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CITATIONS - Page 25

  • Ilarie Voronca

    Rien n’obscurcira la beauté de ce monde. Les pleurs peuvent inonder toute la vision. La souffrance peut enfoncer ses griffes dans ma gorge. Le regret, l’amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre, la lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit, Rien n’obscurcira la beauté de ce monde. Nulle défaite ne m’a été épargnée. J’ai connu le goût amer de la séparation. Et l’oubli de l’ami et les veilles auprès du mourant. Et le retour vide, du cimetière. Et le terrible regard de l’épouse abandonnée. Et l’âme enténébrée de l’étranger, mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde. Ah ! On voulait me mettre à l’épreuve, détourner mes yeux d’ici-bas. On se demandait : « Résistera-t-il ? » Ce qui m’était cher m’était arraché. Et des voiles sombres, recouvraient les jardins à mon approche, la femme aimée tournait de loin sa face aveugle mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde. Je savais qu’en dessous il y avait des contours tendres, la charrue dans le champ comme un soleil levant, félicité, rivière glacée, qui au printemps s’éveille et les voix chantent dans le marbre en haut des promontoires flotte le pavillon du vent.
    Rien n’obscurcira la beauté de ce monde. Allons ! Il faut tenir bon. Car on veut nous tromper, si l’on se donne au désarroi on est perdu. Chaque tristesse est là pour couvrir un miracle. Un rideau que l’on baisse sur le jour éclatant, rappelle-toi les douces rencontres, les serments, car rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
    Il faudra jeter bas le masque de la douleur, et annoncer le temps de l’homme, la bonté, et les contrées du rire et la quiétude. Joyeux, nous marcherons vers la dernière épreuve le front dans la clarté, libation de l’espoir, rien n’obscurcira la beauté de ce monde.


    — in Beauté de ce monde

     

     

  • Pat Ryckewaert

     

    Blessures faites à l’enfant

    entailles dans l’écorce et l’aubier

    à le faire mourir ou à le rendre fou

    frêle racine au sombre dessein

    dans une terre de safre

    flou de la mémoire et du ciel

    l’eau de pluie sur les plaies.

    Blessures faites aux femmes

    à les rendre dociles

    à les fendre

    dans leur unité et leur désir.

    Blessures d’amour

    à priver de sève et de sens

    à faire couler le sang

    assoiffer à jamais la bouche.

    Blessures de l’attachement

    quand tout ne tient qu’à un fil

    qui ne relie à rien

    la peau sans odeur

    le silence des yeux et des gestes.

    Blessures de la langue

    celle qui nous fait sujet

    celle qui nous fait vivant

    celle qu’on n’a pas entendue

    celle qu’on n’a pas parlée

    parole enroulée dans la gorge

    ou écrasée entre deux dents.

    Blessures à priver d'air

    à essouffler le cœur et l'en vie

    .

     in À la folie

     

     

  • Andrei Tarkovski

    N’aie pas peur. La mort n’existe pas. Non, il y a la peur de la mort, et c’est une peur affreuse. Parfois, elle pousse les gens à faire des choses qu’ils ne devraient pas. Mais combien les choses seraient différentes si seulement nous pouvions cesser de craindre la mort.

     

    in Le Sacrifice, son dernier film

     

     

