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CITATIONS - Page 172

  • André Laude

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      et une forêt d'Amazonie soudain s'est tendrement refermée
    sur mes aventures
    Les oiseaux verts rouges jaunes ont crié notre règne
    au cœur de l'été torride, infracassable.


     
    in 19 lettres brèves à Nora Nord

  • André Laude

     

    Dis-moi d'urgence le tracé des îles
    combien sont les gardes qui veillent sur les carcasses
    pourries des navigations
    donne-moi le nord
    j'ai hâte des vents maigres chiens affamés des ressacs de plomb
    je brûle pour ces énigmatiques figures de proue
    qui hantent mes rues chaudes
    et lavent leurs épaules douces dans des alcools de lune
    farouche
    Dis-moi où la fête se passe

    Où les portes ne sont que des
    soupirs d'amantes
    à peine blessées par le duvet nocturne.

     

    in 19 lettres brèves à Nora N.


     

  • André Laude

     

    J'ai hanté son sexe cercueil et caverne
    où naître et mourir étaient une même jouissance
    d'algues d'ouest collant aux reins huilés du voyageur
    brûlé par les étapes
    initié par les poussière et les migrations de comètes
    J'ai hurlé de joie dans cette monstrueuse verdure
    incendié par des soleils tropicaux
    O danse de sioux des globules rouges
    O martèlement de tambours nègres des doigts
    luisants de semence
    j'ai dormi une aube plus vaste que le désert des Tartares

     

    in 19 lettres brèves à Nora N.

     

     

     

     


     

  • André Laude

     

    Enterrez-moi dans son nom
    qu'avec elle je voyage partout
    dans le bleu des triangles d'oiseaux sauvages
    dans le pollen des fous de Bassan
    dans le noir ténébreux des énigmes
    dans la chute libre des sangs qui, une fois, ont épousé les soleils caraïbes.
    Enterrez-moi dans sa gestualité inquiète
    dans sa beauté tuméfiée
    dans son agenouillement face aux ordures de la nuit

    dans le vert espérance de sa durée.

    De sa violente présence
    aux vagues et aux Etoiles
    aux enfants et aux fées.

     

     

    in 19 lettres à Nora N.

     

     

     

  • André Laude

    ne cognez pas à ma vitre
    je n'y suis pas
    ne me hélez pas entre
    les grands arbres de ciment muet
    je n'y suis pas
    ne me sonnez pas au téléphone
    ne courez pas derrière
    mon ombre tragique Rue Saint-Martin
    je n'y suis pas
    ne m'invitez pas à dîner
    à danser à boire
    Porto Tokaÿ eau de vie
    je sais «le beaujolais nouveau
    est arrivé»
    je n'y suis pas
    ne vous glissez pas chaleur ténue
    entre les draps défaits
    dans le pauvre lit d'effroi
    je n'y suis pas
    ne fouillez pas vers ma bouche
    qui sait se faire lait pur
    fruit mat mais aussi lueur de corbeau
    et petite pluie de novembre
    je n'y suis pas
    ne demandez pas à la concierge
    l'étage où habite la blessure
    sans limites sans nom sans sommeil vrai
    je n'y suis pas
    ne tourmentez pas je vous en prie
    ne tourmentez pas la nuit
    pour qu'elle vous dise
    sur quelle falaise j'efface mes traces
    sous quelle lune d'acide je soliloque
    loque de voix
    elle ne saurait rien répondre

     

    in 19 lettres brèves à Nora N.

  • André Laude

     

    Ne m'enlevez pas la vivante coupée de mon sang par une distance plus terrible encore
    que cet espace vaste où rugissent mes mots plaintifs mes mots fous mes mots de métal enragé
    Quelque part peut-être dort-elle
    caressant encore le corps traversé par les rudes lames des solitudes
    Quelque part peut-être gémit-elle
    à nouveau reprise par la chaude clarté de mes paumes bavardes
    tandis qu'ailleurs une chair bouleversée écrase un cri
    d'agonie et de fureur
    tandis qu'ailleurs deux yeux se posent comme des blessures sur la grande plaie visible
    O Dieux – parce que cette nuit je suis un petit enfant innocent comme l'haleine du fleuve et désarmé –
    Ne m'enlevez pas la vivante
    qui s'en est retournée au pays sien avec ma terrifiante douceur touchée à mort
    enracinée dans son ventre bleu au fond duquel hurle un visage
    abordant la nuit de biais
    sachant qu'elle mord
    Qu'elle fait mal
    Qu'elle ne pardonne pas.

     

    in 19 lettres brèves à Nora N.

     

     

     

     


  • André Laude

    je n'y suis pas
    je suis ailleurs nulle part dans un ventre chaud
    d'outre-univers
    dans une nudité somptueuse implacable
    dans une dimension inatteignable
    par vos yeux
    je suis dans un grand cimetière d'éléphants
    qui ont la couleur de mes famines
    de mes amours soies sombres déchirées de haut en bas
    par une corne de cruauté aux froides résonnances de métal
    je suis enterré dans la glaise d'un paysage vocal
    dans la luminosité stridente d'un ongle
    dans la courbe d'un fleuve bu à la source
    dans la chair d'aube d'une épaule émouvante à gémir doucement
    pour ne pas réveiller les racines
    dans le ciel de la voyageuse
    dans les paumes absentes

     

    in 19 lettres brèves à Nora Nord