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CITATIONS - Page 32

  • Martin Caparrós

    (…)

    Alors que 200 milliards de dollars atterrirent sur le marché alimentaire, 250 millions de personnes tombèrent dans l’extrême pauvreté. Entre 2005 et 2008, le prix de la nourriture augmenta de 80 % (…). Quelques gouvernements tombèrent, les prix finirent par chuter, des millions de personnes basculèrent dans l’extrême pauvreté et le monde eut plus d’affamés que jamais dans son histoire. Ils atteignirent pour la première fois le milliard de personnes.

     

    Un milliard d’affamés.

     

    (…)

    « La nourriture est le nouvel or », écrivit alors un journaliste du Washington Post, dans une formule qui fit mouche : elle signifiait surtout que ce n’était plus un bien de consommation mais un bien de thésaurisation et de spéculation, et pas n’importe lequel : le bien dont le prix avait le plus augmenté durant les dernières années.

     

    Pour beaucoup, cela signifiait qu’ils avaient cessé d’en manger.

     

    (…)

    Elles s’appellent Archer Daniel Midlands, Bunge, Cargill, Louis Dreyfus et on les appelle, cela va de soi, ABCD. Elles contrôlent à elles quatre 75 % du marché mondial  des grains : les trois quarts des grains de la planète. En 2005, leur chiffre d’affaires s’élevait à 150 milliards de dollars ; en 2011, à 320 milliards.

     

    (…)

    « Aujourd’hui, le ravitaillement alimentaire mondial doit non seulement se battre contre une offre moindre et une demande accrue de grains réels, mais les financiers ont en outre créé un système qui augmente artificiellement le cours futur des grains. Résultat : le blé imaginaire détermine le prix des céréales réelles, puisque les spéculateurs — autrefois un cinquième du marché — sont aujourd’hui quatre fois plus nombreux que les acheteurs et les vendeurs réels. Aujourd’hui les banquiers et les spéculateurs sont assis au sommet d’une chaîne alimentaire : ce sont les carnivores du système, ils mangent tout ce qu’il y a en dessous » (…).


    in La faim, éd. Buchet-Chastel, octobre 2015

     

     

     

  • Alejandro Jodorowsky

    Nous ne sommes pas des anarchistes qui nous rebellons contre Dieu, la Science ou l’État. Pas du tout. Un combat pareil n’apporte au pauvre que des coups de bâton et une pluie de balles… L’État, et à travers lui, le capital, peut prendre toutes les formes, il a gagné la bataille pour deux ou trois siècles. Rien ne viendra changer le cours de l’Ère industrielle. Les vers ont commencé à dévorer le fromage et nul ne peut les arrêter. La production ne cessera pas avant la dégradation complète de la planète. Peu y survivront. Dans un futur proche les pauvres auront peut-être de meilleurs costumes, ils seront mieux logés et nourris, mais ils continueront à être pauvres ; c'est-à-dire qu’ils seront de plus en plus endettés vis-à-vis du pouvoir, et que s’ils n’y laissent plus leur sang et leurs poumons, ils devront payer avec quelque chose d’aussi précieux que leur rire, et leur intelligence aussi. Le pauvre deviendra un imbécile casé et grave. La conclusion évidente ? L’essentiel est de survivre ! Que l’effondrement de la société ne nous détruise pas…

     

    (…) Mais venons-en au fait : le pouvoir n’est pas créatif et les riches s’ennuient. Ils possèdent tout sauf eux-mêmes. C’est logique. Pour se trouver soi-même, il faut tout lâcher et eux, au contraire, s’approprient tout. Vous me suivez ?

     

    in L’arbre du Dieu pendu

     

     

     

     

  • Michel Baglin

    Cette vie l’éclairer
    à la danse des flammes
    sur une hanche nue,
    aux feux de camps des femmes,
    à l’étoile allumée
    sur un visage ému.
    L’éclairer d’allégeances
    faites à la lumière,
    à la terre, à la pluie, 
    au navire en partance,
    à la fontaine claire
    comme à l’alcool des nuits.

    in De chair et de mots

     

     

  • Jacques Lacarrière

    Toi qui es eau et qui es terre

    Qui es lumière et boue mêlées

    Toi qui es source et qui es cendre

    Qui es berceau, tombeau mêlés

    Toi la salubre et la salie

    Toi la sainte et toi la souillée

    Toi la très sage et l’insensée

    Qui est début, qui est déchet

     

    in Marie d’Égypte

     

     

  • Anais Nin

     

    Équilibre ? Un rêve impossible pour moi, padre amor. Parce que je suis née sous le signe de Sainte-Thérèse et des grandes courtisanes perverses.

