Auteur anonyme - Le Splendor Solis - Traité alchimique manuscrit allemand - 1582
Fleur parmi les fleurs
se tourner ouverte
vers la lumière
dans la brèche
laisser couler le miel
l'âme est une abeille
cg in Des volcans sur la lune
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Fleur parmi les fleurs
se tourner ouverte
vers la lumière
dans la brèche
laisser couler le miel
l'âme est une abeille
cg in Des volcans sur la lune
Silence épinglé au ciel
Boutons d'étoiles mal cousus
Aux vestes des poucets
Chuchotis de rivière
Soupirs des fossés
Libellules ensorcelées
Par les folles herbes
cg, in Au fond du tiroir, Livre d'artiste n°2, 2012
Selva
Ombres pâles sous la lune, le petit groupe avance, en silence. En tête, l’Ancien, celui qui sait. La nuit aux yeux d’onça les observe, les couve de désir phosphorescent, de douceur oppressante. Ténèbres végétales gorgées de sucs et de venins. Les transes stridentes des insectes s’élèvent, s’apaisent. Pulsations, ondulations, symphonies d’un autre monde. Océan de cuirasses, carapaces, antennes, crocs, mandibules, pattes, mâchoires. Copulation. Mutilation. Vie et mort s’entredévorent.
Les hommes marchent. Des traits rouge vif marquent leurs pommettes saillantes. Colliers, perles d’os, flûte gravée, calebasses remplie de feuilles, graines, poudres, pierres secrètes. Les hommes marchent vers le monde des morts. Bientôt leur terre ne sera plus. Atteinte depuis trop longtemps d’une étrange maladie, elle rétrécit et personne ne sait comment la guérir, pas même celui qui sait, l’Ancien.
Une étrange maladie et bien d’autres fléaux aux mains d’un envahisseur blanc, cruel, avide, au pouvoir venimeux. L’Ancien ne peut que s’incliner ; les Esprits semblent avoir rétréci avec son monde. Il ne les entend plus. Fouillés, prospectés, clôturés, abattus, démembrés, brûlés, souillés, massacrés, les Esprits ne parlent plus.
L’Ancien pourtant continue à marcher. Solide. D’autres le suivent. Ombres de plus en plus pâles sous la lune rouge. Et des ténèbres vers la voûte lactée, monte la plainte de la Mère qui pleure.
cg in Sursis (à tire d'ailes 2017)
Collage originale du même nom
texte cathy garcia / jérôme bosch L’excision de la pierre de folie 1494
Il existe sur cette terre un peuple dont on ne parle jamais mais ils se reconnaissent entre eux ; ils s’aiment ou se haïssent mais surtout sans cesse, ils se renvoient la même question, la seule à leurs yeux qui mérite d’être posée. Ils cherchent, cherchent sans répit, sinon quelques plages de mensonges et certaines formes d’oubli. Cette question murmurée, implorée, chantée, hurlée, ils s’en frappent la tête. Ils s’en mettent le cœur à vif. Ils la boivent tel un vin rare, se saoulent et se régénèrent, la perdent pour mieux la retrouver jusqu’au bout des nuits blanches, des journées sans soleil. Ils la décortiquent, l’aspirent, la crachent et l’offrent parfois sans calcul comme un bouquet de fleurs à une âme de passage.
Certains disent qu’ils sont fous. Et alors ?
Il en faut des fous pour exorciser nos démons, pour donner corps à nos monstres et nous permettre de dormir en paix ! Il en faut des fous pour se mettre à nu et se poignarder avec tous nos pieux mensonges ! Il en faut des fous pour se lancer dans ce vide que nous n’affrontons pas même du regard. Il en faut des fous pour aller décrocher les étoiles qui brillent derrière nos paupières cousues.
Il en faut des fous pour accoucher le monde !
Fous ! Les fous battent la campagne et la breloque !
Fous ! désaxés ! détraqués ! dérangés !
Siphonnés, piqués, cinglés, timbrés, cintrés!
Mabouls, marteaux ! Toqués, tapés ! Tordus, toc-toc,
Cinoques, louftingues, dingues loufoques !
Z’ont perdu la raison,
La boule et la boussole,
Une araignée au plafond,
Mais qu’importe Monsieur,
Les fous travaillent et pas qu’un peu
Les fous travaillent du chapeau !
Les fourres tout
Les foutrement gais
Les inspirés
Chercheurs de vérité
Fous téméraires
Et foutu bordel !
