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CITATIONS - Page 103

  • Louis Calaferte


     Temps mort

    Caillou rouge
     un bouillon
     une écume
     une averse
     II tangue des minuits bleus comme
     des matrices
     un envol
     un froid sourd

    Quelle liesse en vous
     Que vous fûtes cruelles
     roses des lents jardins
     mes gifles
     mes canons
     mes orgasmes
     mes crânes
     Latentes tragédiennes
     mes louves
     mes crépons
     mes ongles
     mes encens
     J'ai bu J'ai bu
     Je bois
     ces laitances de mort
     Je m'ivre à vos maigreurs
     sereines cantatrices
     mes couvents
     mes fourrures
     mes folles
     mes courroux
     Roses
     harpons de chair
     mes pépites de soie
     Une fugue
     Un fracas

    La longue nuit de gel se brise sur ma tempe
     On s'y perdait partout...

    Que vous fûtes lascives
     outrages à midi
     mes dragons
     mes drapeaux
     mes vierges
     mes indiennes

    Voici, la vague vient
     la vague de si loin venue

    À plus tard ou jamais mes enfances déçues



     in Rag-Time, suivi de Londoniennes et de Poèmes ébouillantés

     

     

     

  • Julie Bonnie

     

    Avec le temps, j’ai appris à montrer beaucoup plus que mon corps. J’ai exposé mes blessures, exhibé mes émotions. J’ai dévêtu mon corps puis déshabillé mon âme.

     

     in Chambre 2

     

     

     

  • Hee-Kyung Eun

     

    la moitié des pommes étaient gâtées. En les triant, elle s’était aperçue qu’elles aussi pourrissaient à partir du point de contact avec d’autres fruits : c’était comparable à ce qui se passe entre les êtres humains 

     

    in La voleuse de fraises

     

     

  • Pierre Reverdy

     

    Je ne suis nulle part

    Excepté le néant  

    Mais je porte caché au plus haut des entrailles  

    A la place où la foudre a frappé trop souvent  

    Un cœur où chaque mot a laissé son entaille  

    Et d'où ma vie s'égoutte au moindre mouvement.

     

    in La Liberté des mers

     

     

     

  • Henri Droguet



     C’est un soir un autre
     le cri comme de l’or
     des ruelles à flaques
     le ciel feuillu pierraille
     l’étoile buissonnière
     les vaisseaux vagues blancs
     le vent inévitable
     il pioche aveugle il pioche
     il défouit défouit
     il ricoche écorche
     fouette fou les lampes
     il grouille aux lessives
     le vent c’est
     du vent
     un chien mâchonne
     soudain la lumière s’enflamme aux placards
     vers la mer furieusement sobre
     vieille boutique herseuse
     berceuse cambuse
     un vierge athlète a pissé bleu
     sur le roc à gaillet
     les noirs cressons
     le dernier corbeau grince
     il a plu sur les bêches
     et la lande où j’étais
     assez couru assez
     où la douceur le gîte
     où l’hivernage
     l’innocence désormais ?

    (21 octobre 1995)

    in Noir sur blanc

     

     

     

  • Lionel Mazari

     

    Ce visage qui vous sourit tristement mais avec douceur et tendresse de l'autre côté de la réalité. Là où l'amitié et l'amour existent pour de vrai. Avec des mots qui, quand on les prononce, ont ce pouvoir magique comme les fées, de faire exister ce dont on parle: le bal, la danse, et les habits de fête pour tous ceux qui veulent qu'on les laisse libres. Sans ces cache-misère que sont toutes les bonnes raisons d'être dur et sévère. Sans le silence des reproches. Sans les accusations criardes. Sans les coups qu'on inflige aux autres quand on a peur de souffrir.

     

    in l'impossible séjour

     

     

  • Viktor Pelevine

     

    « Je me demande bien Tchoubaïka, pourquoi on traite la bourgeoisie libérale de libérale. Elle est porteuse d’une idéologie totalitaire extrême. Si on l’y regarde de près, tout son libéralisme se réduit à la permission donnée aux travailleurs de s’enculer à volonté pendant leurs heures de repos. » et Tchoubaïka répondait : « Excusez-moi Zouzia, mais c’est un grand pas en avant si on compare avec le régime qui percevait même cette activité comme sa prérogative.»

    in Les nombres

     

     

     

  • Fiston Mwanza Mujila

     

    Au commencement était la pierre et la pierre provoqua la possession et la possession la ruée, et dans la ruée débarquèrent des hommes aux multiples visages qui construisirent dans le roc des chemins de fer, fabriquèrent une vie de vin de palme, inventèrent un système, entre mines et marchandises.

     

    in Tram 83

     

     

     

  • Perrine Le Querrec

     

    Comment perdre ses chaussures, sa raison, son assise et son apparence, comment se délacer, s’égarer, se soustraire aux codes de R., nation d’ordre, de discipline où le premier pas de l’enfant est calculé à la courbe du rendement de R. ?

     

    in pieds nus dans R.

     

     

     

  • Joshin Luce Bachoux

     

    « Que fais-tu grand-mère, assise là, dehors, toute seule ? » Eh bien, vois-tu, j’apprends. J’apprends le petit, le minuscule, l’infini. J’apprends les os qui craquent, le regard qui se détourne. J’apprends à être transparente, à regarder au lieu d’être regardée. J’apprends le goût de l’instant quand mes mains tremblent, la précipitation du cœur qui bat trop vite. J’apprends à marcher doucement, à bouger dans des limites plus étroites qu’avant et à y trouver un espace plus vaste que le ciel. « Comment est-ce que tu apprends tout cela grand-mère ? » J’apprends avec les arbres, et avec les oiseaux, j’apprends avec les nuages. J’apprends à rester en place, et à vivre dans le silence. J’apprends à garder les yeux ouverts et à écouter le vent, j’apprends la patience et aussi l’ennui ; j’apprends que la tristesse du cœur est un nuage, et nuage aussi le plaisir; j’apprends à passer sans laisser de traces, à perdre sans retenir et à recommencer sans me lasser. « Grand-mère, je ne comprends pas, pourquoi apprendre tout ça ? » Parce qu’il me faut apprendre à regarder les os de mon visage et les veines de mes mains, à accepter la douleur de mon corps, le souffle des nuits et le goût précieux de chaque journée ; parce qu’avec l’élan de la vague et le long retrait des marées, j’apprends à voir du bout des doigts et à écouter avec les yeux. J’apprends qu’il faut aimer, que le bonheur des autres est notre propre bonheur, que leurs yeux reflètent dans nos yeux et leurs cœurs dans nos cœurs. J’apprends qu’on avance mieux en se donnant la main, que même un corps immobile danse quand le cœur est tranquille. Que la route est sans fin, et pourtant toujours exactement là. « Et avec tout ça, pour finir, qu’apprends-tu donc grand-mère ? » J’apprends, dit la grand-mère à l’enfant, j’apprends à être vieille ! 

     

    in J'apprends