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FUSIONS POÉTIQUES - Page 29

  • Isaak Ilich Levitan

    Isaak Ilich Levitan.jpg

     

    ARBRE

     

     

    J’aime ta présence lénitive

    le chant des multitudes que tu abrites

    cette tendre complicité du bois et de la plume

    j’aime la sensualité de tes étirements

    les lignes de ta silhouette

    — fût et veines —

    quand elle puise à l’encre de la nuit

    j’aime la mélopée de la sève

    ce chant de l’eau

    sous ta peau de pachyderme

    j’aime ton étreinte avec le ciel

    les bijoux que t’offre la pluie

    j’aime la grâce du vent

    dans tes branches les plus fines

    j’aime ton si plein silence

    laisser mon cœur battre contre le tien

    j’aime cette danse pulsée d’humus et de mousse

    j’aime ta force tranquille ta folie des hauteurs

    j’aime le charnel de tes racines

    leurs galaxies symbiotiques

    j’aime ce pacte d’alliance

    ta complicité avec les profondeurs

    arbre je t’aime

     

    cg, 2006

    in Je l'aime nature

     

     

     

     

  • Isabel Quintanilla - Vaso - 1969

    Isabel Quintanilla. Vaso 1969.jpg

     

    Je baigne vos corps

    Nourrit vos cellules

    Vous délivre de la crasse

    Et de la maladie

    Mais vous

    Que faites-vous pour moi ?

    Je suis souillée

    Partout où je passe

    Certains m’usent pour leurs crottes

    Et leurs urines

    Me gardent jalousement

    Dans leur piscine

    Alors que tant d’autres ailleurs

    Meurent de mon absence

    De mes salissures

     

    Vous ratissez mes flancs

    Raclez mes os

    Massacrez toutes mes créatures

    Alors mon message de vie

    Devient un message de mort

    Jusque dans votre propre corps

    Car chacune de mes gouttes

    Parle à toutes les autres gouttes

    Elles savent les sons

    Et elles savent les mots

    Elles savent le chaos de la haine

    Le cristal de l’amour

     

    Cosmique

    Fœtale

    Lustrale

    Sève de la Terre

    Souterraine

    Céleste

    Je suis la vive

    La vie

    la vivante

    Je suis l’Eau.

    Cosmique

    Fœtale

    Lustrale

    Sève de la Terre

    Souterraine

    Céleste

    Je suis la vive

    La vie

    la vivante

    Je suis l’Eau.

     

    in Je suis l'eau, Livr'art Evazine 2012

     

     

     

     

     

     

  • Justus Juncker - L'alchimiste

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    Quand le mental trouve à foison de la nourriture à broyer, de la bien noire, il ne s’en prive pas, à croire qu’il aime ça le goinfre ! Il en fait de la belle pâte, bien lourde, qui obstrue toute la lumière ou bien il la distille pour en tirer du venin pour le cœur. Une seule solution alors : le virer de la cuisine ! Allez, ouste, du balai ! Ouvrir grand toutes les fenêtres, fermer le gaz et laisser l’air et le silence emplir tout l’espace.

     

    in Le livre des sensations

     

     

     

     

  • Alfred Wierusz-Kowalski

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    Pluie de cœurs en torches. Moisson brûlante de coquelicots.

     

    Je marche, je cours, je suis la sorcière parfumée d’épices.

    Voyez les déluges rougissant entre mes seins d’ambre.

     

    Je cours et je danse.

     

    cg in Fugitive, Cardère 2014

     

     

     

  • Carmen Spitznagel

    Carmen Spitznagel .jpg

     

    Apprendre à tisser des toiles, à capter la rosée. Manger l’herbe neuve.

    Faire de sa vie un art d’aimer. Ma solitude est hors d’usage.

     

    Je suis humus, humaine.

     

    Quelle est ma graine ? Ma fleur, mon arbre, mon fruit ?

    Qu’est ce qui en moi n’est pas fumier mais graine ?

     

    Comment cultiver mes jachères, me respecter ? 

     

    Je crois savoir, saisir parfois, mais le savoir ne vaut rien pour lui seul. Terre stérile.

     

     

    cg, in Celle qui manque, à tire d'ailes 2019 (rééd.)

     

     

     

  • Matthieu Delaunay - Enfants des rues de Manille

     

    Matthieu Delaunay.jpg

    Inégalités extrêmes, dégueulasses ! Je pense à Sao Paulo, à Rio. Les gens dorment partout, n’importe où, des jeunes, des vieux, des familles, des bébés… La misère et son escorte : saleté, maladies, détresse, violence, prostitution… Injustifiable ! Ici, donner devient une obsession. Ce que je peux, ce que j’ai, de l’argent, de la nourriture, une main, un sourire, ce que nous sommes venus faire ici, avec nos rêves et nos histoires. Une fois de plus l’injustice me bouleverse, ne me laisse pas en paix. Donner, ne serait ce qu'un regard, faire ce geste vers l'autre, car il est un peu de moi et je suis un peu de lui et j’emmerde ceux qui me prennent pour une apprentie-Teresa, malgré que je ne puisse pas leur en vouloir. Il y a eu un soir ce môme, à qui il manquait une jambe, un enfant mutilé comme il y en a tant. Ce gamin pourtant était plus entier que moi ! Je lui ai donné un sachet de riz encore chaud, les restes de notre repas dans un bon restau indien… et il m’a offert une danse de joie, une danse si spontanée et un sourire si radieux que ça m’a fauché, je ne le méritais pas.

     

    cg, Manille, juin 1999

    in Calepins voyageurs et après ?