Quatre lettres d’amour de Niall Williams
traduit de l’anglais (Irlande) par Josée Kamoun
éditions Héloïse d’Ormesson, à paraître le 25 janvier 2018

395 pages, 20 €.
Dans ce roman, qui fut le premier pour l’auteur de théâtre Niall Williams, l’écriture est remarquable, un très beau travail de création littéraire, très inventif, très poétique, les mots sont comme une pâte à pétrir chaude sous la plume de l’auteur et la traduction le rend sans doute admirablement bien, mais aurait-on perdu quelque chose dans ce passage entre les deux langues ? Car il y a tellement d’évanescence dans ce roman malgré une intense dramaturgie, comme un paysage de brumes permanentes qui entourerait les personnages et leur vie. Cela aurait-il à voir avec une particularité du climat irlandais ou bien l’auteur nous aurait-il à notre insu fait pénétrer dans une sorte de grand tableau mouvant et évoluant ? C’est difficile à expliquer en tout cas. Le lecteur lit, imagine, mais il y a comme une distance avec le ressenti. Il y a une profusion de détails pourtant, la mécanique des personnages est précise, il y a oui quelque chose de l’horlogerie, la grande horlogerie divine et d’ailleurs le questionnement sur la place du hasard ou de Dieu dans la destinée des uns et des autres, est au centre de la narration qui prend ainsi une évidente dimension métaphysique.
Il y a un chapitre, mais ce n’est pas le dernier donc on ne peut pas parler de crescendo, dans lequel l’émotion afflue d’un coup comme une grande marée, comme si le soleil avait enfin percé la brume, que la pâte avait levé de façon exceptionnelle, mais l’auteur n’a usé d’aucuns artifices pour faire advenir le miracle, juste le temps qui travaille et ce qui devait être s’est mis en place. Le lecteur lui-même ressent là très fortement ce soulagement, mais après une telle l’intensité, la suite qui s‘étire de nouveau en longueur peut provoquer une sorte d’anesthésie émotionnelle et le lecteur peut regretter de ne pas avoir quitté le livre au moment le plus fort, quand les matins sont lustrés et brillants et que la mer frissonne comme une fièvre. Mais ici, comme dans la vraie vie, le fil n’est pas censé s'arrêter au moment le plus intense.
Le titre lui-même nous égare un peu car il faut attendre quasiment la fin pour le comprendre. D’ailleurs, que le livre soit divisé en sept parties, n’est peut–être pas un hasard, surtout que la sixième tient sur une seule page. Il faudra d’abord suivre l’histoire de deux enfants, deux familles. L’une à Dublin et c’est le fils, Nicholas Coughlan, qui sera le narrateur des enchainements tragiques qui vont bouleverser son enfance à partir du moment où son père quittera son travail, déclarant que Dieu lui a demandé de se consacrer entièrement à la peinture.
« Il n’y a pas de hasard dans la nature, tel était le crédo essentiel de la philosophie de William Coughlan. Ainsi le saumon qui s’en va nager dans les vastes mers, dans cette immensité sans cartes ni repères, démesurée pour un poisson solitaire ; et puis son retour, le bond vertigineux vers l’amour, son élan qui s’argente et le porte vers le lieu de sa naissance. Et pourquoi ? Parce qu’il en a été décidé ainsi. C’est l’ordre des choses. Une fois qu’on a compris l’ordre des choses, c’est la fin des soucis. Ce qui est juste est juste. C’est indéniable, il y a une place pour chaque chose ; Dieu a prévu que tout s’imbrique. »
Foi, sagesse mystique ou folie ? Y a-t-il une différence ? C’est la question que se posera inlassablement son fils âgé de 12 ans jusqu’à ce que son destin le conduise bien des années plus tard, à la recherche du seul tableau encore existant de son père, chez l’autre famille, celle qui vit sur une petite île à l’Ouest de l’Irlande, une île « qui parfois semble faire voile à des milles vers le néant noir de l’Atlantique ». La famille d’Isabel Gore, son père, l’instituteur qui a fini par abandonner la poésie pour le whisky, sa mère qui veille sur son frère Sean et sur ce qu’il reste de ses rêves de jeune fille. Famille marquée elle aussi par la fatalité, de celle qui s’abat d’un coup et semble ôter tout sens à l’existence.
« – Mais c’est peut-être Dieu qui…
– Rien du tout. Dieu qui rien du tout, comme il le fait depuis des années. »
Sombre malheur et sublime grâce, les deux fils avec lesquels sont tissés les destinées, avec pour tableau de fond la beauté et l’âpreté des terres et de la mer d’Irlande, une palette de tristesse, d’espoirs fanés, d’amour fou, d’élans mystiques, à petites touches non dénuées d’humour aussi, tout sauf de la résignation, n’en déplaise aux veuves aigries et puis l’invisible réalité, là tout près, juste de l’autre coté d’un rideau de brume et qui parfois le traverse et traverse les murs.
Peut-être que l’essentiel dans ce roman n’est justement pas dans le roman lui-même, ni dans les mots, aussi beaux soient-ils.
« Mon père le savait, je crois, il savait que les mots parfois aplatissent les émotions les plus profondes, les épinglent, papillons dont le vol splendide s’engourdit et qui ne seront plus désormais que le lointain souvenir de ce qui naguère colorait l’air et le faisait palpiter comme de la soie. Mieux vaut imaginer. (…) Imaginer que le monde ne contenait rien qui fût sans grâce et que nous marchions, vivantes preuves des miracles, nos pieds touchant à peine le trottoir, sur le visage un sourire, tandis que des milliers d’oiseaux chantaient au ciel. »
Peut-être l’essentiel, nous le trouverons dans notre cœur, nous lecteurs et dans la qualité du silence qui nous entoure, juste après avoir refermé le livre.
Cathy Garcia
Niall Williams est un écrivain et dramaturge irlandais, né en 1958. Il a étudié à l'University College de Dublin où il a obtenu une maîtrise en littérature américaine. Après avoir travaillé comme rédacteur à New York, il a quitté les États-Unis en 1985 et vit actuellement à Kiltumper, dans le comté de Clare, dans l’Ouest de l’Irlande. Quatre Lettres d'amour est son premier roman, il a été publié en Irlande en 1997 et chez Flammarion en 1998. Parmi ses autres ouvrages, on peut citer Comme au ciel (1999) et Destins crépusculaires (2003).

