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CITATIONS - Page 123

  • Saïd Mohamed

     

    La dentelle des jours nous pousse à faire escale

    dans les ports aux romances inachevées,

    à chercher dans la multitude des petits riens

    ces choses de peu qui manquent le plus.

     

    in L’éponge des mots

     

     

  • André Laude

     

     Je longe le long sillon qui conduit aux morts muets.

    Je songe à la neige, aux chevaux de feu,

    à l’hiver des paroles.

    Je vois des bois brûlés, des vaisseaux échoués,

    des mouettes prises par le gel.

    Je longe le fleuve de sang et de larmes

    qui traverse les inquiétantes ruines.

    Je sens l’odeur des prédateurs, l’urine

    de la hyène, la matière fécale des jeunes bébés.

    J’écris à partir d’un noyau de nuit.

    J’écris à partir d’une tranchée noyée de boue.

    J’écris corde au cou.

    La trappe déjà tremble sous mes pieds.

    Je longe le marbre froid qui donne le frisson

    et chante une très étrange et vieille chanson,

    qui dit qu’aujourd’hui et pour toujours

    le ver est dans le fruit.

     

     

     

     

  • Roger-Gilbert Lecomte

     

    Paroles du Thibet
    Il est dit autrefois
    Qu'errant éperdue dans l'informe
    Eparse dans l'obscurité
    La pauvre ombre sans graisse du mort
    La bouche pleine de terre
    Dans le noir sans mémoire tourbillonne il fait froid
    L'espace ne connaît que le glissement glacé des larves

     

    in Sacre et massacre de l’amour

     

     

     

  • Jean-Louis Bernard

     

    Voyage au bout

    de l’inguérissable

    où les dieux se sont perdus

    où l’homme demeure

    en transe éblouie

    au centre de l’obscur

     

     in Dans la tanière obscure du soleil (Encres Vives 398)

     

     

  • Olivier Gay

     

    Tiens, je te donne mon silence.

    Une pousse de rien, immense dans le verbe taire.

    Une petite marguerite que l’on piétine.

     

    Une fleur un peu

    Une fleur beaucoup

    Une fleur contre la tempe.

     

  • Delphine Gest

     

    C’est un vide en perpétuels évitements, des coups d’œil déparés, exigus,

    des caps toujours tenus, hypnotiques

     

    Les rêves rebroussent chemin, étouffés sous les pas heurtés de la ville ;

    les rêves éventrés gisent sur les pavés standards

      

     

    in A travers l’écran (Traction Brabant n°40)

     

     

     

  • José Galdo

    quand au fond des choses il n'y a plus de fond, mais simplement rien

    derrière l'ombre, la nuit et la douleur

    & être le survivant d'une lumière qui n'est plus de ce monde

    qui marche dans le vent meurt dans la tempête

    écrasé dehors anéanti dedans et recroquevillement dans la valve de cet écroulement & disparaître dans le miroir noir de l'éclipse de ce monde

    & le risible lèche sa plaie

    chaque signe n'est qu'une fente d'encre entrée dans le néant de la conscience afin de la maintenir béante comme un trou

    & un dernier moignon de conscience va céder

    in  Notes et Fragments

     

  • Ile Eniger

     

    Bien sûr qu’elle avait eu envie de baisser les bras, de rentrer dans ces rangs bien droits, bien rassurants, bien sagement préparés pour toi des que tu montres ta tête. Bien sûr que la facilité avait été tentante, la banalité attestée est tellement plus confortable que le contre-courant ! On t’aime quand tu commences à ressembler à tout le monde ! Tu oublies qui tu es, pour quoi tu es, et ceux qui pensent à ta place se font un plaisir d’organiser tes limites. On te coule dans le moule sans qu’un poil ne dépasse, tu es reconnu !

     

     in La femme en vol