  • Valerie Vie

    La malédiction d'un président, penché sur le berceau des jours de son peuple " c'est la guerre" prend forme. Jamais amis n'auront été plus déchirés. Jamais familles plus opposées. Nous irons jusqu'à enfermer les nôtres réfractaires. Nous les parquerons. L'histoire, nous la connaissons par cœur, nous l'avons tant et tant vécue. Les deux camps seront sourds à l'autre jusqu'au sang. Pour un virus, on tuera les familles, les activités, la santé. Pour éviter 0.01 mort on en fera 100. Sans hésiter.
    Ce n'est pas un "Corona"virus qui a nuit à nos vies, c'est un logos nouveau : la mort est évitable, la mort sera de ta faute. La tienne et celle de tous les autres. Tu as le pouvoir d'un dieu, celui de sauver, si tu restes assis devant ton écran à faire exactement ce qu'on te dicte.
    Dicte moi, maldicte moi, bénédicte moi mais dicte moi, moi qui n'ait plus le sens des mots, cachés dans des livres trop vieux, trop lointains. Moi qui suis incapable de lire, dis moi quoi dire quoi croire, quoi voir : que j'abandonne mes pères seuls en mouroir ? Oui de suite. Amen. Que je masque mon enfant en pleine croissance. Oui de suite. Amen. Que j'empêche tout malade de se soigner ? Oui de suite. Amen. Que j'injecte un produit dont j'ignore tout dans n'importe quel bras ? Oui de suite. Amen. Que j'enferme celui qui refuse l'injection ? Oui de suite. Amen.
    Et je m'exécute. Et de s'exécuter. Exécution.
    Jamais, de tout temps il n'y eut plus de survivants sur la planète à une pandémie.
    Vous l'a-t-on dit une seule fois ?
    Une fois, juste pour vous faire du bien ? Non? Dommage, ce sont les mots qui soignent.
    Et ce sont les mots qui tuent.
     
     
    .
     

  • Jean Bédard

    Partout où nous posons l’œil, nous rencontrons un savoir dense qui fait le cosmos. Nous seuls, les hommes, ne savons pas nous comporter et dédaignons de l’apprendre.
    Pourtant, certains jours, le corps que nous méprisons de façon si hautaine nous rappelle à l’ordre. Alors que nous flânons dans les vastes solitudes de notre inconnaissance, nous gaussant des coqs et des ânes, notre corps fait soudain appel à nous.


    in Marguerite de Porète

     

     

  • Lionel Mazari

     

    Nous portons le collier serré de l’insouciance
    Sur nos coups durs, nos coups de foudre et de soleil.
    On nous a enseigné la fugue et les buissons ;
    Le bonheur fait toujours partie de nos absences.
    Nous sommes juste injustifiés ; en même temps
    que le temps passe, nous passons la main sur vous.
    La caresse est en nous et le poing hors de nous.

     

    In Dehors s’enlise dans nos plaies

     

     

     

     

  • Myriam OH

    ses fossettes, un halo lumineux
     sur la toile recouverte de suie et de sueur
     l'empreinte de ses doigts érige des ponts
     le long du temps qui goutte à intervalle régulier
     et forme une flaque pourpre à ses pieds
     la fêlure dans sa voix, un frisson dans la nuit
     qui engloutit les sourires les caresses les envies de cavale
     des corps qui ne savent plus s'ils jouissent pour de bon
     ou s'ils ont appris malgré eux à se confondre
     dans ce décor sinistre où leurs yeux ne brillent plus ;
     ses pommettes, un volcan en feu
     que creuse les agendas où la vie se débat aux heures aux lieux
     aux petits cercueils prévus à cet effet
     les codes les couleurs c'est pas fait pour les chiens
     en-dessous de ses ongles y'a un peu de bleu
     un peu de rouge aussi ce sont des choses qui arrivent
     quand on refait le monde de ses propres mains
     et comme elle fait de grands gestes
     on dirait qu'elle sculpte une musique dans le noir
     la poésie c'est pas fait pour les chaînes

     

     

     

  • Lao Tseu

        "Il existe un tunnel obscur dans la Lumière Infinie. On l'appelle « Temps ».
        Lorsqu'un humain entre dans ce tunnel,
        On appelle cela « naître ».

        Lorsqu'un humain marche au long de ce tunnel, On appelle cela « vivre ».
        Lorsqu'un humain sort de ce tunnel,
        On appelle cela « mourir ».

        Considérer que vivre se réduit à évoluer au long de ce tunnel obscur,
        Cela s'appelle « illusion ».
        Percer des trous dans ce tunnel obscur,
        Cela s'appelle « science ».