Né en 1952 dans le Var, Serge Quadruppani vit dans le Limousin. Après avoir publié des essais, des enquêtes et deux romans historiques, il a surtout écrit des romans noirs. Il a participé à la création du personnage du Poulpe et au lancement de la collection afférente aux éditions de la Baleine, et a créé la collection “Alias” au Fleuve noir. Depuis 1999, avec Giancarlo De Cataldo et Andrea Camilleri, puis d’autres, comme Gioacchino Criaco, Wu Ming, Carlo Lucarelli, Valerio Evangelisti, Sandrone Dazieri, Massimo Carlotto, Marcello Fois, Giuseppe Montesano, il a donné une nouvelle dimension à son activité de traducteur en faisant connaître des auteurs italiens en France. Il dirige la Bibliothèque italienne aux Éditions Métailié. 
Marc Tison


Sybille Claude est née le 29 mars 1990 à Delmas, Haïti. Ses études secondaires terminées, elle a étudie la Linguistique à la faculté de Linguistique appliquée de l'Université d'État d'Haïti. Passionnée de lettres, elle travaille comme enseignante aux Cours privés Edmé à Pétion-Ville.
Idra Novey est romancière, traductrice et poétesse. Traductrice du portugais, elle est spécialiste de l’œuvre de l'écrivain brésilien Clarice Lispector (1920-1977). "Le Jour où Beatriz Yagoda s'assit dans un arbre" (Ways to Disappear, 2016), son premier roman, a gagné le Sami Rohr Prize for Jewish Literature 2017 et a été finaliste pour le Los Angeles Times Book Prize for First Fiction. Son roman, ainsi que ses poèmes, sont traduits dans une dizaine de langues. Elle a enseigné à l'Université de Princeton, l'Université Columbia, l'Université de New York, l'Université Fordham.
Murièle Modély est née en 1971 à Saint-Denis, île de la Réunion. Installée à Toulouse depuis une vingtaine d'années, elle écrit depuis toujours, essentiellement de la poésie qu’elle publie régulièrement sur son blog : 
Rachel Vanier est née à Budapest en 1988. Après avoir grandi à Lille, fait ses études à Paris, s’être échappée à Boston puis avoir crapahuté au Cambodge, elle travaille dans le monde non moins dépaysant de l’innovation et des start-up. Après le remarqué 
Olivier Chantraine travaillait comme responsable de l’innovation pour une multinationale agroalimentaire, qu’il a quitté saturé « de l’inculture, de l’obsession de la performance et de la surenchère des chiffres » pour un retour aux sources en 2013, dans les Alpilles. Il y crée la biscuiterie artisanale bio A & O. « Une entreprise humaniste avec un modèle d’économie durable. Plus proche de mes convictions », confie-t-il. Le moyen, surtout, de donner enfin une chance à l’écrivain qui attend sagement son heure depuis l’adolescence. Un élément perturbateur est son premier roman.
Rachel Vanier est née à Budapest en 1988. Après avoir grandi à Lille, fait ses études à Paris, s’être échappée à Boston puis avoir crapahuté au Cambodge, elle travaille dans le monde non moins dépaysant de l’innovation et des start-up. Elle est aujourd'hui en charge de la communication du campus de start-up STATION F. 






John Burnside a reçu le Forward Poetry Prizes 2011, principale récompense destinée aux poètes en Grande-Bretagne. John Burnside est né le 19 mars 1955 dans le Fife, en Écosse, où il vit actuellement. Il a étudié au collège des Arts et Technologies de Cambridge. Membre honoraire de l’Université de Dundee, il enseigne aujourd’hui la littérature à l’université de Saint Andrews. Poète reconnu, il a reçu en 2000 le prix Whitbread de poésie. Il est l’auteur des romans La Maison muette, Une vie nulle part, Les Empreintes du diable et d'un récit autobiographique, Un mensonge sur mon père
Walter Ruhlmann enseigne l’anglais. Il a dirigé mgversion2>datura de 1996 à 2017 et les éditions mgv2>publishing de 2008 à 2017. Walter est l’auteur de recueils de poèmes en français et en anglais et a publié des poèmes et des nouvelles dans diverses revues dans le monde entier. Son blog :