Diane Meunier
Je ne lis pas les journaux
Ne veut rien apprendre de nouveau des hommes
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Je ne lis pas les journaux
Ne veut rien apprendre de nouveau des hommes
Ah ! Le journal d'hier ! Déjà que hier y avait rien dedans, alors aujourd'hui, à lire, c'est encore meilleur ! J'ai vraiment l'impression d'avoir rien raté.
in L'intégrale des brèves de comptoir 1992-1993
Je pouvais bien prendre Albertine sur mes genoux, tenir sa tête dans mes mains, je pouvais la caresser, passer longuement mes mains sur elle, comme si j’eusse manié une pierre qui enferme la salure des océans immémoriaux ou le rayon d’une étoile, je sentais que je touchais seulement l’enveloppe close d’un être qui par l’intérieur accédait à l’infini.
Triste monde
Que j’abhorre faussement
Triste siècle
Que je parcours
A rebours du néant
in Ode au chaos
ça rend sauvage l'écriture. On rejoint une sauvagerie d'avant la vie. Et on la reconnaît toujours, c'est celle des forêts, celle ancienne comme le temps. Celle de la peur de tout, distincte et inséparable de la vie même. On est acharné. On ne peut pas écrire sans la force du corps. Il faut être plus fort que soi pour aborder l'écriture, il faut être plus fort que ce qu'on écrit.
in Écrire, 1993
Alors j’ai choisi un rocher pour m’y coucher
Toutes les nuits
Et j’ai répété tous les bruits que l’obscurité me chantait
Puis j’ai mangé toutes les fleurs et vomi
Des petits oiseaux
in L’hurluberlue
Les signes à partir desquels vous formez les mots [...] renferment les grandes forces et les puissances qui veillent sur le cours du monde. Et sache que tout ce qui est exprimé par des mots sur terre laisse une trace dans le monde supérieur.
in La Nuit sous le point de pierre
Peu de livres changent une vie. Quand ils la changent c'est pour toujours, des portes s'ouvrent que l'on ne soupçonnait pas, on entre et on ne reviendra plus en arrière.
in La plus que vive
" Je vous salue névrosés !
Parce que vous êtes sensibles dans un monde insensible, n’avez aucune certitude dans un monde pétri de certitudes
Parce que vous ressentez les autres comme si ils étaient vous-mêmes
Parce que vous ressentez l’anxiété du monde et son étroitesse sans fond et sa suffisance
Parce vous refusez de vous laver les mains de toutes les saletés du monde, parce que vous craignez d’être prisonniers des limites du monde
Pour votre peur de l’absurdité de l’existence
Pour votre subtilité à ne pas dire aux autres ce que vous voyez en eux
Pour votre difficulté à gérer les choses pratiques et pour votre pragmatisme à gérer l’inconnu, pour votre réalisme transcendantal et votre manque de réalisme au quotidien
Pour votre sens de l’exclusivité et votre peur de perdre vos amis proches, pour votre créativité et votre capacité à vous extasier
Pour votre inadaptation à « ce qui est » et votre capacité d’adaptation à « ce qui devrait être », pour toutes vos capacités inutilisées
Pour la reconnaissance tardive de la vraie valeur de votre grandeur qui ne permettra jamais l’appréciation de la grandeur de ceux qui viendront après vous
Parce que vous êtes humiliés alors que vous veillez à ne pas humilier les autres, parce que votre pouvoir immense est toujours mis à bas par une force brutale; et pour tout ce que vous êtes capable de deviner, tout ce que vous n’exprimez pas, et tout ce qui est infini en vous
Pour la solitude et l’étrangeté de vos vies
Soyez salués! "
La solitude est une nourriture qui nous mange
Poussé à bout
le mot
devient cri
in Mots de passe
J’ai reçu de toi
- caresse révélée -
Ma vie, en plein visage
Je t’aime
Et mes mains
Sont trop petites
la poésie du désert
ne tarit pas de mots
pour chaque grain de sable
in Mots de passe
Il est tellement timide,
il ne parle même pas à lui-même dans sa tête.
in L'intégrale des brèves de comptoir 1992-1993