        Savoir que la Lumière est autour du tunnel,Cela s'appelle « Foi ».
        Voir la Lumière dans le tunnel obscur,
        Cela s'appelle « Amour ».

        Voir la Lumière à travers le Tunnel obscur,
        Cela s'appelle « Sagesse ».
        Éclairer le tunnel obscur de sa propre Lumière, Cela s'appelle « Sainteté ».

        Confondre la Lumière et le Tunnel obscur,
        Cela est au-delà des mots."

     

    extrait du Tao Te King

     

     

  • Narki Nal

     

    Je suis celle qui part sans partir, celle qui reste-fuit

    Écrire est une nuit. Mes pas dans cette nuit profonde.
    Vertige. Tige de feu. Pensée morbide. Taire. Se taire.
    Mycélium de pourriture répandu en soi, en silence.
    Lancinant ce bruit sans bruit. Bouffée-désir de l’explosion.

     

     

  • Andréi Tarkovski

    Je vois comme ma tâche particulière de stimuler la réflexion sur ce qu’il y a d’éternel et de spécifiquement humain, qui vit dans l’âme de chacun, mais que l’homme ignore le plus souvent, bien qu’il ait là son destin entre les mains : il poursuit à la place des chimères. En fin de compte, pourtant, tout s’épure jusqu’à ce simple élément, le seul sur lequel l’homme puisse compter dans son existence : la capacité d’aimer. Cet élément peut se développer à l’intérieur de l’âme de chacun, jusqu’à devenir le principe directeur capable de donner un sens à sa vie. Mon devoir est de faire en sorte que celui qui voit mes films ressente le besoin d’aimer, et qu’il perçoive l’appel de la beauté.

     

    in Le Temps scellé, 2004, Petite Bibliothèque des Cahiers

     

     

  • Jean d'Ormesson

    Ne vous laissez pas abuser. Souvenez-vous de vous méfier. Et même de l'évidence : elle passe son temps à changer. Ne mettez trop haut ni les gens ni les choses. Ne les mettez pas trop bas. Non, ne les mettez pas trop bas. Montez. Renoncez à la haine : elle fait plus de mal à ceux qui l'éprouvent qu'à ceux qui en sont l'objet. Ne cherchez pas à être sage à tout prix. La folie aussi est une sagesse. Et la sagesse, une folie. Fuyez les préceptes et les donneurs de leçons. Jetez ce livre. Faites ce que vous voulez. Et ce que vous pouvez. Pleurez quand il le faut. Riez. J'ai beaucoup ri. J'ai ri du monde et des autres et de moi. Rien n'est très important. Tout est tragique. Tout ce que nous aimons mourra. Et je mourrai moi aussi. La vie est belle.
     
     
     

  • Rabindranath Tagore


    De peur que je n'apprenne à te connaître trop facilement, tu joues avec moi. Tu m'éblouis de tes éclats de rire pour cacher tes larmes. Je connais tes artifices. Jamais tu ne dis le mot que tu voudrais dire. De peur que je ne t'apprécie pas, tu m'échappes de cent façons. De peur que je te confonde avec la foule, tu te tiens seule à part. Je connais tes artifices. Jamais tu ne prends le chemin que tu voudrais prendre. Tu demandes plus que les autres, c'est pourquoi tu es silencieuse. Avec une folâtre insouciance, tu évites mes dons. Je connais tes artifices. Jamais tu ne prends ce que tu voudrais prendre.



     in Le Jardinier d'amour, XXXV

     

     

     

     

  • Barbara le Moene

     

    Dans le ventre mou de la nuit
    Aux pattes encre repliées
    Sur les immeubles de l’avenue,
    Les lumières aux fenêtres
    Comme cœurs las
    Faiblement battent,
    Et tremblent les intérieurs feutrés



     in Traction Brabant 75