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CITATIONS - Page 97

  • Kate Braverman

     

    Elle s’interroge quant aux poètes qui mettent leur tête dans le four et des tuyaux pleins de monoxyde de carbone dans leur bouche. Peut-être est-ce un acte suprême d’alchimie, la transmutation du gaz et du poison en une substance qui absout. Sur la cuisinière dansent des flammèches bleues. Le genre de choses qui ancrent les univers. Pour les poètes, c’est toujours l’hiver. Ils sont debout au bord du parapet des ponts nocturnes. Leurs orteils pointés vers l’immense néant bleu. Le monde se fige et retient son souffle. A nouveau nous sommes des enfants. Les définitions bleues et fraîches nous les savons comme un enfant sait qu’il ne doit pas traverser la route ni toucher la flamme. Pourtant nous la touchons. 

      in Bleu éperdument

     

     

     

  • Jérôme Lafargue

     

    Je ne fuis pas le monde, car il est là, je ne peux l’effacer, et je ne suis pas de ceux qui, esprits poseurs et inutiles, se constituent un bagage culturel immense pour mieux se distinguer des autres. Je suis au service de tous ceux qui veulent bien s’arrêter chez moi. On sait où me trouver s’il le faut. 

     

     in En territoire Auriaba

     

     

     

  • Oscar V. de L. Milosz


    Danse macabre

    Il est doux d’entendre sonner jusqu’au jour
     Ses genoux creux contre les os de l’amour.

    De boire dans les orbites de l’Amie
     Le vieux mensonge des pleurs en eau de pluie.

    Et de sentir les rayons des lunes hautes
     Glisser romantiquement entre ses côtes.

    Il est doux, il est sage, il est bien
     De n’être plus, de n’être plus rien.

    Comme on est joyeux, léger, comme on se porte
     Bien, quand la vermine, la vermine est morte.

    Laissons aux bardes les sinistres ballades ;
     Lennore, Helen, faisons de bonnes gambades.

    Écartez-vous, rue, escargots, citronnelle ;
     Voici Laure, la plus gaie et la plus belle.

    Il est doux, il est sage, il est bien
     De n’être plus, de n’être plus rien.

    Plus de maîtresse, plus de chien, plus de Dieu ;
     C’est tout ce que je veux, c’est tout ce qu’il veut.

    Passants là-bas, cavalier et cheval noir
     Venez donc un peu par ici, venez voir.

    Il s’est enfui, personne, la route sonne.
     Ô comme le désir de vivre m’étonne !

    Il est doux, il est sage, il est bien
     De n’être plus, de n’être plus rien.

    Clic-clac
     de vertèbres
     qui craquent
     et dans les ténèbres
     mélancoliques
     ici, là-bas, où ?
     clac-clic,
     de dansantes reliques
     Mains et pieds traversés de clous.

    Amour remariée, entends-tu ma voix ?
     Cette nuit, dis-moi, combien, combien de fois ?

    Mon fils, mon fils, sais-tu déjà épeler
     Mon nom sur la pierre moussue et pelée ?

    Sganarelle, hi hi hi ! voici tes gages :
     Treize queues de rats, trois yeux de chats sauvages.

    Il est doux, il est sage, il est bien
     De n’être plus, de n’être plus rien. 



    in Les Sept solitudes, 1906

     

     

     

     

     

     

  • Lionel Mazari

     

    On nous a mis des lunettes barbelées,
    non pour nous empêcher de voir
    mais pour qu'on sache que nos regards sont interdits.
    Nos paroles ont été déformées,
    on a cousu nos lèvres avec des élastiques
    afin que nos sourires n'aillent pas trop loin.
    Au fond de notre gorge étroite
    est une rivière asséchée
    où s'essoufflent les mots des autres.
    Depuis qu'on nous travaille le corps,
    nos cris se font aussi douloureux que la blessure.
    Dedans, dehors, c'est toujours le même,
    le mauvais côté de la grille ;
    les forçats affranchis ont ôté leurs rayures.
    Mais ils ont conservé l'uniforme
    et se nomment apôtres de l'exil ;
    la prison ouverte est leur église.
    Dehors, dedans, où qu'elles aillent,
    nos jambes sont des clôtures ;
    à chaque fois qu'on s'éloigne, on parque.
    Nos mains sont devenues des gants,
    nos caresses de grands oiseaux effarouchés
    qui prennent le ciel pour un avion fantôme.
    Nous sommes libres, quelqu'un y veille ;
    mais nous allons dormir entre des murs.
    Le sexe des garçons, tombé, sèche au grand jour ;
    celui des filles a disparu
    volé par des enfants qui partent naître ailleurs,
    de vrais enfants et non plus ces maladies
    qui nous poussaient dans le ventre.

     

     

     

     

  • Kate Braverman

     

    La seule source de lumière dans toute la maison est l’allumette qui embrase sa cigarette. Et elle réalise que la seule source de lumière au monde est la flamme qui nous consume à petit feu. 

     

     in Bleu éperdument