Marie Nizet
Je suis ce temple vide où tout culte a cessé
Sur l’inutile autel déserté par l’idole;
Je suis le feu qui danse à l’âtre délaissé,
Le brasier qui n’échauffe rien, la torche folle…
Pour Axel de Missie, 1923
recueil posthume.
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Je suis ce temple vide où tout culte a cessé
Sur l’inutile autel déserté par l’idole;
Je suis le feu qui danse à l’âtre délaissé,
Le brasier qui n’échauffe rien, la torche folle…
Pour Axel de Missie, 1923
recueil posthume.
Mais peut-être ta personne est devenue comme un air de temps de neige, qui entre par la fenêtre, qu’on referme, pris de frissons ou d’un malaise avant-coureur de drame, comme il m’est arrivé il y a quelques semaines. Le froid s’appliqua soudain sur mes épaules je me couvris précipitamment et me détournai quand c’était toi peut-être et la plus chaude que tu pouvais te rendre, espérant être bien accueillie ; toi, si lucide, tu ne pouvais plus t’exprimer autrement. Qui sait si en ce moment même, tu n’attends pas, anxieuse, que je comprenne enfin, et que je vienne, loin de la vie où tu n’es plus, me joindre à toi, pauvrement, pauvrement certes, sans moyens mais nous deux encore, nous deux…
goûter à la saveur des petites arnaques contemporaines
écouter le murmure de mon corps étourdi de fatigue
et toute cette poussière qu’il reste à mordre
alors que j’ai perdu l’appétit depuis longtemps
in Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Le lutin qui se joue de moi
Dans le jardin il saute
Il s’en donne à cœur joie
Fait des bouquets d’abeilles brunes
Souffle sur les papillons de nuit
Burine la laine, carde les rayons
Des étoiles, de la secrète lune
in Traction Brabant n° 76
Je voudrais m’avancer, aigüe comme la terre, dans l’eau vaste prière, et sentir puissante la houle dans les reins, et disparaître enfin dans la courbure du monde
Les voiliers ont leurs ailes, et je porte mes chaînes, mes chaines aux nœuds d’amour que j’ai nouées moi-même
Entre ces chaines-là et le bleu sans entrave, je vais en funambule sur le fil frontière où moussent les bruyères
in Traction Brabant n° 82
in Terre
Personne au monde, personne dans l'histoire n'a jamais obtenu sa liberté en faisant appel au sens moral de ceux qui l'oppriment.
Si un homme me tient à distance,
ma consolation c'est qu'il s'y tient
aussi.
Et c'est l'une des raisons qui font que le métier de pilleur de train n'est pas aussi agréable que l'une ou l'autre de ses branches collatérales, la politique ou l'établissement de monopoles.
Je suis touchée très en profondeur d'être intimement entendue. Merci pour vos retours très encourageants pour moi. A travers le film de Julie Bertuccelli un portrait de l'auteure est mis en valeur. On lit entre les lignes mes difficultés à vous ressembler et surtout mon manque d'envie d'appartenir à ce monde de l'ordre mental.
Naitre avec des neurones survoltés ça arrive, se débrancher de la connexion de l'humain dans les cases ça arrive aussi , être en phase de branchement différent c'est mon cas. Dans ce système de l'hyper connexion j'écris avec des lettres en carton et je m'hyperconnecte avec le toit céleste, les antennes de l'univers.
Nous sommes des êtres puérils. Nous jouons à faire semblant d'être branchés sur l'information inventée par nous-même et nous ignorons comment reproduire une cellule vivante , notre code identitaire.
Je suis contente d'être restée coincée dans l’œuf de la conception où se joue l'apocalyptique résonance avec le grand tout. Ne soyons pas égarés , l'invisible big bang habite nos cerveaux et nos corps. Restons attentifs à la lumière des êtres accrochés à la lanterne du monde qui se balance entre la terre et le ciel.
GOOD TRIP...
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Pour ceux qui vivent à l'intérieur de ses limites, les lumières de la ville sont le seul luminaire du vaste ciel. Les réverbères des rues éclipsent les étoiles, et l'éclat des réclames de whisky réduit même le clair de lune à une inconséquence presque invisible. Ce phénomène est symbolique ; c'est une parabole en action. Mentalement et physiquement, l’homme est ainsi l’habitant, pendant la majeure partie de sa vie, d’un univers purement humain, et en quelque sorte « fabriqué-maison », creusé par lui-même dans le cosmos immense et non humain qui l’entoure, et sans lequel ni cet univers, ni lui-même ne pourraient exister. À l’intérieur de cette catacombe privée, nous édifions pour nous-mêmes un petit monde à nous, construit avec un assortiment étrange de matériaux – des intérêts et des « idéals », des mots et des technologies, des désirs et des rêveries en plein jour, des produits ouvrés et des institutions, des dieux et des démons imaginaires. Là, parmi les projections agrandies de notre personnalité, nous exécutons nos bouffonneries curieuses et perpétrons nos crimes et nos démences, nous pensons les pensées et ressentons les émotions appropriées à notre milieu fabriqué par l’homme, nous chérissons nos folles ambitions qui seules donnent une signification à une maison de fous. Mais pendant tout ce temps, en dépit des bruits de la radio et des tubes à néon, la nuit et les étoiles sont là - juste au-delà du dernier arrêt des autobus, juste au-dessus du dais de fumée illuminée. C’est là un fait que les habitants de la catacombe humaine trouvent trop facile, hélas, d’oublier ; mais, qu’ils oublient ou se souviennent, cela demeure toujours un fait. La nuit et les étoiles sont toujours là.
in Les portes de la perception
L'humanité se compose de deux minuscules minorités : celle des brutes féroces, des traîtres, des sadiques systématiques d'une part, et de l'autre celle des hommes de grand courage et de grand désintéressement qui mettent leur pouvoir, s'ils en ont, au service du bien. Entre ces deux extrêmes, l'immense majorité d'entre nous est composée de gens ordinaires, inoffensifs en temps de paix et de prospérité, se révélant dangereux à la moindre crise.
in Le diable est-il libéral ?, 2001
La vie, c'est ce qui vous arrive
alors que vous étiez en train de prévoir autre chose.
Le problème n'est plus d'amener les gens à s'exprimer mais de fournir des petits moments de solitude et de silence dans lesquels ils peuvent trouver quelque chose à dire. Les forces d'oppression n'empêchent pas les gens de s'exprimer, elles les forcent au contraire à s'exprimer. Quel soulagement que de n'avoir rien à dire, le droit de ne rien dire, parce que seulement à ce moment il devient possible de saisir cette chose rare et toujours plus rare : ce qui vaut la peine d'être dit.
in Pourparlers 1972-1990
La loi dépend de l’État seul qui a le pouvoir de la définir, mais c’est à chacun, selon sa conscience, de savoir ce qu’il considère comme légitime, juste, humain.
in L'anarchie ou le chaos