Les fous à lier
Les fous de liberté
Les fous d’amour
Les fous de bonheur
Les fous de joie
Les fous de rire
Les fous des bois
Fous de toi
Et fous au galop
Les fous échappés du jeu de tarot
Les fous en marche
Sur l’échiquier
Il y a aussi les foutez-moi la paix
Les foutez-vous de ma gueule
Et tous ces fous qui en veulent
Il y a les vieux fous sans lendemain
Les fous qui combattent les moulins
Les fous parlent à leur chien
Les fous respectent la terre
Les fous donnent tout
Les fous ne mentent pas
Les fous flânent en chemin
Nourrissent les oiseaux
Les fous pleurent
La mort d’une fleur
Les fous se rient des frontières
Les fous traversent les déserts
Gravissent les montagnes
Franchissent les mers
À la nage ou à la rame
Les fous disent paix et tolérance
Brûlent leur carte d’identité
Pour être sans-papier
Refusent de s’alimenter
Parce que d’autres sont affamés
Les fous ne ferment jamais leur porte à clé
Les fous vivent dans les arbres
Les fous sèment des jardins
Les fous se couchent au sol
Devant les tanks les bulldozers
Il y a des fous qui aiment tellement les animaux qu’ils ne les mangent pas
Il y a les fous qui balaient devant leurs pas
pour ne pas écraser les fourmis
Les fous parlent d’amour quand on leur fait la guerre
Les fous pardonnent à leurs tortionnaires
Les fous luttent, résistent, inventent
Aiment et cultivent la différence
Les fous vivent leurs idéaux
Les fous crachent des poèmes
Sur les façades des cités
Les fous refusent télé, supermarchés
Refusent d’être vaccinés, pucés
S’entêtent à ne pas se résigner
Les fous un jour partent
Sans se retourner
Les fous voyagent à pied
À dos d’ânes, en roulottes
Il y a des fous qui vont dans une grotte
Méditer pendant des années
Il y a des fous qui peuvent
Se passer d’électricité
Les fous font de leurs rêves une réalité
Les fous s’aiment malgré tout
Les fous refusent le garde à vous
Les fous croient en la justice
Et pensent pouvoir changer le monde
Mais les fous craignent les fous
Les fous vraiment malades
Les fous nocifs, les fous dangereux
Les foutez-les dehors
Les fous qui veulent rester entre eux
Les fous offensifs
Führers et fous sanguinaires
Des fous pervers
Fous du violent
Foudre de guerre
Fous psychopathes
Et fous de la gâchette
Des fous furieux
Des fous maniaques
Des fous avides
Des fouilles-merde
Des fous stupides
Fous des grandeurs
Fous persécuteurs
Fous délirants
Fous paranoïaques
Et fous de la matraque
Des fous forcenés
Fous d’odieux
Des fous banquiers
Fous scientifiques
Fous fanatiques
Des fous déguisés en flic
Fous de fric de pouvoir
Des fous politicards
Fous qui veulent tout diriger
Fous qui veulent tout acheter
Y’a pas pire fous que ceux-là.
Fous qui pensent qu’ils n’en sont pas
Et qui proclament :
Est fou celui qui ne pense pas comme nous…
Est fou celui qui n’est pas comme nous…
Et ils enferment, détruisent, asservissent et assassinent.
Monde foutu par ceux-là ?
Planète foutue par ces fous ci ?
Plutôt fou-rire !
cg, in Follement autre
Source et merci à :
http://voixdissonante.eklablog.com/dans-les-textes-les-fous-a203062156
photo : Émilie Lesvignes
RÉSURGENCE
Je suis la Truie dit-elle
et la Lionne.
Mon jardin fut des plus fertiles,
ma fontaine des plus sacrées.
Je contiens tous les âges,
le temps devant moi
docilement s’inclinait.
Ils sont venus
en mon ventre
arracher le soleil.
Ils m’ont liée à la lune,
jetée à la nuit
mais jamais lumière
ne fut plus blanche
qu’entre mes cuisses
Toi le frère, le fils, le père
et l’Ancien qui a trahi,
tu te dresses en conquérant
sur des ruines et des cendres.
Tu invoques l’amour
glaive à la main,
des fusils des roquettes,
innombrables phallus
de destruction.
Tu n’as jamais été pourtant
aussi impuissant,
homme émasculé du sens,
depuis que les déesses de l’amour
tu as maudites.
Innana, Ishtar, Astarté
Brûlés le fruit le jardin
Symboles de ta perdition
Tu as réduit les mères nourricières
au rang de putains de l’agro-industrie,
tu leur a mis le joug
de tes folies mécanistes.
