Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

CATHY GARCIA-CANALES - Page 1266

  • Frédéric Fontenoy - Allez, copulez maintenant !

    Frédéric Fontenoi 2.jpg

     

    ALLEZ, COPULEZ MAINTENANT !

     

    Sexe ! Et l’amour devient risible… Voyez la bête à deux têtes ! Jolies queues et belles chattes font tourner le monde mieux que n’importe quelle sévère soutane ou stricte cravate, quoique celle du notaire a les mamelles fières. Pardonnez moi, je m’égare, et c’est si facile quand le hasard mouille au fond des culottes…

    Je t’aime, moi mon cul, mais pourtant c’est pareil ! Notre cul, messieurs, c’est votre soleil, celui qui chauffe les entrailles de votre imagination, qui vous tient, qui vous tenaille et vous assomme avant le sommeil.

    Notre cul encensé, convoité, censuré, idolâtré, montré du doigt voire de plusieurs, critiqué, exploité, malaxé, ouvert à pleines mains cette fois, exposé, tripoté, fouillé, défoncé, banni, maudit, brûlé vif sur des bûchers ! 

    Si bien qu’aujourd’hui, si ça ne nous envoie pas en taule, ça paye très bien de le montrer ce cul, sur petit et grand écran ou papier plus ou moins glacé, professionnel ou amateur, dans tous les foyers grâce à la suprême maquerelle informatique ! Qui n’a pas eu son pain de fesses ?

    Des milliers de crétins suspendus par la verge au plus beau cul de la semaine, peu importe de savoir à qui il appartient, ce qui est certain c’est qu'il rapporte. Et il rapporte quoi au juste ?

    Qu'est-ce que ça peut nous faire ? Nous aurions tort de cracher sur ceux qui l’ont compris car si nous sommes assez cons pour nous payer des culs, sur tous les supports imaginables y compris la chair, alors qu'il y en a qui n’ont même pas assez à manger pour utiliser le leur à des fins pratiques, c’est à dire pour chier, il est normal parfois de se faire enc… quelque part, non ?!

    Pardonnez moi, je deviens très grossière… Mais n’est-ce pas ce que vous aimez, les mots grossiers, les mots cochons susurrés à l’oreille, mots interdits qui donnent le petit frisson supplémentaire ?

     

    Le plaisir a depuis toujours faussé compagnie à la morale et aux inquisitions. Le péché de chair a été inventé par des hommes vicieux, jaloux et avides de pouvoir, le diable a été inventé pour dominer les masses indisciplinées, et des siècles et des siècles plus tard, le joug est encore présent, imprimé dans nos cerveaux, mais certainement pas dans nos cellules. L’imagination mélomane aime les accords en rut majeur…

    Danser la danse du loup. Forniquer, copuler. Trousser, harponner, croquer, saillir !

    Viens-donc ! Je suis la femelle tant redoutée, la dévoreuse, l’insatiable, de celles que l’on a enfermées, pendues par les pieds, chassées, brûlées, réduites au silence pendant des siècles et que l’on pourchasse encore de par le monde ! Indomptables mais si généreuses…

    Une femme n’a t-elle d’autre choix que le camp des salopes ou la névrose ?

    Il est bien plus difficile d’assumer son plaisir que de critiquer celui des autres, n’est-ce pas ?

    Quant aux hommes, vos queues ont déjà choisi pour vous et quoiqu’elles fassent, vous êtes toujours le sexe respectable. Un gars, une garce, un péripatéticien, une péripatéticienne, un entraineur, une entraineuse etc. Maintenant pour être une parfaite salope, mieux vaut avoir des atouts et comme encore une fois, c’est vous, messieurs, qui faites les règles du jeu, ce sont des atouts avant tout plastiques. Trop laide, trop maigre, trop grosse, trop vieille, pas assez comme ça ou trop comme ci, qu’une femelle désire assumer pleinement sa sexualité, ses désirs et la voilà sur un chemin de croix à défaut de cœur ? Vous riez ?

    Pensez à toutes les saintes anonymes qui vous permettent de vous éponger sur elle, en échange de quelques billets, que vous soyez maigre, gros, sale, édenté, boutonneux, poilu, mou ou puant de la gueule, des pieds, de tout ? Vous riez encore ?

