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FUSIONS POÉTIQUES - Page 21

  • Pauline Ohrel

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    femme fantôme

    aux yeux de cendres

     fruit de brume

    à la bouche anémone

    tu souffles

    de douces spirales

    sur mes insomnies

    ton nom est gravé sur un os

    enfoui quelque part

    sous une colline

     

    marquise vaporeuse

    offre-moi

    la dernière valse

    un tour de passe-passe

    car sur mes lèvres la vie

    déjà se consume

     

    in Mon collier de sel, à tire d'ailes 2020

     

     

  • Auteur inconnu

     

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    Saison des sauts

     

    Les saisons sous les ponts

    Tissent des vents bleus

    Ensablent les mémoires

    Dessèchent les instants

    Soie coton et brindilles

     

    Les monstres lèchent

    Le tranchant du parapet

    Lancent aux passants égarés

    De fines aiguilles de pluie

     

    Les poissons dévorent la pierre

    Usent le temps

    L’abîment en eau de prière

     

    Un homme aveugle

    Se jette dans le vide

    Lové sur lui-même

    Fragile coquille

     

    in Mystica perdita, à tire d'ailes 2009

     

     

     

  • Zdzisław Beksiński

     

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    PLUS ENVIE 

     

    Avant j’écrivais comme on dégueule, ça jaillissait, débordait, dégorgeait de partout, maintenant je retiens, je ravale, je n’en veux plus. Écrire c’était crier à l’intérieur. Trop de noir, trop de poisse, trop de poids, trop de larmes, des strates de mélasses et des poissons suffoquant. Avant j’écrivais. Non, ça m’écrivait, me traversait, me transperçait, je n’avais pas de digues, je n’en voulais pas. Aujourd’hui non plus je n’en veux pas mais je ne veux plus écrire. Le noir me fatigue, le malheur aussi, la névrose, la déprime, la rage, les armes dont je ne voulais pas, que j’ai retournées contre moi-même, à me forer jusqu’à l’os, à traquer sans répit le pourquoi. C’est vrai ça, pourquoi ? Aujourd’hui je n’écris plus, la source est retournée dans les limbes et moi je cherche le neuf. Une place que je n’aurais pas eu à voler, une place pour laquelle je n’aurai pas à me raboter ou au contraire à me rajouter des parures, des enflures. Écrire m’ennuie, j’ai déjà tout dit et ça ne change rien. Plus envie de dire, envie de rire, de vivre. D’accomplir des gestes qui servent à quelque chose. C’est idiot. C’est dire à quel point je ne me sens toujours pas légitime.

    2014

    in Ourse bipolaire

     

     

  • Auteur inconnu

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    J’ai le cœur qui s’affirme maintenant

    qui rayonne sans filtre, elle tourne bien ma petite centrale

    j’ai le cœur qui bat à son propre rythme

    qui ne s’emballe plus

    à trop vouloir s’accorder

    avec les uns avec les autres

    avec ce qu’ils disent et son contraire

    j’ai le cœur cristal

    et toutes les fêlures

    sont des tatouages

    dont l’histoire n’a plus d’importance

    ou presque

     

    in Le livre des sensations

     

     

  • Saskia Boelsums - Bargerveen

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    Lasse des épaves, la fantaisie se cabre, glane des comas dans les chardons. On passe le gant de crin sur nos sourires de lézards, tout en ignorant les rituels des cyclopes qui gardent les mines de pollen.

     

    in Aujourd'hui est habitable, Cardère 2018

     

     

     

     

  • Judith en den bosh

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    Je voudrais des ailes. Aile comme lumière, aile comme légère.
    Hélas…. Mes ailes lasses.

    Je touche aux bas-fonds où rampent folies, insanités. Tunnels lugubres, lancinants. Je me creuse au-dedans pour accueillir la vie mais mes yeux ne surprennent que la mort. Mort des mouches, mort du souriceau, mort dans l’âme que je traîne d’un matin à l’autre.

    L’âme…  Une superstition ?

    Ainsi donc j’étais folle et je ne le savais pas. J’avais oublié. Je l’avais trop bien caché, dissimulé dans mes brouillards, mes fumées. Folle sans aile. Sans amour. Sans amour surtout. Toujours à me frotter au côté crin de la vie. 

    Peau douce mais le cœur si friable. 

    À force d’user ma solitude, elle est devenue fine et translucide. 

    Fragile, si fragile…

     

     

     

    2002

    in Ourse bipolaire

     

     

  • Wolfgang Suschitzky

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    enfouir dans l’argile

    les cendres de palabres

    quand l’onde fraîchit

    courir vers la forêt

    danse effilochée des sentiers

    s’imprégner du chant

    sur la peau de la pluie

    foudre de joie

    fulgurante lucidité

    primitive

     

    in Aujourd'hui est habitable, Cardère 2018

     

     

     

     

     

     

  • Daniel Masclet - La fille au pot de confiture - Quai d'Orléans - Paris - 1950

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    J'emmerde les artistes et les poètes qui se pensent à part.

    Le mot ART ne devrait pas exister, à la place il faudrait lire VIE.

     

    Pulvériser ces ghettos qui font que les poètes ne fréquentent que les poètes. Tracer, tresser des ponts, se faire passeurs d’ailes.

