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CITATIONS - Page 118

  • Jacques Dupin

     

    Expérience sans mesure, excédante, inexpiable, la poésie ne comble pas mais au contraire approfondit toujours davantage le manque et le tourment qui la suscitent. Et ce n’est pas pour qu’elle triomphe mais pour qu’elle s’abîme avec lui, avant de consommer un divorce fécond, que le poète marche à sa perte, d’un pied sûr. Sa chute, il n’a pas le pouvoir de se l’approprier, aucun droit de la revendiquer et d’en tirer bénéfice. Ce n’est qu’accident de route, à chaque répétition s’aggravant. Le poète n’est pas un homme moins minuscule, moins indigent et moins absurde que les autres hommes. Mais sa violence, sa faiblesse et son incohérence ont pouvoir de s’inverser dans l’opération poétique et, par un retournement fondamental, qui le consume sans le grandir, de renouveler le pacte fragile qui maintient l’homme ouvert dans sa division et lui rend le monde habitable.

    in Moraines

     

     

  • Christian Bobin

     

    Il nous faut mener double vie dans nos vies, double sang dans nos coeurs, la joie avec la peine, le rire avec les ombres, deux chevaux dans le même attelage, chacun tirant de son côté, à folle allure. Ainsi allons-nous, cavaliers sur un chemin de neige, cherchant la bonne foulée, cherchant la pensée juste, et la beauté parfois nous brûle, comme une branche basse giflant notre visage, et la beauté parfois nous mord, comme un loup merveilleux sautant à notre gorge. 

     

    in La folle allure

     

     

  • Alphonse de Lamartine

     

    Cependant la nuit marche, et sur l’abîme immense

    Tous ces mondes flottants gravitent en silence,

    Et nous-mêmes, avec eux emportés dans leurs cours

    Vers un port inconnu nous avançons toujours !

     

     in Les étoiles

     

     

     

  • Muriel Modély

     

    Tu sais briser les fers

    L’azur ouvre les bras

    Il t’offre des abeilles

     

    Est-ce que cela fait mal

    D’arracher les dards

    De la tête du ciel ?

     

    in Penser maillée

     

     

     

  • Saïd Mohamed

     

    On relit ce qu’on a écrit sans le reconnaître.

    Ivresse de la prière païenne qui se nourrit d’elle-même

    À laquelle aucun parler n’est comparable.

    Ce mystère ne nous appartient pas.

    En bouche vient le fleuve,

    Message jamais interrompu ni commencé.

     

    in L'éponge des mots

     

     

  • Daniel Biga

     

    Je ne serai jamais plus libre – je veux dire jamais plus indépendant

    je veux dire jamais plus responsable de moi je veux dire jamais plus individu

    je veux dire jamais plus seul qu’en ce moment

     

     

  • Daniel Biga

     

    On perd le sens du vivre quand

    La pensée s’emballe

    Le mental tournant à vide voudrait rentabiliser

    le moindre geste hiérarchiser chaque action

    Ainsi vient l’impression de « perdre son temps »

    alors qu’on perd seulement le sens du vivre

     

     

     

  • Saïd Mohamed

     

    Comment apprécier l’insolence des moineaux

    et convaincre l’ombre du bien-fondé de la lumière

    Survivre aux ratages de l’existence et à cette nostalgie qui éreinte.

     

    in L’éponge des mots

     

     

  • Daniel Biga

     

    L’amour avec la peur l’amour stérile l’amour sans amitié l’amour injuste par manque insuffisance que ce soit dans un lit un nid dans les buissons l’amour s’il n’est pas expansion universelle dans chaque fibre de matière chaque rayon de conscience l’amour sans amour est inutile

     

    in L’Amour d’Amirat