    Hypocrisie puritaine, fanatisme religieux, négation et stigmatisation du naturel d’un côté et de l’autre :  exploitation de la chair et de votre misère sexuelle, explosion du sexbizness. Entre les deux, l’être humain. Une déviance, un non-sens, un monstre de beauté, un ange raté, un menteur éhonté.

    Nous devrions être les propres peintres de notre sexualité. La toile n’a jamais été blanche mais à nous de jouer avec les couleurs, de projeter tous nos fantasmes, qu'ils aillent éclabousser les contours trop propres, de longues coulées de jus salée sur les lignes trop droites, brouiller la piste pour tout ceux qui suivront car non, il n’y a jamais eu de règles, tout est sans cesse à inventer, en mouvance, n’en déplaise à la pornographie institutionnelle patriarcale et judéo-chrétienne.

    Trop de cul ! Pas assez ! Plus encore ! Jusqu’à la nausée, jusqu’à ce que ça ne veuille plus rien dire, alors on touchera à l’essentiel, au-delà, bien au-delà de nos agitations de fourmis lubriques, de cette quête éperdue que l’on ne comprendra jamais, car enfin, avouez, l’amour est bien peu dans tout ça.

    L’amour, une belle couverture, un emballage digne, l’amour c’est de l’amitié au-delà du raisonnable, l’amour, c’est la plus belle et la plus étrange invention de l’homme pour justifier sa nature animale et contrer ses peurs viscérales. C’est peut être aussi une poussière d’étoile ou une goutte d’eau pure qui tombe sur nos paupières et nous réveille un beau matin, le cœur retourné vers le ciel.  

     

    CG - 2001

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Guerriers amoureux de Jean-Louis Costes

     guerriers-amoureux.jpg

     

     

    Edition Eretic, avril 2013, 286 pages, 17 €.

     

     

     

    Dégueulasse, dégoûtant, obscène, scato, taré… et drôle, corrosif, rarement ennuyeux et bien écrit. Costes est un écrivain, n’en déplaise à ceux qui ne supportent pas qu’on puisse écrire caca dans un roman. Les qualificatifs péjoratifs ne manquent pas pour qualifier l’écriture de Costes, et chacun à un moment ou à un autre, comme dans un effet miroir, se verra confronté à ses limites. Ça en devient presque initiatique, certains laisseront tomber de suite, d’autres ne voudront même pas toucher le livre, d’autres iront plus loin, voire jusqu’au bout pour se sentir comme les deux antihéros de l’histoire : de vrais hommes, voire de vraies femmes. Ce qui est intéressant d’ailleurs, ce serait de savoir combien finalement vont jusqu’au bout en prenant des airs dégoûtés ? Costes se lit-il en cachette comme une revue porno ? Il me semble que c’est la même chose avec ses performances, il met le public face à un miroir, le plus extrême possible. Ainsi, d’autres iront jusqu’au bout peut-être parce qu’ils découvriront que ça les excite, ils en apprendront ainsi sur eux-mêmes et libre à eux ensuite d’en chercher le pourquoi, comment, papa, maman, etc. D’autres iront jusqu’au bout, même si par moment le roman leur tombe sur le moral comme un gourdin goudronné, sans doute parce qu’eux même sont autant dégoûtés que fascinés par l’humanité, au point de la chercher partout, et c’est un peu comme Dieu, elle se cache parfois là où on n’ira jamais la chercher. Pour Costes, c’est très certainement au fond d’un trou de balle. Plus clinique que pornographique, son roman plonge obsessionnellement dans les entrailles, au propre, c'est-à-dire crade, mais aussi paradoxalement au plus profond  de l’âme humaine. C’est un constat pas très réjouissant d’ailleurs, Costes exagère mais jusqu’à quel point ? Ne mettrait-il pas plutôt le doigt et plus dans ce que l’on ne veut pas voir ? Ou juste à doses homéopathiques par le biais d’infos aseptisées ou au cinéma, pour le frisson. La crasse, la folie, la déchéance, la drogue, la violence et le sexe comme antidépresseur, on baise comme on hurle, pour se sentir vivant. Les épaves sont légions dans une société où règne mensonge, lâchetés, corruption et cupidité, et dire qu’on ne peut rire de tout, c’est bon pour celles et ceux qui n’ont pas encore goûté au grands fonds, ceux qui ont un arôme de chiasse, de poissons pourris et de fûts percés, où la vie ne vaut pas un clou et l’enfance se viole au petit-déjeuner. Nul n’ignore que l’humain, confronté à certaines situations et substances, peut devenir une créature bien plus cruelle et dégénérée que le plus féroce animal, mais c’est toujours l’autre, si possible le plus loin et le plus étranger possible. L’écriture de Costes pourrait jouer une sorte de rôle cathartique. En endossant toutes les perversions, toutes les saloperies humaines, le lecteur en ressort lavé, purifié, soulagé peut-être. Ouf, ce n’est pas lui ! Pour qui veut lire entre les lignes, au delà de la provocation, cette vulgarité est l’arbre qui cache la forêt. En rester là, ce serait passer à côté de la grande fragilité, l’évidente sensibilité et une lucidité écorchée vive, de l’auteur. Un roman pertinent, mais oui, qui dresse un constat sans pitié du monde actuel, cru, grinçant et souvent insoutenable, aucun puritain ni survivrait, mais le côté trash ne leurrera pas le lecteur déniaisé. Costes a un humour et un sens de l’autodérision qui sauvent de tout, c’est drôle et désespéré. Le paradoxe du titre, Guerriers amoureux en dit bien plus long qu’il n’y parait. En filigrane permanent, une quête d’amour, de paix, de beauté et de simplicité, toujours empêchée par un monde dingue qui part en couille, ravagé par le crack depuis la banlieue parisienne jusqu’au fin fond du désert ou de la jungle amazonienne. On a beau se voiler la face, serrer les fesses et se pincer le nez, le monde il est aussi comme ça, beaucoup même. C’est donc, littéralement, un roman d’aventures extrêmes, que jamais aucune marque sportive ne voudrait sponsoriser.

