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FUSIONS POÉTIQUES - Page 25

  • Ester Vonplon

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    Parfois, j’ai des orgasmes de nature, qui m’ouvrent le cœur en deux comme une graine mûre. Je suis l’arbre, la mésange, la grenouille, le nuage, la pluie, l’orage, je pourrais dévaster un bureau de pôle emploi, en faire une jungle pleine de feuilles, de cris et de fouillis odorant. Où est la case poète ? S’il n’y a plus de place pour les arbres, les plantes, les oiseaux, les animaux, il n’y en a pas non plus pour les enfants, les mystiques et les poètes, tout ça c’est la même chose, tout ça est connecté directement à la source, la source vitale, la source de toute chose. Pur ressenti, pure perception, en résonance avec le monde des formes mais totale inadéquation avec celui des normes et des apparences. Il n’y a pas de mystère, tout est mystère et la normalité est une affreuse invention, réduction, supercherie.

     

    cg in Le livre des sensations

     

     

     

  • Auteur inconnu

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    Ne cherchez pas, l'enfer c'est ici. Les enfers, il y en a de toutes sortes, mais si on est là avec encore un minimum de dignité, ce n'est pas seulement pour se lamenter sans fin ou aboyer plus fort, c'est qu'il y a quelque chose à comprendre, des choses à faire, petites, toute petites, minuscules, ridicules, risibles, mais avec courage, avec du cœur.

     

    in (c)ourse bipolaire

     

     

     

     

     

  • Gao Xingjian

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    La rumeur insolente des transhumances s’estompe.

    Les amas de pierres expriment l’œuvre de l’oubli.

     

    Je marche encore.

     

    Il me faut grimper jusqu’au point d’ancrage. Déployer la corolle.

    Prendre refuge là où naissent les glaciers.

     

    cg n Fugitive, Cardère 2014

     

     

  • Tessa Horrocks

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    J’atteindrai le mot ultime. Le mot qui a vu le visage de la mort. En attendant ce jour, je polis mes cailloux, mes pacotilles.

     

    Vieilles mémoires à nettoyer, tiens Saturne, je te les offre. Prends ! Fais en des os, des pierres.

     

    Cailloux, galets, encore libres de droits, de brevet, j’entends vos chants.

     

    cg in Celle qui manque

     

     

     

  • Christian Schloe

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    Moi aussi, je fais partie du clan des Cicatrices et je ne puis être telle qu’on me souhaite, l’incohérence est naturelle, bien plus que l’ordre et la logique !

    Je suis un sacré bout de bonne femme ! Et chaque mot à son importance !

    Louve parmi les hommes, me reste à trouver ma place parmi les femmes… Que de mystères !

    Amoureuse ? Oui ! De ces choses insaisissables que sont le vent et le soleil, la lumière des étoiles, le parfum de la lune, l’eau, le feu et les chants qui montent au ciel !

    Les autres m’ont rendue méfiante mais ils m’ont également appris la sagesse. Parfois, c’est si facile de lire en eux que c’en est effrayant ! Des enfants, voilà la vérité, peu d’êtres humains ont quitté leur enfance ! Devenir « adulte » exige un courage que nous avons perdu ou oublié. Je n’en ai pas beaucoup de ce courage là mais j’ai l’avantage de pouvoir me déployer dans toutes les directions, je suis une antenne multipliée vers l’infini. J’ai mis un pied dans le monde d’en bas, celui qui se dissimule sous la croûte dorée des réalités superficielles, et jamais je ne pourrais oublier. Je n’ai pas d’autre choix que d’avancer là où le courant me porte, en tâchant de danser, de danser avec lui autant que je le peux !

     

    cg, in Journal 1998

     

     

     

     

  • Zeynep Beler - Andromeda

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    Mes yeux sont des miroirs en flammes, mon sexe un coquillage dans ta paume fraîche.

    Poumons, torse, seins, veines. Météores de désir aux frontières de chair. Écume de jasmin.

     

    Les dés sont jetés. Exil de la flèche en déroutante verticalité. Incision. Je décrypte le signe.

    La chair, la sève et le squelette des rêves. La substantielle énigme de verre.

     

    cg in Les mots allumettes, Cardère éd. 2012

     

     

     

     

     

  • Christian Guerder

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    Silence épinglé au ciel

    Boutons d'étoiles mal cousus

    Aux vestes des poucets

    Chuchotis de rivière

    Soupirs des fossés

    Libellules ensorcelées

    Par les folles herbes

     

    cg, in Au fond du tiroir, Livre d'artiste n°2, 2012

     

     

     

     

     

  • Selva

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    Selva

     

    Ombres pâles sous la lune, le petit groupe avance, en silence. En tête, l’Ancien, celui qui sait. La nuit aux yeux d’onça les observe, les couve de désir phosphorescent, de douceur oppressante. Ténèbres végétales gorgées de sucs et de venins. Les transes stridentes des insectes s’élèvent, s’apaisent. Pulsations, ondulations, symphonies d’un autre monde. Océan de cuirasses, carapaces, antennes, crocs, mandibules, pattes, mâchoires. Copulation. Mutilation. Vie et mort s’entredévorent.

