Marco Lorenzi - Jupiter Close to Opposition - 2023

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.





Encres d'Anne Gracia
PORTAPAROLE éd.
Collection Orfeo
10/05/2025
Une conférence à Berlin retrace poétiquement le déroulé d’une table ronde où un jeune professeur a emmené ses élèves. Le thème de la rencontre : l’avenir de l’univers. Les langues — celle des scientifiques et celle des élèves — ainsi que les perspectives oscillent. Deux univers tantôt se heurtent et tantôt se rejoignent, formant la trame de ce récit poétique où nul ne l’emporte au final que l’étonnement face à la beauté du monde.
"Le Soleil, commença-t-elle par nous rappeler, va s’éteindre, va démesurément gonfler, devenir une géante rouge, quelque chose d’immensément radieux."
J'avais eu le grand plaisir de publier des extraits de ce recueil dans le numéro 80 de la revue Nouveaux Délits (janvier 2025) :
(...)
il paraît
– toujours ce mot –
que des nuages bleus
il y a des milliards d’années
peuplaient le ciel de mars,
que la planète rouge
autrefois
connut la neige et la pluie,
que l’eau s’y trouvait en abondance,
assez
pour que la vie pût éclore.
tout de suite on se demande
pourquoi
mars aujourd’hui est si aride
dévastée
désolée
rouge
pourquoi ce globe
n’est plus qu’un grand désert
sillonné
par d’incessantes
tempêtes de poussières.
ma première pensée
naïve
profane
fut la suivante :
la lumière du soleil
devenant toujours plus
funèbre
menaçante
destructrice,
mars se brûla
à mesure que le soleil se réchauffait
mais les choses ne sont pas
aussi simples,
à proprement parler
le soleil ne se réchauffe pas
– n’en déplaise aux apparences,
ironise la conférencière –
quant à mars
elle est plus éloignée du soleil
que ne l’est
la terre,
ma théorie tombe donc à l’eau.
cet oubli est dû
au fait que mars est rouge
au fait que notre monde
assimile le rouge
au chaud
au feu
aux déserts.
en fait
mars est glacial
lorsqu’il fait nuit
en moyenne
-90 °C
-130 °F
pourtant sa terre est rouge.
il paraît que le soleil
tout de même
n’est pas si innocent,
que des vents solaires peu à peu
auraient dépouillé mars
de son atmosphère,
ouvrant la voie à une cascade
de catastrophes écologiques,
de dioxyde de carbone
d’azote et d’argon.
il paraît
– des scientifiques le prétendent –
qu’un champ magnétique
comme celui dont la terre peut aujourd’hui encore se targuer
eût suffi à mars
pour préserver ses eaux
ses nuages
ses neiges
pour sauvegarder
un peu de son oxygène.
il paraît surtout
que nous n’en savons rien,
que les scientifiques connaissant le mieux ces problèmes
sont aussi ceux
qui savent le mieux
la fragilité
de toutes ces hypothèses,
– les ravines martiennes
par exemple
ne seraient pas le vestige
d’une présence aquatique
mais les simples restes
de la sublimation
du dioxyde de carbone en hiver,
et ainsi de toute hypothèse.
il paraît que
etc. etc.
(...)
... et c'est une grande joie toujours de voir des écritures aimées trouver maison d'accueil. Une conférence à Berlin est un très beau et original recueil en plus d'être instructif et merci à Simon Degrave qui a pensé à y remercier la revue, petite attention qui touche en profondeur.
L'auteur : après des études en France, Simon Degrave a fini par emménager en Allemagne et y enseigne depuis la philosophie et le français. Passions : la poésie, les langues, le soleil et la neige.

et que la paix ...







Flammarion, avril 2025
http://cathygarcia.hautetfort.com/archive/2025/11/24/alain-mascaro-avant-que-le-monde-ne-se-referme-6571708.html) que j'ai voulu en tenter un autre, et me voilà très loin d'être déçue, le sujet m'enchante bien évidemment et cette saga inspirée des mythes et imaginaire islandais en reprenant les rituels comme le Seidr et en brodant une histoire sur plusieurs générations de femmes comme origine du livre des runes et rituels magiques, le Galdrabók (un vrai grimoire datant des années 1600), est d'abord un superbe hommage à la nature islandaise.
"J'ai vu couler les roches liquides comme une fonte de fer rouge sang, sang craché, sang épais, brûlant, presque noir à force d'être rouge."
Et c'est aussi un envoûtant et puissant récit écoféministe.
"Lorsque Tóuskott eut fini de forger le monde, il regarda tout ce qu'il avait créé : il y avait l'eau, l'air, le feu, la terre ; il y avait le jour et la nuit, il y avait l'homme, les arbres, les plantes, les champignons et tout ce qui vivait sur terre. Comment faire pour que tout s'accorde et s'équilibre ? Comment laisser assez de place à chacun ? Il se dit que plutôt que séparer, il fallait réunir. Il demanda donc de l'aide à Bredan la brodeuse qui tissa les destinées ensemble dans un entrelacs magnifiquement composé et coloré, fils d'or et fils d'argent, pourpre et lapis, de manière à ce que le fil de chacun croise au moins une fois le fil des autres. Ainsi, chacun était allié à tous et tous dépendait de chacun. Elle acheva son ouvrage en faisant des nœuds sous la trame de laine. Le dernier à nouer était celui de l'homme, l'animal le plus turbulent de tous. Bredan, qui s'était fatigué les yeux et les doigts à broder durant des heures, ne le serra sans doute pas assez. À la longue, le fil se dénoua et se défit de la trame. Depuis, l'homme n'est relié à rien, c'est pourquoi il s'arroge de tirer sur le fil des autres, de le couper et de détisser l'ouvrage de Tóuskott et Bredan. Quand il en aura fini, il ne restera qu'un tas de fils informe et un canevas vide."
*
"Ce qu'il fallait, c'était ne pas perdre le fil, rester lié à la trame, transmettre à quelques âmes choisies, en attendant le jour où, peut-être, les gens prendraient conscience de la vie qu'ils menaient, tellement déliée de la vérité du monde, de sa chair intime, que c'était au-delà de la solitude, une sorte de déréliction vertigineuse dont il serait bien difficile de sortir."