     

    Cathy Garcia

     


    013.jpgJean-Louis Costes est né le 13 mai 1954 à Paris. Père militaire, mère catholique pratiquante, il a été éduqué par les pères des collèges catholiques. En
    1968, il tombe amoureux d'une jeune fille de son lycée Anne Van Der Linden qui deviendra plus tard décoratrice et actrice de ses shows. Il quitte sa famille et vit tel un zonard, paumé et drogué. En 1972, il obtient son baccalauréat et débute des études d'architecture à l'école des beaux-arts de Paris. Il obtient le diplôme. En 1978, il voyage à travers l'Afrique, l'Asie et l'Amérique du Sud (La Guyane deviendra son lieu de prédilection). Dans les années 80, il se réfugie dans la cave de sa grand-mère pour se consacrer uniquement à la musique. La cave désormais sera son milieu ambiant préféré, non par goût mais par nécessité. Il s’échappe aussi dans une cabane au milieu de la forêt guyanaise pour respirer. Artiste underground, subversif, amoral, transgressif, antihéros complètement déjanté. Sur scène et dans ses livres, aucune limite, il exploite tous les tabous, les thèmes les plus ambigus, scatologie en tête. On l’aime ou le plus souvent on le déteste, mais on ne peut rester indifférent. Ses réalisations, quel que soit le domaine via lequel il éructe, littéraire, performances live, films ou musique, toujours au degré maximum de la provocation aux yeux d’une certaine normalité en tout cas, sont toutes guidées par un sens aigu de l’autodérision, de l’absurde et de la bouffonnerie, avec beaucoup d’humour et en filigrane dans la surexcitation et l’explosion des sens, une quête de transcendance. Son cheval de Troie est la nullité. C’est en réalité une immense farce au sens mystique du terme, et cela peut évoquer le théâtre de l’absurde de Jodorowski ou celui de la cruauté d’Artaud. En 1986, il a publié chez Fayard, Grand-père, l’histoire d’un grand père arménien, cosaque, légionnaire, bagnard et collabo.