     

    Les hommes marchent. Des traits rouge vif marquent leurs pommettes saillantes. Colliers, perles d’os, flûte gravée, calebasses remplie de feuilles, graines, poudres, pierres secrètes. Les hommes marchent vers le monde des morts. Bientôt leur terre ne sera plus. Atteinte depuis trop longtemps d’une étrange maladie, elle rétrécit et personne ne sait comment la guérir, pas même celui qui sait, l’Ancien.

     

    Une étrange maladie et bien d’autres fléaux aux mains d’un envahisseur blanc, cruel, avide, au pouvoir venimeux. L’Ancien ne peut que s’incliner ; les Esprits semblent avoir rétréci avec son monde. Il ne les entend plus. Fouillés, prospectés, clôturés, abattus, démembrés, brûlés, souillés, massacrés, les Esprits ne parlent plus.

     

    L’Ancien pourtant continue à marcher. Solide. D’autres le suivent. Ombres de plus en plus pâles sous la lune rouge. Et des ténèbres vers la voûte lactée, monte la plainte de la Mère qui pleure.

     

    cg in Sursis (à tire d'ailes 2017)

    Collage originale du même nom

     

     

     

  • Mes fous chez Voix Dissonantes

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    texte cathy garcia  / jérôme bosch  L’excision de la pierre de folie  1494

     

     

    Il existe sur cette terre un peuple dont on ne parle jamais mais ils se reconnaissent entre eux ; ils s’aiment ou se haïssent mais surtout sans cesse, ils se renvoient la même question, la seule à leurs yeux qui mérite d’être posée. Ils cherchent, cherchent sans répit, sinon quelques plages de mensonges et certaines formes d’oubli. Cette question murmurée, implorée, chantée, hurlée, ils s’en frappent la tête. Ils s’en mettent le cœur à vif. Ils la boivent tel un vin rare, se saoulent et se régénèrent, la perdent pour mieux la retrouver jusqu’au bout des nuits blanches, des journées sans soleil. Ils la décortiquent, l’aspirent, la crachent et l’offrent parfois sans calcul comme un bouquet de fleurs à une âme de passage.

     

    Certains disent qu’ils sont fous. Et alors ?

     

    Il en faut des fous pour exorciser nos démons, pour donner corps à nos monstres et nous permettre de dormir en paix ! Il en faut des fous pour se mettre à nu et se poignarder avec tous nos pieux mensonges ! Il en faut des fous pour se lancer dans ce vide que nous n’affrontons pas même du regard. Il en faut des fous pour aller décrocher les étoiles qui brillent derrière nos paupières cousues.

     

     

    Il en faut des fous pour accoucher le monde !

     

    Fous ! Les fous battent la campagne et la breloque !

    Fous ! désaxés ! détraqués ! dérangés !

    Siphonnés, piqués, cinglés, timbrés, cintrés!

    Mabouls, marteaux ! Toqués, tapés ! Tordus, toc-toc,

    Cinoques, louftingues, dingues loufoques !

     

    Z’ont perdu la raison,

    La boule et la boussole,

    Une araignée au plafond,

    Mais qu’importe Monsieur,

    Les fous travaillent et pas qu’un peu

    Les fous travaillent du chapeau !

     

    Les fourres tout

    Les foutrement gais

    Les inspirés

    Chercheurs de vérité

    Fous téméraires

    Et foutu bordel !

     

    Les fous à lier

    Les fous de liberté

    Les fous d’amour

    Les fous de bonheur

    Les fous de joie

    Les fous de rire

    Les fous des bois

    Fous de toi

    Et fous au galop

    Les fous échappés du jeu de tarot

    Les fous en marche

    Sur l’échiquier

     

    Il y a aussi les foutez-moi la paix

    Les foutez-vous de ma gueule

    Et tous ces fous qui en veulent

    Il y a les vieux fous sans lendemain

    Les fous qui combattent les moulins

     

     

    Les fous parlent à leur chien

    Les fous respectent la terre

    Les fous donnent tout

    Les fous ne mentent pas

    Les fous flânent en chemin

    Nourrissent les oiseaux

    Les fous pleurent

    La mort d’une fleur

    Les fous se rient des frontières

    Les fous traversent les déserts

    Gravissent les montagnes

    Franchissent les mers

    À la nage ou à la rame

    Les fous disent paix et tolérance

    Brûlent leur carte d’identité

    Pour être sans-papier

    Refusent de s’alimenter

    Parce que d’autres sont affamés

    Les fous ne ferment jamais leur porte à clé

     

