Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

CITATIONS - Page 173

  • André Laude

     

    Ne m'enlevez pas la vivante coupée de mon sang par une distance plus terrible encore
    que cet espace vaste où rugissent mes mots plaintifs mes mots fous mes mots de métal enragé
    Quelque part peut-être dort-elle
    caressant encore le corps traversé par les rudes lames des solitudes
    Quelque part peut-être gémit-elle
    à nouveau reprise par la chaude clarté de mes paumes bavardes
    tandis qu'ailleurs une chair bouleversée écrase un cri
    d'agonie et de fureur
    tandis qu'ailleurs deux yeux se posent comme des blessures sur la grande plaie visible
    O Dieux – parce que cette nuit je suis un petit enfant innocent comme l'haleine du fleuve et désarmé –
    Ne m'enlevez pas la vivante
    qui s'en est retournée au pays sien avec ma terrifiante douceur touchée à mort
    enracinée dans son ventre bleu au fond duquel hurle un visage
    abordant la nuit de biais
    sachant qu'elle mord
    Qu'elle fait mal
    Qu'elle ne pardonne pas.

     

    in 19 lettres brèves à Nora N.

     

     

     

     


  • André Laude

    je n'y suis pas
    je suis ailleurs nulle part dans un ventre chaud
    d'outre-univers
    dans une nudité somptueuse implacable
    dans une dimension inatteignable
    par vos yeux
    je suis dans un grand cimetière d'éléphants
    qui ont la couleur de mes famines
    de mes amours soies sombres déchirées de haut en bas
    par une corne de cruauté aux froides résonnances de métal
    je suis enterré dans la glaise d'un paysage vocal
    dans la luminosité stridente d'un ongle
    dans la courbe d'un fleuve bu à la source
    dans la chair d'aube d'une épaule émouvante à gémir doucement
    pour ne pas réveiller les racines
    dans le ciel de la voyageuse
    dans les paumes absentes

     

    in 19 lettres brèves à Nora Nord

     

     

  • Erri De Luca

      

    Les livres devraient rester sans surveillance dans les endroits publics pour se déplacer avec les passants qui les emporteraient un moment avec eux, puis ils devraient mourir comme eux, usés par les malheurs, contaminés, noyés en tombant d'un pont avec les suicidés, fourrés dans un poêle l'hiver, déchirés par les enfants pour en faire des petits bateaux, bref ils devraient mourir n'importe comment sauf d'ennui et de propriété privée, condamnés à vie à l'étagère. 

     

    in Trois chevaux

     

     

  • J.-B. Pontalis

     

     Chercher à avoir raison, c'est vouloir avoir raison de l'autre, c'est l'arraisonner : qu'il soit immobilisé, pétrifié, qu'il reste sans voix devant la puissance de votre argumentation, qu'il soit empêché, comme un bateau arraisonné, de poursuivre sa propre traversée, incertaine. Je ne récuse pas les théories. Je préfère naviguer dans leur marges.

     

    in En marge des jours