    Pour en savoir plus : http://jeanlouiscostes.free.fr

    Mais l’antre de la bête est ici : http://www.costes.org

     

     

  • Le faucon errant de Jamil Ahmad

    traduit de l’anglais (Pakistan) par Sophie Bastide-Foltz, Actes Sud mai 2013

    ob_6c66e65cf04f6328c4e49505c0e4c5a3_fe.gif

    173 pages, 19,80 €

     

    Un livre âpre et austère, à l’image de la région à laquelle il s’attache, où le seul lien à suivre pour ne pas s’y perdre est un homme, Tor Baz, le Faucon Errant. Il sera notre guide à travers ces pages écrites d’une plume sèche, sans fioriture, qui se tient au plus près des évènements et les décrit sans entrer dans des considérations psychologiques. Tor Baz est né au cœur de ces zones tribales, semi-autonomes à l’époque – nous sommes dans les années 1950 – au carrefour montagneux du Pakistan, de l’Afghanistan et de l’Iran.

    À l’âge de 5 ans, Tor Baz qui ne s’appelle pas encore ainsi, se retrouve abandonné en plein désert auprès d’un chameau mort. Ses parents qui s’aimaient d’un amour illégitime, ayant fui leurs tribus respectives avant même qu’il ne soit conçu, sont rattrapés et assassinés selon la dure loi tribale. Tor Baz sera alors recueilli par un vieux chef nomade, puis par un mollah mécréant, vagabond et rusé qui finira dément, et enfin par une famille Bhittani.

    C’est cette famille qui lui donnera le nom de leur fils défunt, Tor Baz, Faucon Noir, qui deviendra le Faucon Errant que nous retrouverons tout au long du livre. Un livre que Jamil Ahmad a pu écrire en regroupant des notes prises durant plusieurs décennies dans ces zones tribales, où il exerçait comme haut fonctionnaire pakistanais. Une région où venaient se heurter cultures ancestrales, nomadisme et modernité, une région aux enjeux politiques, stratégiques et religieux extrêmement compliqués et où les innombrables tribus résistaient farouchement à tout pouvoir et ingérence étatique, sans parler des tentatives d’influences allemandes ou britanniques, qui plus tard seront soviétiques et américaines. Là réside le grand intérêt de ce livre, nous faire pénétrer au cœur de ces territoires bien éloignés de toute littérature, mal connus, peuplés d’hommes simples et rudes, exceptionnels aussi d’humanité tout autant que capables d’une grande cruauté. On y rencontrera des chefs tribaux, des mollahs miséreux, des hommes sages, humbles et honnêtes, d’autres fort corrompus, des femmes aussi soumises que robustes et courageuses. Des paysans, des villageois, des bandits, des soldats, des fonctionnaires, des kidnappeurs saisonniers, des vendeurs d’informations, des vendeurs de femmes, d’opium et de haschisch, de glace des glaciers, de champignons séchés ou de kebab, un montreur d’ours et un guide de haute-montagne qui retombera aussi bas qu’il était monté haut. Des morceaux de vie captés et entremêlés au cœur de paysages érodés et quelques vallées plus accueillantes. On entendra les vents des montagnes et du désert y chanter le nom de tout un tas de tribus telles que Siahpad, Baloutche, Brahui, Kharot, Pawindah, Bhittani, Pachtoune, Massoud, Wazir, Afridi, Mohmand, Gujjar… et nous verrons chacune lutter pour sa survie, sans que jamais toutefois ne soit oubliée la règle première et essentielle de l’hospitalité.

     

    Cathy Garcia

     

     

    Jamil Ahmad par Fauzia Minallah.jpgNé en 1933, haut fonctionnaire pakistanais aujourd’hui à la retraite, Jamil Ahmad exerça principalement dans la province frontalière du Baloutchistan. Il a également occupé un poste à l’ambassade pakistanaise à Kaboul avant et pendant l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques. Il vit actuellement à Islamabad. Avec Le Faucon errant, son premier roman, il est devenu, à soixante-dix-huit ans, le « nouvel auteur phare » de la littérature pakistanaise. Ces expériences lui ont permis de décrire au plus juste la vie de ces régions interdites (aux frontières de l’Iran, du Pakistan et de l’Afghanistan) avant la montée des Talibans. Aujourd’hui les « zones tribales » sont le plus souvent décrites comme des régions reculées, nids de conspirateurs et cibles des attaques de drones.