    Les fous vivent dans les arbres

    Les fous sèment des jardins

    Les fous se couchent au sol

    Devant les tanks les bulldozers

    Il y a des fous qui aiment tellement les animaux qu’ils ne les mangent pas

    Il y a les fous qui balaient devant leurs pas

    pour ne pas écraser les fourmis

    Les fous parlent d’amour quand on leur fait la guerre

    Les fous pardonnent à leurs tortionnaires

    Les fous luttent, résistent, inventent

    Aiment et cultivent la différence

     

    Les fous vivent leurs idéaux

    Les fous crachent des poèmes

    Sur les façades des cités

    Les fous refusent télé, supermarchés

    Refusent d’être vaccinés, pucés

    S’entêtent à ne pas se résigner

     

    Les fous un jour partent

    Sans se retourner

    Les fous voyagent à pied

    À dos d’ânes, en roulottes

    Il y a des fous qui vont dans une grotte

    Méditer pendant des années

    Il y a des fous qui peuvent

    Se passer d’électricité

    Les fous font de leurs rêves une réalité

    Les fous s’aiment malgré tout

    Les fous refusent le garde à vous

    Les fous croient en la justice

    Et pensent pouvoir changer le monde

     

    Mais les fous craignent les fous

    Les fous vraiment malades

    Les fous nocifs, les fous dangereux

    Les foutez-les dehors

    Les fous qui veulent rester entre eux

    Les fous offensifs

    Führers et fous sanguinaires

    Des fous pervers

    Fous du violent

    Foudre de guerre

    Fous psychopathes

    Et fous de la gâchette

    Des fous furieux

    Des fous maniaques

    Des fous avides

    Des fouilles-merde

    Des fous stupides

    Fous des grandeurs

    Fous persécuteurs

    Fous délirants

    Fous paranoïaques

    Et fous de la matraque

    Des fous forcenés

    Fous d’odieux

    Des fous banquiers

    Fous scientifiques

    Fous fanatiques

    Des fous déguisés en flic

    Fous de fric de pouvoir

    Des fous politicards

    Fous qui veulent tout diriger

    Fous qui veulent tout acheter

    Y’a pas pire fous que ceux-là.

    Fous qui pensent qu’ils n’en sont pas

     

    Et qui proclament :

     

    Est fou celui qui ne pense pas comme nous…

    Est fou celui qui n’est pas comme nous…

     

    Et ils enferment, détruisent, asservissent et assassinent.

     

    Monde foutu par ceux-là ?

    Planète foutue par ces fous ci ?

     

    Plutôt fou-rire !

     

     cg, in Follement autre

     

     

    Source et merci à :

    http://voixdissonante.eklablog.com/dans-les-textes-les-fous-a203062156

     

     

     

  • Trois profondes entailles, en partie créées par l’homme, entourées de deux chevaux - Paléolithique supérieur - Forêt de Fontainebleau

     

    Emilie Lesvignes trois profondes entailles, en partie créées par l’homme paléolithique supérieur, entourées de deux chevaux Forêt de Fontainebleau. s.jpg

    photo : Émilie Lesvignes 

     

     

    RÉSURGENCE 

     

    Je suis la Truie dit-elle

    et la Lionne.

    Mon jardin fut des plus fertiles,

    ma fontaine des plus sacrées.

    Je contiens tous les âges,

    le temps devant moi

    docilement s’inclinait.

     

    Ils sont venus

    en mon ventre

    arracher le soleil.

    Ils m’ont liée à la lune,

    jetée à la nuit

    mais jamais lumière

    ne fut plus blanche

    qu’entre mes cuisses

     

    Toi le frère, le fils, le père

    et l’Ancien qui a trahi,

    tu te dresses en conquérant

    sur des ruines et des cendres.

    Tu invoques l’amour

    glaive à la main,

    des fusils des roquettes,

    innombrables phallus

    de destruction.

     

    Tu n’as jamais été pourtant

    aussi impuissant,

    homme émasculé du sens,

    depuis que les déesses de l’amour

    tu as maudites.

     

    Innana, Ishtar, Astarté

    Brûlés le fruit le jardin

    Symboles de ta perdition

     

    Tu as réduit les mères nourricières

    au rang de putains de l’agro-industrie,

    tu leur a mis le joug

    de tes folies mécanistes.

     

    Cérès Déméter pleurent sans fin,

    quelle que soit la saison,

    Perséphone ne quitte plus les enfers.

    La vulve de Gaïa est sèche,

    ses seins sont crevés,

    ses veines lourdes et souillées.

     

    La vérité n’est plus voilée,

    elle est violée sans répit

    mais tu as beau pilonner homme

    je reste l’Inviolable

    et la Vierge éternelle

     

    « car je suis la première et la dernière.

    Je suis l’honorée et la méprisée.

    Je suis la prostituée et la sainte.

    (…)

    Ayez du respect pour moi.

    Je suis la scandaleuse et la Magnifique. » *

     

     

    in Salines, 2007

     

     * transcrit de papyrus gnostiques traduits en copte au IIIe ou Ive siècle,

    découvert vers 1945 à Nag’ Hammâdi, en Haute-Egypte