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CITATIONS - Page 27

  • Marguerite Yourcenar 

     

    Les femmes de mon pays portent un joug sur leurs épaules.
    Leur cœur lourd et lent oscille entre ces deux pôles.
    À chaque pas, deux grands seaux pleins de lait s'entrechoquent
    contre leurs genoux ;
    L'âme maternelle des vaches, l'écume de l'herbe mâchée
    gicle en flots écœurants et doux.

    Je suis pareille à la servante de la ferme;
    Le long de la douleur je m'avance d'un pas ferme;
    Le seau du côté gauche est plein de sang;
    Tu peux en boire et te gorger de ce jus puissant.
    Le seau du côté droit est plein de glace;
    Tu peux te pencher et contempler ta figure lasse.
    Ainsi, je vais entre mon destin et mon sort;
    Entre mon sang, liquide chaud, et mon amour, limpide mort.
    Et lorsque je serai sûre que ni le miroir ni le breuvage
    Ne peuvent plus distraire ou rassurer ton cœur sauvage,
    Je ne briserai pas le miroir résigné ;
    Je ne renverserai pas le seau où toute ma vie a saigné.
    J'irai, portant mon seau de sang, dans la nuit noire,
    Chez les spectres, qui eux du moins viendront y boire.
    Mais avec mon seau de glace, j'irai du côté des flots.
    Le gémissement des petites vagues sera moins doux que mes sanglots;
    Un grand visage pâle apparaîtra sur la dune,
    Et ce miroir dont tu ne veux plus reflétera la face calme de la lune.

     

     

     

  • Alejandra Pizarnix

    Ce sont mes voix qui chantent

    pour qu’ils ne chantent pas, eux,

    les muselés grisement à l’aube

    les vêtus d’un oiseau désolé sous la pluie.

     

    Il y a, dans l’attente,

    une rumeur de lilas qui se brise.

    Et il y a, quand vient le jour,

    un morcellement du soleil en petits soleils noirs.

    Et quand c’est la nuit, toujours,

    une tribu de mots mutilés

    cherche asile dans ma gorge,

    pour qu’ils ne chantent pas, eux,

    les funestes, les maîtres du silence. 

     

    in Les travaux et les nuits, traduction de Jacques Ancet

     

     

  • Pat Ryckewaert

     
    Ce qui se répète
    ne renonce à parler
    que si l'on l'entend
    jusqu'à ce que ça s'essouffle
    jusqu'à ce que ça s'énonce
    se remette à respirer
    à faire de l'air et du sens.
    Ce qui se réconcilie
    est dans la flaque et le regard
    l'eau et le ciel
    avec un peu de boue et de sel
    ou à la lisière de la peau
    là où ça démange et ça désire
    une parole qui défait sa robe
    en tirant sur les fils.
    Ce qui vient dire et se dresse
    hors de la bouche trop rouge
    est toujours la langue
    du commencement
    celle qui nous révèle
    nous relie et nous engage
    dans notre humanité balbutiante.
     
     
     
     

  • Tristan Tzara

     

    les cloches sonnent sans raison et nous aussi

    nous marchons pour échapper au fourmillement des routes

    avec un flacon de paysage une maladie une seule

    une seule maladie que nous cultivons la mort

    je sais que j’en porte la mélodie en moi et n‘en ai pas peur

     

     

     

     

  • Nicolas Kurtovitch

    Des grosses pierres blanches et lisses

    Quelques arbres plus loin

    Un peintre vide son encrier

    À grandes ailes passe un aigle

    Nul ne le voit ni l’entend

    Seul le pinceau sait où il se trouve

    Le soir plus personne sinon l’eau toujours

     

    in Homme Montagne

     

     

     

     

  • Anouk Grinberg

     

    Mais dans nos sociétés riches et prétentieuses, ce trop-plein d’antennes est sévèrement puni. Les sans-fard inspirent la honte et le mépris, alors ils fanent ou enragent, et c’est le début de l’enfer. On les met dans des hôpitaux, on les force à manger des médicaments pour les remettre droit, on leur enlève la parole puisqu’ils parlent mal la langue de papa et maman, on leur enlève leurs droits, parfois leurs noms.

     

    in Prologue de Et pourquoi moi je dois parler comme toi ?

     

     

     

  • Pascal Perrot

     

    nous tenons debout par erreur entre nos mains tout s’effiloche nos pas mènent à des soleils mous seuls les sucs digestifs du Rien assurent notre rédemption puisque nulle horloge ne vient confirmer notre perception des miracles

     

    in Une brèche dans la tapisserie des ombres

     

     

     

     

  • Ada Mondès

    Là où les Hommes oublient d’aller
    les montagnes sont criblées de fleurs et de trous de serrures
    orbites creuses des géants
    bouche de la fée pétrifiée dans le sel
    des enfants d’argile
    des galeries pour l’âme

    Si je marche là-bas
    ma clé imaginaire ouvre toutes les portes
    les sanctuaires dans la roche

    La poésie toujours a sa demeure dans le ventre des montagnes
    là où toutes les pierres ont un visage

     

     

  • Stalker dans le film de Tarkovski

     

    À sa naissance, l’homme est faible et malléable. Quand il meurt, il est dur de chair et de cœur. Le bois de l’arbre qui pousse est tendre et souple. Quand il sèche et perd sa souplesse, l’arbre meurt. Cœur sec et force sont les compagnons de la mort. Malléabilité et faiblesse expriment la fraîcheur de l’existant. C’est pourquoi ce qui a durci ne peut vaincre.