Victor Hugo
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Dans les mois de sécheresse les rares habitants de ces pays perdus étaient occupés à creuser des abreuvoirs dans le sable, à couper des branches de mandacaru pour les troupeaux qui s’épuisaient sous les piqûres des tiques. On doublait les filets. Les mains saignaient à ce dur travail, on soignait les pieds blessés avec du suif fondu sur la braise. Aucun nuage n’assombrissait les jours sans fin ; des vols sinistres d’oiseaux migrateurs déchiraient le bleu du ciel ; les branches des arbres n’étaient plus que des brindilles noires, les feuilles se desséchaient ; sur le sol blanc et lisse du potager s’ouvraient de grandes crevasses.
in Enfance
Mais je vais maintenant reporter mes pas sur les sentiers du chant, que j'ai parcourus auparavant, tirant de mon discours un nouveau discours. Quand la Haine fut tombée au plus profond abîme du tourbillon, et que l'Amour en eut atteint le centre, toutes les choses se réunirent en lui, pour n'être qu'Une seulement ; non pas toutes à la fois, mais en se réunissant selon leur volonté, l'une venant d'une direction, l'autre de l'autre ; et quand elles se furent mélangées, d'innombrables tribus de créatures mortelles furent ça et là répandues. Bien des choses, cependant, restèrent non mélangées, alternant avec celles qui se mélangeaient, à savoir toutes les choses que la Haine tenait en suspens ; car elle ne s'était pas encore entièrement retirée d'elles jusqu'aux limites extrême du cercle. Pour une part, elle restait encore à l'intérieur ; pour une autre, elle était sortie des membres du Tout. Mais, dans la mesure où elle continuait à se répandre au dehors, un doux et immortel courant d'irréprochable Amour continuait à affluer au dedans, et aussitôt devenaient mortelles ces choses qui auparavant avaient été immortelles ; et ces choses étaient mélangées, qui avaient été non mélangées, chacune changeant de sentier. Et à mesure; qu'elles se mélangeaient, des tribus innombrables de créatures mortelles étaient ça et là répandues, douées de toutes espèces de formes, merveilleux spectacle à contempler.
Ils disent que tout est joué d’avance, ils ne savent pas nos silences
In Traction Brabant 79
On ne peut pas inviter le vent, mais on doit laisser la fenêtre ouverte
Les paroles innommables clouent des sortilèges dans le ciel.
Des nations en marche me piétinent sur la pointe des pieds en remontant leur montre dans un battement de cœur synchronisé.
in Zoartoïste
Comme des singes cinglés,
Picolent et racontent des histoires de vivants.
Avec leurs corps d’enfants mal aimés,
Ils donnent leur amour à la rue des hasards.
in Cheval Rouge
Pas de happy end en poésie
Les poètes finissent
par vivre leur folie.
On les dépèce comme des bœufs
(voyez Dario)
Ou bien on les lapide et ils se jettent
de dépit à la mer,
mâchent quelques cristaux de cyanure,
ou c’est l’alcoolisme qui les tue,
la toxicomanie la misère.
Bien pire encore :
ils deviennent poètes officiels
amères momies d’un sarcophage
appelé Œuvres complètes.
traduit par Laurent Bouisset
in Traction Brabant 80
Notre père qui êtes aux cieux
Donnez-nous notre poésie du quotidien
Aussi inutile soit-elle. Nous ferons avec si peu
De chaque instant, celui de la beauté et du désir.
Donnez-nous la force de foutre cul par-dessus tête
L’ordre des souverains avec de simples mots.
in Paroles & Chansons comme ci – comme ça
Tu te baladeras dans le pays gris
Des taupes à cul rose.
Et avec tes grands yeux, tu pourras même cajoler
Des requins noirs aux dents de satin.
in Cheval Rouge
Mais il était égal en tous sens, et tout à fait infini, sphérique et rond,
joyeux dans sa solitude circulaire.
Ne cesserez-vous pas ce meurtre au bruit funeste ?
Ne voyez-vous pas que vous vous dévorez les uns les autres
dans l'étourderie de vos cœurs ?
Un animal a envie de chialer en moi. Mais il a perdu son cri. Je me sens sec. Sec comme un arbre mort qui a encore assez de feuilles pour ne pas que ça se voie. Il faudrait quelque chose pour me rendre à nouveau vivant. Un autre regard qui se poserait sur ma vie. Quelqu’un qui verrait ce que je ne m‘autorise pas à être. Quelqu’un qui ferait bien plus que m’apprécier. Qui pourrait m’espérer.
In 30 ans dans une heure
Indéniablement, l'amour, c'est être en communion avec quelqu'un, mais y a-t-il une communion - autre que physique - entre vous et votre femme? La connaissez-vous - excepté physiquement ? Et elle, vous connaît-elle? N'êtes vous pas l'un comme l'autre isolés, l'un comme l'autre à la poursuite de vos propres intérêts, de vos propres ambitions, chacun attendant de l'autre une gratification, une sécurité d'ordre économique ou psychologique? Une telle relation n'en est pas vraiment une - c'est un processus d'enfermement réciproque et de repli sur soi, né d'une nécessité psychologique, biologique et économique, dont le résultat évident est le conflit, le malheur, les reproches incessants, une possessivité doublée de peur, de jalousie et ainsi de suite.
in Amour, sexe et chasteté