Cérès Déméter pleurent sans fin,
quelle que soit la saison,
Perséphone ne quitte plus les enfers.
La vulve de Gaïa est sèche,
ses seins sont crevés,
ses veines lourdes et souillées.
La vérité n’est plus voilée,
elle est violée sans répit
mais tu as beau pilonner homme
je reste l’Inviolable
et la Vierge éternelle
« car je suis la première et la dernière.
Je suis l’honorée et la méprisée.
Je suis la prostituée et la sainte.
(…)
Ayez du respect pour moi.
Je suis la scandaleuse et la Magnifique. » *
in Salines, 2007
* transcrit de papyrus gnostiques traduits en copte au IIIe ou Ive siècle,
découvert vers 1945 à Nag’ Hammâdi, en Haute-Egypte
L’aube originelle se fraye un chemin au travers les ténèbres contractées, elle en émerge enfin, écorchée, écarlate. La pluie se mêle à la lumière. Noces sanguines pour baigner la nouvelle-née. Une flûte insolente marque le début d'une danse. La nuit grouillante de cauchemars est refoulée à l’angle de l’oubli. Les fleurs ont remplacé la boue, c'est la naissance de l'amour !
cg in Calepins voyageurs et après ?
le pli de ses rêves échoués
au bout d’une jetée blanchie
profondeurs façonnées
de peau et d’âme
sous leurs draps de ciel
éclaboussés
cg in Le baume, le pire et la quintessence
Bâtir sa vie sur des chimères…
Je n’ai aimé que le rêve, à la folie.
in (c)ourse bipolaire
photo©Cédrick Hoffmann
L'homme du solaire et la femme du lunaire (si ce n'est par tempérament, au moins par l'éducation encore, quoiqu'en en dise, la plus généralement en vigueur). La femme tend vers le solaire (car sa nature profonde est solaire) et cela peut passer par la phase Lilith, la lunaire révoltée et donc pas encore libre puisqu'en réaction, en colère, et l'homme lui devra passer par le lunaire soumis pour devenir un lunaire évolué, à terme cela donne deux androgynes ultra évolués, complets.
Je suis restée longtemps bloquée entre la lunaire hypersensible et la lunaire révoltée et là je tends je crois, j'espère, vers la solaire. L'énergie masculine de la femme solaire, l'Animus, est mise au service de l'expression de ses qualités féminines, elle ose enfin être elle-même, douce et forte à la fois, sans contradiction. La femme solaire est une femme spirituelle branchée sur le cœur rayonnant, les pieds bien ancrés à la Terre où elle prend Source.
Les femmes lunaires révoltées attirent les lunaires soumis qui retrouvent en elles la mère inaccessible et dominante. Soit ils tentent de les dominer et c'est le conflit interminable, soient ils acceptent la transition : vivre leur faiblesse, accepter d'être ce qui n'est pas conforme à l'image de l'homme exigée par la société, rencontrer et accepter jusqu'au bout la part féminine qui est en eux : l'Anima. Le danger alors est de ne plus arriver à sortir de ça, afin de pouvoir passer au lunaire évolué et donc à l'androgyne accompli, car la société est impitoyable avec ces hommes sensibles qui paraissent faibles, fragiles, passifs, et les femmes aussi, surtout si ce sont des femmes lunaires révoltées, bloquées sur leur colère, parce qu'elles les détruisent en les voulant à la fois soumis pour ne pas être soumises, tout en ne supportant pas leur faiblesse. Alors qu'une femme solaire évoluée va accompagner l'homme dans cette traversée jusqu'à ce qu'il puisse renouer paisiblement avec sa force masculine et devenir ainsi un homme vraiment lumineux, en qui s'unissent harmonieusement part masculine et féminine. L'homme spirituel, fort et doux à la fois et donc l'action devient alors extrêmement féconde.
Voilà la voie qui nous est indiquée depuis les débuts de l'humanité, autant pour les individus que pour les sociétés.
cg, vers 2007
nous invoquerons
le serpent sorcier
son sillage envoûtant
sur les parois des canyons
des torches entre les paumes
pour éclairer ses entrailles
poudre de suif baroque
le frisson sur la nuque
et des visions dans le ventre
nous poursuivrons le vertige
entre les cendres du rêve
cg in Aujourd'hui est habitable, Cardère 2018
HORIZONS INTÉRIEURS
Il y a des mots qui plaisent.
Chamane, homme chat ?
