Charles Bukowski

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En 1880, un journaliste militant du nom de William Stead est engagé comme rédacteur en chef d’un journal anglais du soir à tendance conservatrice appelé Pall Mall Gazette. Stead le transformerait du tout au tout. Sa mission, écrivait-il, consisterait à « œuvrer pour la régénération sociale du monde ». Pour ce faire, il produisait des récits vivants, écrits à la première personne dans une langue simple et presque violente, illustrés de dessins, plans, cartes, photos, grands titres, qui racontaient des histoires d’individus des plus misérables. Son plus grand succès est une série sur la traite des blanches qu’il intitula « The Maiden Tribute of Modern Babylon. Pour expliquer comment fonctionnait la vente de fillettes aux bordels londoniens, il organisa, moyennant la somme de cinq livres, l’achat d’une fille de treize ans pour la prostituer. La série fit grimper le tirage du journal à 120 000 exemplaires ; grâce à sa répercussion, le Parlement anglais décida de porter l’âge de la majorité sexuelle de 13 à 15 ans. En même temps, Stead serait jugé et condamné à trois mois de prison pour l’achat de la mineure.
in La faim
We never know we go - when we are going -
We jest and shut the door
Fate following behind us bolts it
And we accost no more.
On ne sait jamais qu'on part - quand on part -
On plaisante, on ferme la porte
Le destin qui suit derrière nous la verrouille
Et jamais plus on n'aborde.
C’est comme un être qui se revendique en moi tout à coup
Avec une violence déchaînée qui me renverse
À l’intérieur d’une nuit obtuse et chaotique
Où je crie parce que l’on m’égorge
Il me semble que je suis décapé et creusé par des morts sans nombre
Qui auraient passé sur moi avec la violence d’un torrent gonflé
Par un orage lourd de toutes mes larmes accumulées
Dans la déflagration de mes cris de détresse
in Poèmes pour toute mémoire
Je ne descends plus des grands singes
La lignée est éteinte
Exterminée dans les salons climatisés des banques d’investissement
Je n’enfante plus des gens sauvages
Mon sperme est défolié, il est minable et minuscule
in des nuits au mixer
C'est hélas une évidence que plus le singe se rapproche de l'homme,
plus il devient triste.
En close bouche n'entre point
mouche.
Et pourquoi pas la joie ?
Au milieu de nos villes escaliers
Où les murs de parpaings suent du béton,
Où les fils électriques dessinent, sur les toits, des ciels d’araignées,
Et pourquoi pas la joie?
Le temps d’une corde à sauter qui fait tourner le monde,
D’un ballon fatigué qui court de jambes en jambes
Et soulève la pauvreté dans les cris d’enfant,
Et pourquoi pas la joie ?
Les pieds dans l’immondice
Mais le regard droit.
C’est notre vie,
Et nous ne pourrons pas la mener tout entière dos plié,
Regard soumis.
Tu es née du ravage, fille,
Les coups de bâton sur nos barrages en bois ont célébré ta venue au monde
Et rien n’a changé, depuis,
Mais pourquoi pas la joie ?
in De sang et de lumière (2017)

Elle l’aime, elle veut le protéger, elle s’enchaîne, s’identifie à lui, elle s’oublie…
et quand elle se retrouve, c’est à chaque fois trop violent.
cg, 1993
Et le cœur grésille
Châtaigne éclatée
Sur le brasier roux du monde
Qui tremble et meurt
Chemins à vif
Demain
Dans la chair mauve des collines
La lumière rassemble ses derniers troupeaux
L'écrou du jour se resserre
Les villages là-bas sont des îles en sang
Des échos qui fument
En moi descend
Déjà déployé
Vers les eaux profondes
Le lent filet
Du silence
Une fois, une seule, aimable et douce femme,
À mon bras votre bras poli
S'appuya (sur le fond ténébreux de mon âme
Ce souvenir n'est point pâli) ;
Il était tard ; ainsi qu'une médaille neuve
La pleine lune s'étalait,
Et la solennité de la nuit, comme un fleuve,
Sur Paris dormant ruisselait.
Et le long des maisons, sous les portes cochères,
Des chats passaient furtivement,
L'oreille au guet, ou bien, comme des ombres chères,
Nous accompagnaient lentement.
Tout à coup, au milieu de l'intimité libre
Éclose à la pâle clarté,
De vous, riche et sonore instrument où ne vibre
Que la radieuse gaieté,
De vous, claire et joyeuse ainsi qu'une fanfare
Dans le matin étincelant,
Une note plaintive, une note bizarre
S'échappa, tout en chancelant
Comme une enfant chétive, horrible, sombre, immonde,
Dont sa famille rougirait,
Et qu'elle aurait longtemps, pour la cacher au monde,
Dans un caveau mise au secret.
Pauvre ange, elle chantait, votre note criarde :
" Que rien ici-bas n'est certain,
Et que toujours, avec quelque soin qu'il se farde,
Se trahit l'égoïsme humain ;
Que c'est un dur métier que d'être belle femme,
Et que c'est le travail banal
De la danseuse folle et froide qui se pâme
Dans un sourire machinal ;
Que bâtir sur les cœurs est une chose sotte ;
Que tout craque, amour et beauté,
Jusqu'à ce que l'Oubli les jette dans sa hotte
Pour les rendre à l'Éternité ! "
J'ai souvent évoqué cette lune enchantée,
Ce silence et cette langueur,
Et cette confidence horrible chuchotée
Au confessionnal du cœur
Confession in Les Fleurs du mal
La véritable prison n’est pas tant celle qui sépare l’homme des autres hommes, mais surtout celle qui sépare l’homme des profondeurs de la vie, qui sépare l’homme de l’existence dans son sens profond.
in Le dernier grenadier du monde
Chaque jour je rends grâce à cet amour qui m’envahit,
Qui d’un même élan m’exile et me sauve. Rien ne lui échappe :
Aucun lieu, aucun être, aucun sentiment, aucun projet, aucune récréation.
Prisonnier sur parole qui ne fait plus la part de la chance ni celle de la malédiction, j’explore une commotion féroce que je n’entends pas apprivoiser. Je garde la rage au corps, et pas seulement aux dents et au cœur. Je vais sans doute l’âme à l’envers.
in L’amour extrême
Je n’avais pas la force de parler avec les gens, je ne m’intéressais plus à leurs mots,
à leurs actes et à leurs manières mais à leur âme.
in Le dernier grenadier du monde