     

    Que le poète s’enivre avec le plombier, que le plombier danse avec les ballerines, que les danseuses recoiffent les infirmières, que les infirmières peignent les maçons, que les maçons bâtissent des charpentes d’étoiles, 

    que les étoiles fassent des confitures, que les grand-mères fassent la révolution, que les révolutionnaires fassent du yoga, que les yogis fassent des plans sur les comètes qui ouvriraient des bars pour les poètes qui s’enivreraient avec les policiers en tricotant des alouettes pour faire rire les plombiers. 

     

    Que tout se mêle se mélange, semer l’ange bleu de chez Armani, costard de travail, babouches bleu blanc rouge et baguette au sésame. Que tout s’enlace dans l’immense orgie de l’humanité réconciliée et dans un grand feu de joie à ciel ouvert, toutes les machinations du monde seraient jetées.

     

    in Chroniques du hamac

     

     

  • Gustave Gain - Femmes sur la plage de Siouville-Hague vers 1908

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    AMER PÂLE

     

    Si pâles, toutes ces pages que le vent tourne

    Si sale, la plage où la viande se retourne

    A l'abandon vont les vieux bateaux

    Leurs grandes voiles tombées en lambeaux

     

    Les flots tournent en rond, à genoux

    Jusqu'au fond des draps

    Et les femmes pleurent tous les époux

    Qu'elles n'épouseront pas

     

    Mais allez venez, n'y pensez plus

    Allez dansez, dansez pour la mer

    Même si tout l'amour semble perdu

    Tournez, tournez trop blanches pages

    Que le vent jaloux balaie sur les plages

     

    Femmes, laissez coulez vos flots amers

    Qu'ils s'en retournent à la mer pâle

    Laissez partir toutes ces pages

    Que le vent tourne, tourne encore.

     

     

    in Au fond du tiroir, Livre d'artiste n°2, 2012

    http://cathygarcia.hautetfort.com/archive/2012/11/27/livre-d-artiste-n-2-au-fond-du-tiroir.html

     

     

     

     

  • Edvard Munch - The girl at the window - 1894

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    Je ne suis pas faite pour observer le lent écoulement des jours au travers d'un encadrement de fenêtre...

    Tout se fond dans l'informe, uniforme! Je me lasse de ce petit bout de ciel, aussi changeant puisse t-il être ! J'ai un besoin vital d'horizons nouveaux, d'espaces inconnus surtout quand l'hiver approche, traînant ses heures froides, sombres, interminables de puits sans fond. Je crains la petite mort de cette morne saison, celle qui jette sur les rêves des pelletées de mélancolie.

     

    in De la vie et de l'amour, inédit 1989

     

     

     

     

  • Johan Dahl - Ausbruch des Vesuvs - 1823

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    voyageurs des limbes
    hissons les voiles de l'oubli
    traversons le Léthé
    cherchons le bleu des mers
    sous la cendre des volcans

    voyageurs perpétuels
    entre la vie et la mort
    derrière nos masques
    nous n'avons pas d'autre visage
    que celui que nous prête
    l'imagination des mouettes.

     

    in D'ombres, à tire d'ailes 2017

     

     

     

  • Gilbert Williams - Seeds

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    Voilà que je rêve haut et fort, mais pas encore assez pour me faire entendre. Le temps viendra, peut-être, sûrement ! Tout finit par venir à celui dont l'attente est pleine... Attendre, comme les graines et les fleurs attendent le printemps, sans pour autant avoir cessé d'exister, la force vive est intacte sous la terre. Je ne laisserai pas, ou plus, les autres me détourner ou simplement barrer ma voie. Mon ange ? Non, je ne suis pas folle, simplement un peu trop en avance, mais sur quoi ? Sur le temps ? Sur les humains en général, aucun en particulier... Simplement en avance sur les pensées de mon entourage. Il me semble avoir toujours vécu avec cette sensation de décalage, de distance à la fois fascinante et douloureuse.

     

    in Journal 1996

     

     

  • Sappho - Fresque de Pompei - entre 55 et 79

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    LE PORT DE CYTHÈRE
     
    Là sont les étoiles ! Sur ta peau si douce où ma bouche se hâte vers des contrées particulières, terres sauvages, inondées, pleines d’oiseaux spongieux, de gémissements enfouis.
     
    Bouche en proue, je remonte tes estuaires où, selon la légende, vivent les marins perdus. Agenouillé dans tes lagunes, je bois le sel de tes péchés. Enlacé par tes vagues, je m’élève, jeune soleil gorgé d’un suc qui n’en peux plus de voir tes côtes tanguer sous la houle, ta douce crique enchantée où pleurent les mouettes.
     
    Je prends sur ma langue tous les bateaux amarrés à la frange humide de tes cils, prêt à partir encore et encore pour l'amour du large. Je bois l’écume de ce ravissant coquillage, je cherche la perle qui se cache tout au fond, la perle de satin rose et j’arrache des rafales de cris à ta gorge haletante.
     
    La tempête se lève, mon amour, mais je tiens le cap, à la pointe de la langue et du sextant. Je t’emmène jusqu’au bout de la nuit, là où la jetée se confond avec le ciel mais avant ça, ma lune, tu m’auras donné ton miel.
     
    Je veux jouer avec toi à la joie du monde, je veux entrer dans la vieille danse, accroche-toi ! Je frotterai mon jus sur tes lèvres affligées d’amour. Je suis lame de fond qui harponne tes vaisseaux, je suis pirate sans scrupule qui pénètre ta chambre au trésor. L’huile de mes reins vient mouiller tes rives, se mêler à tes cascades de cyprine. Je jouirai à ton port, ma belle pieuvre, enlacé par tes bras multiples, au flux et reflux de nos baisers dissolus.
     
    *
    août 2000