Audre Lorde
par Maya Mihindou
Source : Ballast
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par Maya Mihindou
Source : Ballast
La version intégrale est maintenant visible en ligne :
Il n’y a pas d’oiseaux dans le ciel de Gaza,
aucun vent ne porte les plumes de leurs ailes,
aucune brise n’apporte la senteur des saisons.
Les saisons : portes de sang à l’infini.
A Gaza, l’air est lourd
triste
pollué
occupé.
Les gens ne considèrent plus les corbeaux
et les hiboux comme les oiseaux de malheur,
les corbeaux noirs ont abandonné les cimes des cyprès et ont cessé de croasser,
les hiboux ne trouvent plus dans les arbres
assez d’obscurité pour s’y réfugier pendant le jour,
les ailes des chauves-souris se sont déchirées
à cause des débris d’explosions.
A toute heure, les avions bourdonnent dans l’espace,
filment ce qui se passe sur le sol,
enregistrent les mouvements des gens,
même dans leurs chambres à coucher,
sur les pauvres tables des déjeuners.
A Gaza,
la situation annonce une nudité forcée,
sans honte ni scandale,
sinon celle des Israéliens,
à chaque instant,
tous les jours,
il n’y a de présence que pour les hurlements des Apache,
des F16 et des Cobra, s’il y a lieu.
Dans les airs, la mort guette les gens,
les bêtes,
les oiseaux,
les maisons,
l’asphalte des rues qui ne sont plus goudronnées.
Le gibier c’est un enfant
un homme
une femme
une ruelle qui dort sur sa faim,
ses blessures et ses morts.
L’assassinat à Gaza est devenu un rite
quotidiennement renouvelé qui dispense son éclat,
l’assassiné
le martyr ferme ses paupières dans un repos éternel
sans se demander si ses membres se sont dispersés ou ont éclaté.
La situation à Gaza c’est le siège.
La situation c’est la mort et les questions à propos d’une patrie.
La situation à Gaza c’est la recherche d’une fleur
dans les méandres des cauchemars,
un archet et un rebâb qui laissent fuser un air fissuré sur une corde cassée
fixée.
* le rebâb est un instrument de musique à cordes frottées
Merci à Jlmi
http://auhasarddeconnivences.eklablog.com/
cathy garcia canalès, début 80's
LES VOLCANS
Il faut qu'on parle des volcans.
Ce fut sublime de grandir au milieu des géants
aux gueules grandes ouvertes.
Enfant, chaque jour, je m'enfonçais
avec cette vitesse de fille gâtée
dans les profondeurs de la terre.
Il me suffisait de poser une oreille
contre la pierre noire que la forêt
avalait
pour sentir le coeur battre ;
ils disent que le feu ne reviendra
probablement jamais.
Ce n'est pas vrai.
C'est une erreur que de penser que mille années
suffisent à éteindre
le brasier des géants.
Simplement, ils se taisent ;
de temps en temps ils murmurent,
personne ne les entend.
Leurs paupières sont froissées :
quand l'été les surprend ils se couvrent
d'herbes sèches pour étouffer
le ronronnement de la vallée.
On ne m'a rien dit, rien expliqué;
Je le sais. Dedans ma poitrine
J'ai le même cratère abîmé
d'un volcan endormi dans vingt-six ans
de cendres renversées,
cerclé de prairies sombres, nourri d'une colère
chargées de tempêtes anciennes.
Il faut qu'on parle de mon volcan.
De cette robe légère que ta voix
lui a taillée, pour lui et pour lui seul,
dans la lumière.
De ce geste simple,
quand tu glisses, en silence, sur son flanc,
quand tu poses ton oreille contre sa peau
d'écorce, de fumée et de sang
et qu'enfin se rejoignent,
dans cette heure si particulière
où les arbres s'éteignent,
la main de la fureur mise dans celle du volcan.