Jany Pineau
Décalée
Un peu
En rade
Tendue
Déboussolée
Malgré ce qui va droit
(...)
Il est temps d'aller
D'aller noircir
Les petits matins froids
in En train de dérailler
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Décalée
Un peu
En rade
Tendue
Déboussolée
Malgré ce qui va droit
(...)
Il est temps d'aller
D'aller noircir
Les petits matins froids
in En train de dérailler
À mes lèvres je porte ces verdures,
Ce gluant jugement de feuilles,
Cette terre parjure, mère
Des perce-neige, des érables, des chênes.
Vois comme je deviens aveugle et fort
De me soumettre aux modestes racines,
Et n'est-ce pas trop de splendeur
Aux yeux que ce parc fulminant?
Les crapauds, telles des billes de mercure,
Forment un globe de leurs voix nouées,
Les rameaux se changent en branches
Et la buée en chimère de lait.
30 avril 1937
traduit par Philippe Jaccottet)
ce soir parmi nous moi j’aime l’ivrogne qui perd le chemin de sa maison.
Les poètes enfoncent leurs têtes dans les fours. Attirés qu’ils sont par le pouls de la flamme bleue. Leurs crânes sont des plazzas de chagrin et de pourriture. Ils ont au fond des yeux des entrepôts et des jetées. Il y a le déchirement atroce du cœur au moment de partir. Puis ils s’enquillent du monoxyde de carbone par la bouche. N’ont de cesse de tomber malades sous l’évangile fielleux de la lune.
in Bleu éperdument
- Quel était le secret de ce pacificateur efficace ?
- Sa simplicité désarmante.
« - Ce violon, quand l’avez-vous perdu, l’ami ?
- Qui vous a dit ça ? Je ne peux pas l’avoir perdu puisque je ne l’ai pas encore trouvé, déclare t-il dans une nouvelle démonstration de logique écrasante. »
in Dernières nouvelles du Sud
c’est l’encre qui fait que
le poète
trouve dans l’horizon
domicile fixe
in Le sang visible du vitrier
Armé de la vision des guêpes étroites
Qui sucent l'axe de la terre, l'axe de la terre,
Je pressens tout ce qu'il m'a fallu connaître,
Je m'en souviens par cœur et vainement.
Et je ne dessine pas, ne chante pas,
Ne guide pas l'archet à la voix noire:
Je me contente de boire la vie et j'aime
À envier les guêpes fortes et rusées.
Oh, qu'un jour vienne, n'importe quand,
Où la piqûre de l'air et la chaleur de l'été
M'obligent, une fois franchis soleil et mort,
À entendre l'axe de la terre, l'axe de la terre.
8 février 1937
traduit par Jean-Claude Schneider
Les paroles des blancs sont écrites sur l’eau.
La deuxième paix est celle qui se crée entre deux individus, la troisième et celle qui soude deux nations. Mais au-dessus de tout cela il vous faut comprendre que la paix ne sera pas possible entre les nations tant qu’on ne sera pas convaincu que la véritable paix – comme je l’ai souvent dit – se trouve au cœur même de l’âme humaine.
Et par les cercles
Limpides
De l’orage
Sourdant du fond des silex
J’écoule mes pensées
in Prémonitoires
Je suis à la recherche d’un homme que je ne connais pas,
qui jamais ne fut tant moi-même
que depuis que je le cherche. A-t-il mes yeux, mes mains
et toutes ces pensées pareilles
aux épaves de ce temps ?
Saison des mille naufrages,
la mer cesse d’être la mer,
devenue l’eau glacée des tombes.
Mais, plus loin, qui sait plus loin ?
in Chansons pour le repas de l’ogre (1943-1945)
Tandis que tu fais une chose ou l'autre,
quelqu'un est en train de mourir.
Tandis que tu brosses tes souliers,
tandis que tu cèdes à la haine,
tandis que tu écris une lettre prolixe
à ton amour unique ou non unique.
Et même si tu pouvais ne rien faire,
quelqu'un serait en train de mourir,
essayant en vain de rassembler tous les coins,
essayant en vain de ne pas regarder fixement le mur.
Et même si tu étais en train de mourir,
quelqu'un de plus serait en train de mourir,
en dépit de ton désir légitime
de mourir un bref instant en exclusivité.
C'est pourquoi si l'on t'interroge sur le monde,
réponds simplement : quelqu'un est en train de
mourir.
in Poésie verticale, traduit par Roger Munier
On n'a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains.
On a un cœur ou on n'en a pas.
Je suis une exaltée qui ne comprend la vie que lyriquement, musicalement avec des sentiments beaucoup plus forts que la raison. J’ai une telle soif de merveilleux, et seul le merveilleux a de la puissance sur moi. Le reste, quand je ne peux plus le transfigurer en merveilleux, je le laisse. La réalité ne m’en impose pas. Je ne crois qu’à l’ivresse, qu’à l’extase, et quand la vie ordinaire m’entrave, je m’en échappe par un moyen ou par un autre. Plus de murs.