Un esprit qui sommeille
tout au fond de moi
Toucher à la source même
des miroirs
et ne pas se méprendre
sur le sens du mot
« Pouvoir ».
Dans le sang ça se traîne
et ça nous parle.
Tout se rejoint au centre
du pain ou du divin
c'est la même chose
J'y ai mis les doigts
Pourquoi moi ?
Nous savons tout
depuis le commencement.
Enfants magiques
nous avons oublié
perdu les clés
mais elles sont là
juste sous notre nez
Il n'y a qu'à tendre la main
Faire résonner la corde humaine
La juste note
Laisser le souffle
Chevaucher.
1996
Le chant de La Vieille
corps tordu
incendie
calcinée
je suis
soumise
tel fut mon satori
ma beauté demeure
hors de ta portée
vie et mort
j’ai la connaissance
des profondeurs
c’est pour cela
que le serpent m’a aimée
toutes les bêtes
m’ont apprivoisée
pattes griffes
plumes toisons
ma flèche touche au cœur
tout prédateur nommé homme
je règne animale
sur toute la création
j’ai initié bien des peuples
qui m’ont nommée lunaire
de la génisse à la brebis
pour m’asservir
nombre de lois
ont été dictées
mais joug après joug
je demeure l’indomptée.
je parle la langue des oiseaux
qui lisent dans mon cœur
les mauvais augures
ne portent pas de plumes
mais des bâtons cracheurs de feu
des couteaux et des bombes
au commencement des temps
j’étais déjà penchée
sur le berceau de l’humanité
en moi était contenue
l’empreinte de toute forme
et la mémoire des abysses
ma puissance est immense
je suis la porte des mondes
je suis le cobra
prends garde humain
si tu ne respectes pas l’équilibre
tu seras balayé pulvérisé
à genoux homme
ferme les yeux
ouvre ton cœur
ton sexe est sacré
l’as-tu donc oublié ?
allez viens danser avec moi
sens-tu sous tes pieds
le frisson des racines ?
sens-tu le rythme du vent
les tourbillons de la sève ?
viens danser avec moi
viens sentir l’étreinte
et la lune dans nos veines
je connais les partitions du frisson
et les passes secrètes
qui font du plaisir
un art sacré
je connais les paysages intérieurs
des quêtes et des illuminations
vers le nord hypothétique
je vois au loin sur les plaines
la lente pérégrination des hommes
pour se connaître
il leur faut pénétrer la terre
ériger des totems
pour ensemencer les cieux
mais ils se trompent
et n’encensent
que faux dieux.
pour me connaître
qu’ils suivent la piste
féline.
ils pourront me trouver aussi
nue et lisse au creux des pierres
s’ils posent leur oreille
contre les os de la terre
ils entendront battre
mon cœur
je suis l’innocence faite chair
mais ne te laisse pas bercer
par la douceur de mes courbes
une part de moi ne dort jamais
sous le regard de l’éveillée
tu es nu comme un nouveau né
mystère et magie
art des saltimbanques
depuis le début des temps
j’accompagne les nomades
car mon nom est mouvement
je suis la première et la dernière
sœur amante mère épouse
je suis toutes en une
et une en toutes
je suis la voie du cœur
la voix enchanteresse
j’ai pouvoir de vie et de mort
tant de fois j’ai enfanté les ténèbres
huilé la nuit de mon corps
je suis le serpent primordial
qui enlacera le monde
après tant de siècles à m’humilier
comprendras-tu enfin ?
cg, 2009
in Universelle
en ces lieux pour des siècles
je serai ton puits d’intuitions
ton estuaire de nuit
l’empreinte de ton archet
combe échancrure
fêlures effluves
que la pluie vienne
que la pluie nous lave
de toute nostalgie
in Des volcans sur la lune
Thébaïde
Elle est entrée en silence comme dans un bain d’huiles, quand les parfums se font médecine. Elle est entrée en silence et n’en est plus ressortie. Certains disent qu’elle s’est noyée, d’autres — mauvaises langues —, que le bain a refroidi. Tout cela est faux. Elle est entrée en silence et elle y a découvert un vaste univers, nul besoin de revenir puisque elle n’est même pas partie. Elle est simplement entrée. Entrée en silence. Les pieds léchés par les vagues, la place immense où il ne fait jamais nuit, pas plus que jour d’ailleurs, il y fait seulement un léger, un merveilleux, un dense silence. Elle y est entrée comme on entre dans son lit, comme on glisse en soi. Elle n’est pas partie. Elle est là, minuscule et immense, en silence.
cg in Le baume, le pire et la quintessence