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CITATIONS - Page 153

  • Pierre Desproges

     

    Torture, nom commun, trop commun, féminin, mais ce n’est pas de ma faute. Du latin tortura, action de tordre.
    Bien plus que le costume trois-pièces ou la pince à vélo, c’est la pratique de la torture qui permet de distinguer à coup sûr l’homme de la bête.
    L’homme est en effet le seul mammifère suffisamment évolué pour penser à enfoncer des tisonniers dans l’œil d’un lieutenant de vaisseau dans le seul but de lui faire avouer l’âge du capitaine.

    La torture remonte à la nuit des temps. A peine eût-il inventé le gourdin, que l’homme de Cro-Magnon songeait aussitôt à en foutre un coup sur la gueule de la femme de Cro-Magnonne qui refusait de lui avouer l’âge de pierre.

    Mais il fallut attendre l’avènement du christianisme pour que la pratique de la torture atteigne un degré de raffinement enfin digne de notre civilisation. Avant cet âge d’or, en effet, la plupart des supplices, en Haute-Egypte et jusqu’à Athènes, relevaient hélas de la plus navrante vulgarité. Les Spartiates, eux-mêmes, au risque d’accentuer la dégradation des sites, n’hésitaient pas à précipiter leurs collègues de bureau du haut des falaises lacédémoniennes pour leur faire avouer la recette de la macédoine. Quant à l’invasion de la Grèce par les légions romaines, on n’en retiendra que la sanglante boucherie au cours de laquelle le général Pinochus se fit révéler le théorème de Pythagore en filant des coups de pelle aux Ponèses.
    Pour en revenir aux chrétiens, on n’oubliera pas qu’après avoir été, sous les Romains, les premières victimes de la torture civilisée, ils en devinrent les plus sinistres bourreaux pendant l’inquisition. Aujourd’hui encore, quand on fait l’inventaire des ustensiles de cuisine que les balaises du Jésus’fan Club n’hésitaient pas à enfoncer sous les ongles des hérétiques, ce n’est pas sans une légitime appréhension qu’on va chez sa manucure.
    Aux portes de l’an 2000, l’usage de la torture en tant qu’instrument de gouvernement se porte encore bien, merci. Même si, sous nos climats, elle a tendance à tomber en désuétude. Pour citer un pays occidental, au hasard, nous sommes en mesure d’affirmer qu’à Monaco, par exemple, le nombre des bourreaux par habitant est actuellement de zéro pour mille. D’ailleurs, on voit mal quelles raisons pourraient pousser un croupier à empaler un milliardaire.
    Hélas, quand on s’écarte un peu plus de l’Hexagone, que ce soit vers l’ouest, vers l’est ou vers le sud, on rencontre encore, dans des contrées exotiques pourtant ouvertes au progrès, à trois pas de la piscine du Hilton, ou dans les steppes démocratiques les plus populaires, des empêcheurs de penser en rond qui cognent et qui charcutent, qui enferment et qui massacrent, qui souillent et qui avilissent, et même –ah les cons !- qui arrachent les ailes des poètes au nom de l’avenir de l’homme.

     

     

     

  • Edgar Morin

    Quand on a l'obsession de réfuter une idée, c'est contre soi qu'on veut la réfuter. Si on ne répond pas aux vrais arguments d'autrui, et qu'on en cherche seulement les défauts superficiels, c'est qu'on sent ces arguments terriblement valables.
    Certes, je suis conscient du fait que la polémique, qui ferme l'esprit, peut aussi l'aiguiser. La polémique est un aspect du jeu dialectique « de la vérité ». Je ne propose pas la mort de la polémique. Je pose plutôt la nécessité de l'auto-polémique. Ne sommes-nous pas à nous-mêmes notre meilleur ennemi ? Oui, il faut une pensée toujours en lutte, aiguisée, hors du fourreau, mais contre l'ennemi intérieur ; il faut concevoir ce qu'il y a de juste dans une objection, en même temps qu'on fonce pour découvrir ce qu'il y a de faux. 

     

    in Le vif du sujet

     

     

     

  • Albert Brie

     

    Tant que les hommes d'aujourd'hui, y compris les femmes, vivront pour travailler à une ou plusieurs besognes qu'ils n'ont pas choisies, en vue d'assurer leur nécessaire, l'expression « société juste » sera la plus odieuse foutaise que les cerveaux technocratiques auront inventée à l'usage du peuple anesthésié. 


    in Le mot du silencieux
     

     

     

  • Henri Michaux

     

    Grâce au rythme, le mouvement enlève le plus grave de la matière ;

     son poids, sa résistance.

     Vitesse, soulagement du mal, du bas, du lourd.

     Sorte d’antimatière, d’idéal au premier degré.

     

     

     

     

  • Lewis Carroll

     

     

     Mais je n'ai nulle envie d'aller chez les fous », fit remarquer Alice.
    « Oh ! vous ne sauriez faire autrement, dit le Chat : Ici, tout le monde est fou. Je suis fou. Vous êtes folle. »
    « Comment savez-vous que je suis folle ? » demanda Alice.
    « Il faut croire que vous l'êtes, répondit le Chat ; sinon, vous ne seriez pas venue ici. »

     

     

     

    in Les Aventures d'Alice au Pays des Merveilles

     

     

     

  • Muriel Barbery

     

    J'ai lu tant de livres...
    Pourtant, comme tous les autodidactes, je ne suis jamais sûre de ce que j'en ai compris. Il me semble un jour embrasser d'un seul regard la totalité du savoir, comme si d'invisibles ramifications naissaient soudain et tissaient entre elles toutes mes lectures éparses - puis, brutalement, le sens se dérobe, l'essentiel me fuit et j'ai beau relire les mêmes lignes, elles m'échappent chaque fois un peu plus tandis que je me fais l'effet d'une vieille folle qui croit son estomac plein d'avoir lu attentivement le menu. Il paraît que la conjonction de cette aptitude et de cette cécité est la marque réservée de l'autodidactie. Privant le sujet des guides sûrs auxquels toute bonne formation pourvoit, elle lui fait néanmoins l'offrande d'une liberté et d'une synthèse dans la pensée là où les discours officiels posent des cloisons et interdisent l'aventure. 

    in L'élégance du hérisson

     

  • Basarab Nicolescu

     

    On parle beaucoup de la crise démographique des vivants, mais on oublie celle des morts. Il y a tellement de morts sur la terre que bientôt il n'y aura plus de place pour les vivants. 

     

    in Théorèmes poétiques

     

     

  • Jean-Marie Gourio

     

    Dans le mot VOLCAN, y a CAN, ça veut dire qu'on ne sait jamais CAN ça VOL.
    - CAN ça VOL !
    - Quand ça va voler.
    - Ah...
    - C'est bien foutu les mots.

     

    in  L'intégrale des brèves de comptoir 1992-1993

     

     

  • Thomas Vinau

     

     Je te le demande comme un service

      

    Le jour

     où je marcherai

     sur les premiers bleuets

     sans frisson ni sourire

     pour la beauté sauvage

     des mauvaises herbes

     n’hésite pas à essuyer

     le cul de ton chien

     sur mon visage

     

     

  • Su Dongpo

      

    Si c’est l’instrument qui joue,

    Pourquoi ne joue t’il pas dans son étui ?

    Si la musique sort des doigts du musicien,

    Pourquoi n’écoutes-tu pas les doigts ?