    Mysticisme de la terre ou du ciel, mais des extrêmes.

     

     

  • Robert Graves

     

    Les saints l’insultent tous et tous les gens sensés
    Que gouverne Apollon et ses canons dorés.
    Pourtant, pour la trouver, moi j’ai fait le voyage
    Jusqu’aux pays lointains qu’elle aurait habités,
    Elle dont je voulais scruter plus que l’image,
    Sœur de l’écho et du mirage.

    Je faillis très souvent m’arrêter en chemin,
    Abandonnant ma quête héroïque et têtue.
    Dans les feux du volcan je crus bien l’avoir vue,
    Sur la banquise, en dehors des pistes, plus loin
    Que la grotte des sept dormeurs, et primordiale
    La déesse au front blanc tels celui d’un lépreux
    Aux yeux glauques, à la bouche rouge, aux cheveux
    Jaune miel ondulant jusqu’à son ventre pâle.

    Dans le jeune bois vert, la sève du printemps
    Célèbre la Montagne-Mère en bouillonnant.
    Et chaque chant d’oiseau s’élève alors plus tendre.
    Mais moi je peux la voir même en l’âpre Novembre
    Dans la magnificence de sa nudité.
    Or je sais son passé de trahison. N’empêche :
    Je prétends oublier sa froide cruauté
    Sans me soucier du point où peut tomber sa flèche.

     

    in La Déesse blanche

     

     

     

  • Gustave Moreau

     

    Ma seule gloire est de n’avoir jamais été rendu malheureux par moi-même. Je n’ai jamais connu cette maladie du rêveur sans rêve, du passionné sans passion et du travailleur sans but. Tout ce que j’ai cherché, je l’ai trouvé, à petite proportion sans doute, mais parfaitement pur de tout alliage, car je n’ai jamais cherché le rêve dans la réalité et la réalité dans le rêve. J’ai joui de mon imagination pleinement ; elle ne m’a jamais trompé.

     

                                       

  •  André Velter

    on bâtissait l'instant

    on bâtissait d'instinct,

    il n'y avait ni durée

    ni désastre

    et le cours des choses

    était une vieille lune de l'autre côté des forêts.

     

    in La sorcière

     

     

     

  • Alexandre Marius Jacob (1879-1945)

     

    « Plus un homme travaille, moins il gagne ; moins il produit, plus il bénéficie. Le mérite n’est donc pas considéré. Les audacieux seuls s’emparent du pouvoir et s’empressent de légaliser leurs rapines. De haut en bas de l’échelle sociale tout n’est que friponnerie d’une part et idiotie de l’autre. […] Vous appelez un homme “voleur et bandit”, vous appliquez contre lui les rigueurs de la loi sans vous demandez s’il pouvait être autre chose. A-t-on jamais vu un rentier se faire cambrioleur ? J’avoue ne pas en connaître. Mais moi qui ne suis ni rentier ni propriétaire, qui ne suis qu’un homme ne possédant que ses bras et son cerveau pour assurer sa conservation, il m’a fallut tenir une autre conduite. La société ne m’accordait que trois moyens d’existence : le travail, la mendicité, le vol. le travail, loin de me répugner, me plaît, l’homme ne peut même pas se passer de travailler ; ses muscles, son cerveau possèdent une somme d’énergie à dépenser. Ce qui m’a répugné, c’est de suer sang et eau pour l’aumône d’un salaire, c’est de créer des richesses dont j’aurais été frustré. En un mot, il m’a répugné de me livrer à la prostitution du travail. La mendicité c’est l’avilissement, la négation de toute dignité. Tout homme a droit au banquet de la vie. […]  Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend. […] Le vol c’est la restitution, la reprise de possession. Plutôt que d’être cloîtré dans une usine, comme dans un bagne ; plutôt que mendier ce à quoi j’avais droit, j’ai préféré m’insurger, combattre pied à pied mes ennemis en faisant la guerre aux riches, en attaquant leurs biens. Certes, je conçois que vous auriez préféré que je me soumette à vos lois ; qu’ouvrier docile et avachi j’eusse créé des richesses en échange d’un salaire dérisoire et, le corps usé et le cerveau abêti, je m’en fusse crever au coin d’une rue. Alors vous ne m’appelleriez pas “bandit cynique”, mais “honnête ouvrier”. Usant de la flatterie, vous m’auriez accordé la médaille du travail. »

     

    Extrait de sa défense qu‘il a assuré lui-même lors de son procès, texte publié dans Germinal le 19 mars 1905. Il prendra 25 ans de bagne, il est le modèle de l'’Arsène Lupin de Maurice Leblanc.