux amarrés à la frange humide de tes cils, prêt à partir encore et encore pour l'amour du large. Je bois l’écume de ce ravissant coquillage, je cherche la perle qui se cache tout au fond, la perle de satin rose et j’arrache des rafales de cris à ta gorge haletante.
     
    La tempête se lève, mon amour, mais je tiens le cap, à la pointe de la langue et du sextant. Je t’emmène jusqu’au bout de la nuit, là où la jetée se confond avec le ciel mais avant ça, ma lune, tu m’auras donné ton miel.
     
    Je veux jouer avec toi à la joie du monde, je veux entrer dans la vieille danse, accroche-toi ! Je frotterai mon jus sur tes lèvres affligées d’amour. Je suis lame de fond qui harponne tes vaisseaux, je suis pirate sans scrupule qui pénètre ta chambre au trésor. L’huile de mes reins vient mouiller tes rives, se mêler à tes cascades de cyprine. Je jouirai à ton port, ma belle pieuvre, enlacé par tes bras multiples, au flux et reflux de nos baisers dissolus.
     
    *
    août 2000

     

     

  • Tania Font

    Tania-Font-Visual-Atelier-8-art-5.jpg

     

    Apprendre à tisser des toiles, à capter la rosée. Manger l’herbe neuve. Faire de sa vie un art d’aimer. Ma solitude est hors d’usage.

     

    Je suis humus, humaine.

     

    Quelle est ma graine ? Ma fleur, mon arbre, mon fruit ?

    Qu’est ce qui en moi n’est pas fumier mais graine ?

     

    Comment cultiver mes jachères, me respecter ? 

     

    Je crois savoir, saisir parfois, mais le savoir ne vaut rien pour lui seul. Terre stérile.

     

    in Celle qui manque

     

     

  • Paul Steven Bailey - Mountainscape

    Paul Steve Bailey Mountainscape.jpg

     

    Je me sens un peu comme sur le haut d'une montagne. J'aimerais oublier, en cet instant même, tout ce qui me concerne, n'être plus que pure existence, sans passé, sans futur. Le rôle que je joue dans ma vie me semble parfois trop lourd, une entrave qui m'empêche d'être, tout simplement. Plus je vieillis, et plus j'ai conscience de ce besoin viscéral de "sauvagerie", d'un mode de vie plus dénudé, au propre comme au figuré. Me reste à transformer ce désir en force, à l'intégrer à la réalité, alors  peut-être...

     

    cg in Journal 1997

     

     

     

  • Ted McDonnell - L'enfer des mines de charbon - Philippines

    ted McDonnell Philippines l'enfer des mines de charbon..jpeg

     

    Manille, gigantesque pieuvre suffocante ! Buildings géants, atmosphère irrespirable et bidonvilles tentaculaires. Pas une ville, un enfer ! L'Espagnol catholique a laissé sa marque austère et Manille à des résonances latines. Les Philippins sont moins discrets que les Cambodgiens. Ici, le culte de l'américanisme sévit. Nuit et jour des gens font la queue devant l'ambassade pour obtenir un visa doré. La responsable de la fondation ERDA* essaie de me joindre depuis que nous sommes arrivés, ils ont bien eu le message et j’espère que les enfants de Sabana pourront venir voir le spectacle. J’en serais vraiment très heureuse !

     

    Inégalités extrêmes, dégueulasses ! Je pense à Sao Paulo, à Rio. Les gens dorment partout, n’importe où, des jeunes, des vieux, des familles, des bébés… La misère et son escorte : saleté, maladies, détresse, violence, prostitution… Injustifiable ! Ici, donner devient une obsession. Ce que je peux, ce que j’ai, de l’argent, de la nourriture, une main, un sourire, ce que nous sommes venus faire ici, avec nos rêves et nos histoires. Une fois de plus l’injustice me bouleverse, ne me laisse pas en paix. Donner, ne serait ce qu'un regard, faire ce geste vers l'autre, car il est un peu de moi et je suis un peu de lui et j’emmerde ceux qui me prennent pour une apprentie-Teresa, malgré que je ne puisse pas leur en vouloir. Il y a eu un soir ce môme, à qui il manquait une jambe, un enfant mutilé comme il y en a tant. Ce gamin pourtant était plus entier que moi ! Je lui ai donné un sachet de riz encore chaud, les restes de notre repas dans un bon restau indien… et il m’a offert une danse de joie, une danse si spontanée et un sourire si radieux que ça m’a fauché, je ne le méritais pas.

     

    Puis, il y a eu ce « banquet » improvisé à la sauvette dans le parc, en sortant sous le nez des convives et des gardiens, divers plats et petits fours de la fête donnée par l’ambassade après le spectacle. Double plaisir : de prendre là où il y a trop, pour donner là où il n’y a rien. C’était facile et ça nous a fait du bien, à nous les trois ou quatre robins des rues de la compagnie. Loin de faire la majorité… Juste le champagne qui était un peu déplacé… mais tous ces gens, j’en ai même réveillé certains, je n’étais pas sûre qu’ils apprécieraient, ils ont mangé ce soir là, réunis tous ensemble autour de ce pique-nique incongru et c’est ce qui compte. Je me souviens en particulier de cette mère avec ses deux jeunes garçons, de sa douceur, sa lucidité, son intelligence, la façon dont elle parlait de sa situation et de la corruption de son pays. Je me souviens du plaisir que j’ai eu à bavarder avec elle et de ma rage impuissante quand les agents sont venus vider le parc pour la nuit et lui ont refusé le droit de rester, elle et ses deux enfants. Qu’est-ce que je croyais ? Qu’ils allaient m’écouter ? Elle savait, et moi j’ai cru l’espace d’un instant pouvoir changer le monde.

     

    Les premiers typhons de l'année passent sur les Philippines, nous essuyons la queue de Maguy. Nous annulons un peu vite la deuxième et dernière représentation. Les enfants de Sabana ont-ils pu voir la première ?

     

    Les journaux déposés devant la porte de ma chambre grand luxe déplorent le sort des sans-abri… Je n'aime pas cette ville.

     

     

    (* ERDA France Philippines, association luttant depuis 1976 pour la protection et la scolarisation des enfants aux Philippines, a fondé depuis entre autre des écoles maternelles et un collège technique, le Collège Erda Tech ainsi que deux centres d’accueil, Sabana, un centre de reconversion des enfants de la zone de l’ex--montagne fumante et Tuklasan, un centre pour les enfants des rues. Une fois rentrée en France, Chantal VC, une jeune juriste belge travaillant dans les prisons pour enfant à Manille, avec qui j’avais été mise en contact par ERDA et que j’ai eu le plaisir de rencontrer le soir où nous n’avons pas pu jouer, m’apprendra plus tard que les enfants étaient venus à la première représentation, le vendredi soir et qu’ils avaient adoré. J’ai été et le suis encore, extrêmement ravie !)

     

    cg, mai 1999

    in Calepins voyageurs et après ?