     

    Photo (c)Fauzia Minallah

     

    Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/le-faucon-errant-jamil-ahmad

  • Hamid Tibouchi

    hamid tibouchi .gif

     

    Hamid tibouchi 0.gif

     

     

    Hamid Tibouchi 2.gif

     

    Hamid tibouchi 2zx2.gif

     

    hamid tibouchi 3.gif

     

    hamid tibouchi traité de navigation0.gif

     

     

    Hamid-TIBOUCHI-5311-4.jpg

     

    Hamid-TIBOUCHI-5311-1.jpg


     

    Merci à la revue Décharge qui présente cet artiste poète (dans le n°158) pour me l'avoir fait découvrir, j'ai beaucoup apprécié ses réponses aux trois questions d'Yves-Jacques Bouin, e m'y suis totalement retrouvée, de même que la présentation du Traité de Navigation, sa série de peinture intitulée ainsi dont les toiles ci-dessus font partie (sauf la dernière, intitulé « Émiettement périphérique Kuba », qui est de 1995). Il y en a en tout une trentaine qui ont été en exposition, en 2009, à la galerie Europia de Paris.  

     

    hamid Tibouchi.jpgNé en 1951 en Algérie. Peintre et poète, il vit et travaille en région parisienne depuis 1981. Après des études au lycée de Bougie, puis à l’École Normale Supérieure d’Alger, il est assistant de français en Angleterre, puis professeur d’anglais près d’Alger. En 1983, il est diplômé en Arts plastiques de l’Université Paris VIII. Depuis 1981, date à laquelle il se consacre essentiellement à la peinture et à l'écriture, il expose régulièrement en France et à travers le monde.

  • Massalia Blues de Minna Sif

     

     massalia-blues.jpg

    Alma Editeur, Février 2013

    92 p., 18 €

        

    Être aimé ne sert à rien.

    Pour ne pas être seul,

    Il faut être capable d’aimer

    Dino Buzatti

     

    Minna Sif nous plonge au cœur d’une sorte de cour des miracles, pègre et misère s’y côtoient, pour le pire et exceptionnellement pour le meilleur. C’est Marseille la belle, ses quartiers, son vieux port, ses vendeurs à la sauvette, ses marchands de sommeil, ses parias et ses prostituées, et dans cette cour grouillante de la ville basse, un roi découronné pousse son Caddie. Clochard et clandestin, fier et roublard, Brahim refuse d’aller chercher des papiers à la préfecture. Et cela, malgré les offres d’aide insistantes de la narratrice, écrivain public du côté de la Poste Colbert, pour tout un monde sans voix, parfois même sans droits. Enfant déjà, elle était la voix de ses parents, venus eux aussi de douars marocains aux noms imprononçables.

    « Cet emploi d’écrivain public était pour moi un pont ténu entre une population venue de l’autre bord de la Méditerranée et cet autre monde bien ordonné qui ne voulait d’eux que du bout des lèvres, du bout de ce tutoiement dont on les gratifiait encore trop souvent ».

    Brahim, vieux fou, est aussi un conteur hors pair. Lui, dont la vie comme tant d’autres a fait le grand écart au-dessus de la Méditerranée, ne transporte pas qu’un affreux cabot déplumé et tout un tas de vieilles saloperies au fond de son Caddie, mais aussi des pelletées d’histoires incroyables, dont les héroïnes sont des femmes, que dis-je, des furies, des ogresses débordantes de chair et de vie. Fadéla la dégourdie, Zina la morte, Leïla la putain aux dents d’or, Haffida la dévoreuse, Fatem la poétesse, la blonde Antoinette et d’autres encore. Mères, grand-mères, sœurs, épouses, maîtresses… Tout un univers féminin aussi jouissif qu’étouffant, en butte à la brute lâcheté des hommes.

