Christian Bobin
Peu de livres changent une vie. Quand ils la changent c'est pour toujours, des portes s'ouvrent que l'on ne soupçonnait pas, on entre et on ne reviendra plus en arrière.
in La plus que vive
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Peu de livres changent une vie. Quand ils la changent c'est pour toujours, des portes s'ouvrent que l'on ne soupçonnait pas, on entre et on ne reviendra plus en arrière.
in La plus que vive
" Je vous salue névrosés !
Parce que vous êtes sensibles dans un monde insensible, n’avez aucune certitude dans un monde pétri de certitudes
Parce que vous ressentez les autres comme si ils étaient vous-mêmes
Parce que vous ressentez l’anxiété du monde et son étroitesse sans fond et sa suffisance
Parce vous refusez de vous laver les mains de toutes les saletés du monde, parce que vous craignez d’être prisonniers des limites du monde
Pour votre peur de l’absurdité de l’existence
Pour votre subtilité à ne pas dire aux autres ce que vous voyez en eux
Pour votre difficulté à gérer les choses pratiques et pour votre pragmatisme à gérer l’inconnu, pour votre réalisme transcendantal et votre manque de réalisme au quotidien
Pour votre sens de l’exclusivité et votre peur de perdre vos amis proches, pour votre créativité et votre capacité à vous extasier
Pour votre inadaptation à « ce qui est » et votre capacité d’adaptation à « ce qui devrait être », pour toutes vos capacités inutilisées
Pour la reconnaissance tardive de la vraie valeur de votre grandeur qui ne permettra jamais l’appréciation de la grandeur de ceux qui viendront après vous
Parce que vous êtes humiliés alors que vous veillez à ne pas humilier les autres, parce que votre pouvoir immense est toujours mis à bas par une force brutale; et pour tout ce que vous êtes capable de deviner, tout ce que vous n’exprimez pas, et tout ce qui est infini en vous
Pour la solitude et l’étrangeté de vos vies
Soyez salués! "
La solitude est une nourriture qui nous mange
Poussé à bout
le mot
devient cri
in Mots de passe
J’ai reçu de toi
- caresse révélée -
Ma vie, en plein visage
Je t’aime
Et mes mains
Sont trop petites
la poésie du désert
ne tarit pas de mots
pour chaque grain de sable
in Mots de passe
Il est tellement timide,
il ne parle même pas à lui-même dans sa tête.
in L'intégrale des brèves de comptoir 1992-1993
On ne change jamais les choses en combattant la réalité existante. Pour changer quelque chose, construisez un nouveau modèle
qui rendra inutile l’ancien.
Tu déflores le néant de la page avec l’arme illusoire des mots. Mais pourrais-tu désigner par leurs petits noms la ribambelle de monstres velus, goulus, ineptes et narquois qui te rongent la face et le ventre ?
in Disparates
La véritable nudité est d’hiver
La peau se rétracte, se fendille et découvre
Les fissures…
Les derniers migrateurs désertent
Transforment l’espace en une page blanche
Il ne reste que la mort temporaire
Faite d’écriture et de griffures d’ongles sur les vitres
Je vous éloigne…
Mais garde contre ma peau
Ce petit édredon de plumes
Pour conjurer le vol trop lourd des corbeaux.
Ils vendent n’importe quoi et ne savent pas pourquoi.
Leurs façons de penser : c’est le marketing.
Leur cerveau est un rubik’s cube de chamallows avariés.
in les singes en custard
La table qui fut branche se souvient de la terre
et donne à la tisane un goût de chant d’oiseau.
bouche édenté
ne mâche plus
ses mots
in Mots de passe
Les morts
oubliés
unis à la force végétale
au-dessous
ébranlent
les pierres tombales.
in La part de l’ombre