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CITATIONS - Page 73

  • Albert Camus

     

    Quelque chose en nous a été détruit par le spectacle des années que nous venons de passer. Et ce quelque chose est cette éternelle confiance de l'homme, qui lui a toujours fait croire qu'on pouvait tirer d'un autre homme des réactions humaines en lui parlant le langage de l'humanité. Nous avons vu mentir, avilir, tuer, déporter, torturer, et à chaque fois il n'était pas possible de persuader ceux qui le faisaient de ne pas le faire, parce qu'ils étaient sûrs d'eux et parce qu'on ne persuade pas une abstraction, c'est-à-dire le représentant d'une idéologie.

     

     

     

  • Lionel Mazari

     

    Je parle la langue des arbres aux fruits mûrs,

    la langue d’une seule saison,

    mais qui revient souvent.

    Ma langue fourche dans les foins…

     

    in Dehors s’enlise dans nos plaies

     

     

  • Jean-Marc Flahaut

     

    essayez déjà de rester en vie

    évitez de souffrir et de faire souffrir

    les autres inutilement

    gratuitement

    faites déjà ça

    pour commencer

     

    in Bad Writer

    Ed les Carnets du Dessert de Lune, avril 2017

     

     

     

  • Marguerite Yourcenar

     

    Je me dis souvent que si nous n'avions pas accepté, depuis des générations, de voir étouffer les animaux dans les wagons à bestiaux, ou s'y briser les pattes comme il arrive à tant de vaches ou de chevaux, envoyés à l'abattoir dans des conditions absolument inhumaines, personne, pas même les soldats chargés de les convoyer, n'aurait supporté les wagons plombés des années 1940-1945. Si nous étions capables d'entendre le hurlement des bêtes prises à la trappe (toujours pour leurs fourrures) et se rongeant les pattes pour essayer d'échapper, nous ferions sans doute plus attention à l'immense et dérisoire détresse des prisonniers de droit commun. Dérisoire parce qu'elle va à l'encontre du but qui serait de les améliorer, de les rééduquer, de faire d'eux des êtres humains. Et sous les splendides couleurs de l'automne, quand je vois sortir de sa voiture, à la lisière d'un bois pour s'épargner la peine de marcher, un individu chaudement enveloppé dans un vêtement imperméable, avec une "pint" de whisky dans la poche du pantalon et une carabine à lunette pour mieux épier les animaux dont il rapportera le soir la dépouille sanglante, attachée sur son capot, je me dis que ce brave homme, peut-être bon mari, bon père ou bon fils, se prépare sans le savoir aux "Mylaï" de l'avenir (1), en tout cas ce n'est plus un homo sapiens.
     

    (1) Mylaï est un village vietnamien dont la population fut massacrée par un détachement américain, nouvelle qui éclata à retardement et fit quelque temps scandale.