    Hardie, sacrément fleurie et explosive, l’écriture de Minna Sif déborde comme une opulente poitrine du corsage étroit de la bienséance. Elle ne craint pas de tremper sa plume dans les sucs et les fiels, l’amour et la haine étant bien souvent trop emmêlés pour pouvoir les distinguer. Les cris, la rage, les larmes, le sperme et les vers qui rongent les plaies. L’humanité dans toutes ses splendeurs et ses déchéances, excessive et délirante comme l’amour de ces mères du sud pour leur progéniture, à Marseille, aussi bien que dans les douars marocains.

    On se perd dans la narration un peu brouillonne, forcément, à l’image de ce bouillon de cultures, d’où jaillissent cependant des envolées de génie. Il y a du fellinien, du rabelaisien… Nul n’y est à une fourberie ou une contradiction près, nous ne sommes pas chez ceux qui pètent dans la soie le petit doigt levé. Ici, c’est avec les poings et le verbe haut que la vie se conjugue. C’est à peine exagéré, comme la vie de Brahim, c’est un vécu du feu de dieu, à moins que ce ne soit celui d’un djoun, et c’est donc aussi forcément marseillais.

    Un lexique à la fin permet de s’y retrouver dans les emprunts à la langue arabe et on apprend ainsi qu’Harraguas signifie littéralement « brûleurs de frontière » et désigne les jeunes émigrants qui rejoignent l’Europe clandestinement au péril de leur vie, et que les Hittistes, « teneurs de murs », sont de jeunes diplômés chômeurs qui passent la journée adossés à un mur. Massalia Blues à nous en faire rougir les tympans. Ça se lit avec le sourire, le souffle court et une certaine stupéfaction. Tant de gouaille sous la plume d’une jeune fille, ça ne s’invente pas, ça se vit et se transmet comme un bouton de fièvre. Âmes délicates s’abstenir, mais ce serait dommage.

     

    Cathy Garcia

     

    minna.jpgMinna est née en Corse, dans une famille originaire du Sud marocain. Elle vit à Marseille où elle anime des ateliers d’écriture dans les quartiers Nord. Son premier roman, Méchamment berbère (Ramsay, 1997), a été réédité chez J’ai Lu, dans la collection Nouvelle génération. Elle a également écrit des nouvelles publiées dans des revues (Gulliver, La Pensée de Midi…) et des ouvrages collectifs : Scandale (Chihab, 2010) et Une enfance Corse (Bleu autour/ Colonna 2010). Auteure associée au Théâtre de la Mer, dans le cadre de Marseille Capitale européenne de la Culture 2013, elle a participé au projet international « Foot(ing) Marseille » en animant de nombreux ateliers d’écriture à destination des jeunes et des adultes.

     

     

     

    Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/massilia-blues-minna-sif

    et reprise sur : 

    http://www.lesurbainsdeminuit.fr/coups-de-coeur-et-autres-coups?ac_id=1525#.UeaOrctOJMw 

    et

    http://zone-critique.com/2013/07/17/minna-sif-massalia-blues/

  • Horst P. Horst - Electric beauty 1939

     

     

    Horst P. Horst Electric beauty 1939.jpg

     

     

     

    Trafic compulsif de mégots, chaque surdose ouvre l’accès à une vidange.

    A cause des fuites de fissures, chaque égratignure est un tag stratégique.

     

    On risque la panne pour cause de grumeau dans la matière. Prendre la pose en ignorant la férocité des horaires, des objets lisses achetés en ligne et la puanteur colorante des somnifères qui s’affichent en pâtes de fruits. Des fantômes cauchemardesques taillent des pipes par poignées.

     

    Architecture de puces frénétiques en batteries urbaines, les ornières pleines de gaz et d’ordures.

    Toison et colifichets en vitrines, les aiguilleurs qui tripotent les trottoirs ont le catalogue élastique.

    Dans des alvéoles en cartons, dorment des reptiles enchaînés de 12 centimètres. Le béton dégueule de pancartes, de discours qui font pousser sur les balcons des émotions grasses.  Les silos biodégradables encombrent les agendas.

