Guénane
Bois la tasse du petit jour
in La sagesse est toujours en retard
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Bois la tasse du petit jour
in La sagesse est toujours en retard
Je lèche ma plaie
J’écris avec ma langue
in Démolition
J’emmerde les blablas
Les mots sont des adultes consentants
on peut les coucher là, l’un par-dessus l’autre
et leur faire dire ce que l’on veut
in J'emmerde
Elle examina sa main et l’air qui semblait bleuir à l’extrémité de ses doigts. C’est juste un glacis bleu, se dit-elle. Et sur les bords, une sorte de gaze bleue panse la blessure universelle.
in Bleu éperdument
Moi j’aimais bien me tenir dans la clairière du sanctuaire, les yeux fermés j’écoutais le chant des oiseaux, les insectes et le bruissement des feuilles, je respirais l’odeur de la forêt, un mélange de feuilles mortes, de terre, d’eau, de fleurs et d’écorce d’arbre, je sentais que les divinités de la forêt sacrée me regardaient. Je restais debout et j’avais l’impression de devenir un arbre ou une plante, mon corps bourgeonnait ici et là, des fleurs s’épanouissaient au bout de mes doigts, je devenais légère comme un voile de mariée, prêt à s’envoler, c’était comme si mon corps se déployait pour se mêler à la forêt. Je pouvais passer des heures là-bas sans m’en lasser.
in L’âme de Kôtarô contemplait la mer
Les lois des livres et le pouvoir des fusils
n’enseigneront jamais les manières de faire avec les humains.
in Notre quelque part
Poète funambule danseur de corde
sur la ligne de vie nul ne sait
si le balancier dépend du poids de ta peine
Voltige n’est pas le contraire de profondeur
in La sagesse est toujours en retard (Rougerie mars 2016)
J'ai si longtemps respiré l'air des forêts, l'air vibrant de neige, je me suis si souvent mêlée aux
Blancheurs vastes et désertes, que mon âme est un peu l'âme des louves fuyantes.
La Terre misère, truand à vaches
À l’infortune, tout le bétail
Qui dégouline, passe sous le ciel
Pour des étoiles, qui tiennent foire
in Little Monde
Ma queue éclatait sous tes lèvres
Comme une prune de Juillet
La plume au vent qu’on taille en rêve
N’est pas plus folle je le sais
Que la volage aux amours brèves
Il me souvient de Félicie
Que je connus le jour de Pâques
Et dont la moniche roussie
S’ouvrait en coquille Saint-Jacques
De septembre à la fin Avril
Il me souvient de la Dona
Qui faisait l’amour en cadence
Et dont la figue distilla
Un alcool d’une violence
Mais je ne vous dis que cela.
in Poésies libres
Lorsqu’on l’appelle
Entre ses cuisses froides
S’ouvre un oursin
Profond et noir
Qui luit
Et nous regarde
in Prémonitoires
J’ai gravi bien des escaliers, j’ai pleuré sur bien des tombes
Je me suis sentie espionnées, comme par l’œil d’un poisson mort.
La belle pluie bleue m’a lavée de tous ces mystères, m’a défaite comme une fleur.
Maintenant qu’il fait nuit, dans la compagnie d’un chat blanc et roux,
j’égrène des fruits de mémoire, je tâche d’attendre le jour.
Il viendra avec ses voitures et ses paroles déchirant le foulard d’un songe,
crevant la rue de klaxons et de détritus.
in Traction Brabant n°65
Élégie
Je me suis déchaussé pour entrer dans la maison
du passé, j'ai ouvert le piano aux dents jaunes
j'ai essayé ma voix comme un couteau cassé
ce n'est rien. Je vous dis que ce n'est rien. À peine
un souffle qui pourrait éteindre une bougie
un cœur usé qui craint les escaliers raidis
une main qui tâtonne pour trouver une clé
qui n'ouvre rien qui ne soit déjà ouvert depuis
longtemps, une molle jambe qui fait sur le tapis
des traces.
Mon plaisir est encore d’accompagner le ruisseau,
De marcher le long des berges, dans le bon sens, dans le sens de l’eau qui coule, de l’eau qui mène la vie ailleurs, au village voisin. Mon « ailleurs » ne va pas plus loin.
Triste petit train de vie
Celle qui pourrit dans mon cœur
c'est la lueur qui se nourrit des peurs
qui rôdent chantant le malheur,
en haut, en bas, toujours.
Nuit sur la nuit, c'est fête, enfonçons la
détresse
sous l'ouate d'une joie épaisse ;
nuit sur la nuit, c'est la faiblesse
du cœur brisé
La pourriture est dans mon souffle et ce
vent
c'est le siffleur fascinant, c'est la dent,
c'est le goût de saumure de ce gouffre avant
la fuite en bas.
Plaie du jour à mon flanc !
la nuit, c'est mon sang
qui s'enfuit par ce trou blanc,
soleil qui me baigne jusqu'au petit matin,
m'ôte la faim
au petit matin de ma fin,
personne n'entend, personne,
personne ne tend la main,
je suis l'aiguille,
l'aiguille dans le tas de foin,
le foin sans fin, l'étouffeur à la fin...
personne ne vient, personne ne pleure,
sauf toujours la même, la terreur.
in Le Contre-Ciel