     

    Mais nous serons sauvés par les klaxons du culte, et nous suspendrons le moteur de nos crânes sur des cintres flasques. Nous entreposerons les cages hivernales, le gravier et les sondes dans les embrasures du métro. L’acide moribond au fond des casseroles, les panneaux compressés au fond des tiroirs. On posera un couvercle en skaï sur le millefeuille, consigné au bureau des décors accidentés. Le mot nucléaire sera liposucé car chacun sait que quand la passoire crépite, la tamponneuse de trachée.

     

    Pour les statistiques, les colliers des pèlerins funambules seront confisqués et les origamis hallucinatoires autorisés uniquement sur le périphérique de l’évier. Une ordonnance sera délivrée pour les urgences, selon l’indice de voracité.

     

    Pour les humiliations glauques, les charognes devront être sanglées dans les poubelles.

     

    Muni d’un dé, chaque échéance pourra conduire à la déchéance.

    Le nivellement de l’insolence se fait à hauteur de capot, sous peine d’être concassée à perpétuité.

     

     

    Cathy Garcia, 4 juillet 2013

     

     

     

  • Revue Kahel n°1, lue par Patrice Maltaverne

     

    b50c1567.jpg

     

    Karim Cornali, l'un des poètes publiés dans le poézine "Traction-brabant", a décidé de voler de ses propres ailes, si je puis dire, en créant sa propre revue, ce qui constitue une excellente nouvelle.

    Et voici donc que je découvre le premier numéro de "Kahel", revue sous-titrée "littéraire de voyage".

    Dans son édito, Karim Cornali explique pourquoi il a créé cette publication. Car si l'objet de la revue "Kahel" consiste à parler des voyages, c'est pour combler un manque.

    En effet, comme il l'explique, les magazines consacrés au voyage "omettent" de faire paraître des poèmes, et quand des récits sont publiés, il est davantage question de performance des baroudeurs que d'ambiance des pays traversés.

    Ainsi les textes ici présents, poèmes ou nouvelles, décrivent les sensations ressenties par le voyageur qui découvre un monde dans lequel il n'a pas l'habitude de vivre.

    Le plus souvent, ces sensations sont positives. Car il s'agit avant tout de s'imprégner d'une langue inconnue et d'un autre climat, notamment dans les pays chauds. Parfois aussi, le visiteur montre l'aspect délabré des pays traversés. Ou bien, il reste tout simplement chez lui, préférant voyager dans sa tête.

    Les textes que j'ai préférés dans ce premier numéro sont ceux de Pierre Lofoten, de Samantha Barendson, de Stéphanie Nivol, de Kevin Broda, de Karim Cornali himself, de Cathy Garcia et de Louis Bertholom, dont voici un court extrait :

     

    "La nuit je squatte l'esprit des équations angulaires

    aux architectures sacrées qui savent des énigmes,

    par-delà les voussures, je danse sur le dos des charpentes.

     

    Sur les épaules divines de la prétention des hommes

    mes yeux caressent un peu de l'âme des étoiles

    pendant que vents et pigeons fécondent les gargouilles.

     

    Dans l'ascension mystique la pénombre dilue l'horizon

    pointent les épées minérales de l'ardoise et de la gouttière

    m'aidant à fuir l'abîme des souterrains qui me sondent"

     

    Il ne me reste plus à présent qu'à souhaiter longue vie à "Kahel", (à laquelle vous pouvez vous abonner pour 12 €, le temps de recevoir 2 numéros) et à vous encourager à aller y voir de plus près sur http://kahelrevue.overblog.com/

     

     

    Note parue sur : http://poesiechroniquetamalle.centerblog.net/

  • Syngué Sabour - Pierre de patience d'Atiq Rahimi

    Syngué Sabour - Pierre de patience est l'adaptation du livre du même nom écrit par Atiq Rahimi en 2008 et lauréat du Prix Goncourt la même année. L'auteur adapte donc lui-même son ouvrage. A noter que le cinéaste en est à sa deuxième adaptation d'un de ses livres, puisqu'il avait déjà tourné Terre et cendres en 2003, adaptation de son roman sorti en 2000. Ce film a remporté le Prix Regard vers l'avenir dans la section Un certain regard au Festival de Cannes 2004.

     

    MAGNIFIQUE !!!