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CITATIONS - Page 75

  • Erri de Luca

     

    Quand nous serons deux nous serons veille et sommeil,
    nous plongerons dans la même pulpe
    comme la dent de lait et la deuxième après,
    nous serons deux comme sont les eaux, les douces et les salées,
    comme les cieux, du jour et de la nuit,
    deux comme sont les pieds, les yeux, les reins,
    comme les temps de la pulsation
    les coups de la respiration.
    Quand nous serons deux nous n’aurons pas de moitie
    nous serons un deux que rien ne peut diviser.
    Quand nous serons deux, aucun ne sera un,
    un sera l’égal de personne
    et l’unité consistera dans ce deux.
    Quand nous serons deux
    même l’univers changera de nom
    il deviendra différent.

    in Deux

     

     

  • Dennis Lehane

     

    La politique, pour lui, c'était un peu comme une chouette cabane dans les arbres : une fois à l'intérieur avec les petits caïds du voisinage, il suffisait de retirer l'échelle pour laisser en bas tous les crétins. 

    in Ténèbres prenez-moi la main

     

     

  • Viviane Forrester

    Nous vivons au sein d'un leurre magistral, d'un monde disparu que des politiques artificielles prétendent perpétuer. Nos concepts du travail et par là du chômage, autour desquels la politique se joue (ou prétend se jouer) n'ont plus de substance : des millions de vies sont ravagées, des destins sont anéantis par cet anachronisme. L'imposture générale continue d'imposer les systèmes d'une société périmée afin que passe inaperçue une nouvelle forme de civilisation qui déjà pointe, où seul un très faible pourcentage de la population terrestre trouvera des fonctions. L'extinction du travail passe pour une simple éclipse alors que, pour la première fois dans l'Histoire, l'ensemble des êtres humains est de moins en moins nécessaire au petit nombre qui façonne l'économie et détient le pouvoir. Nous découvrons qu'au-delà de l'exploitation des hommes, il y avait pire, et que, devant le fait de n'être plus même exploitable, la foule des hommes tenus pour superflus peut trembler, et chaque homme dans cette foule. De l'exploitation à l'exclusion, de l'exclusion à l'élimination... ? 

    in L'horreur économique par – 1996

     

     

  • Claude Louis-Combet

     

    Au crépuscule, elle descend de sa colline et mène son errance dans les quartiers du centre, là où les ruelles enchevêtrées se dépelotent sous ses pas. L’automne, l'hiver, saisons où l'ombre s’éternise dans le brouillard, on dirait qu’elle navigue plutôt qu'elle ne marche.

    Sa silhouette est bien connue. Beaucoup l’ont dessinée : rythme de courbes et de creux, les hanches qui entraînent, les épaules qui attendent. une large chevelure créée pour le sommeil et pour les agonies.

    Elle porte toujours un manteau noir et c‘est à peu près tout ce qu’elle montre.

    Ou, les nuits de chaleur, une robe étroite et courte comme une main qui la tiendrait entièrement et qui la serrerait jusqu’au spasme. Sa nudité, lis-dessous, est alors si forte que le désir ne supporte plus sa douleur.

    Des enfants la suivent, titubants. Ils ont rongé leurs mains et s’épouvantent de l'appel, qui les pousse encore.

    Celui-là qui croit en l’éternité et qui vient tout juste de communier donnerait son âme pour un regard sur la peau qui se cache, qu’il ne peut même pas se représenter et dont ses rêves portent le tourment.

    Et cet autre aux yeux bleus qui cherche une paupière de lèvres plus grande que lui et qui a déjà envie de mourir.

    Et combien encore ! Ainsi ce garçon à genoux qui ne peut faire autre chose qu’adorer et qui ruisselle au-dedans.

    Lily marche en tête et c’est comme si elle était toujours seule, en avant, au-delà de tous les désirs possibles et hors d’atteinte des supplications.

    Elle va du trottoir au porche, de la fontaine au fleuve, du jardin public aux berges de la nuit. Elle court dans les escaliers. Elle entre par une porte et sort par une autre. Sa déambulation n’a ni cesse ni raison.

    Elle n’est étrangère ni aux églises ni aux cimetières. Elle aime les lieux où l’on se glisse. Les grands miroirs du monde où elle est seule à se voir.

    Derrière elle. Dans son dos, le long de son échine et plus bas, où la croupe se scinde, elle sent le souffle pressé de ses suiveurs - sa cour haletante et qui se croit conquérante et ne cesse de grandir, la ville des hommes à la traque de ses odeurs.

    La grande Lily pute et son peuple de liliputiens.

    Depuis que le sexe de la femme les a laissé choir sur le carreau, ils n’ont désir que de la retrouver. Tout ce qu’ils font, c’est revenir. Aux trousses de Lily, les éperdus se hâtent. Ils s’amalgament en soupirs, en larmes, en émanations et suintements : énorme tendresse de désespoir monomane. Elle n’aurait qu’un geste à faire, comme tendre les mains par-derrière, pour tirer, d’un coup, tous les diables par leur queue.

    Mais qu'en ferait-elle ? Elle n’est pas le joueur de flûte de Hameln, même si le fleuve, ici, est aussi profond que la mer.

    Le désir bourdonne mais la reine ne se laisse pas rejoindre.

    Alors les rues, la nuit, ont l’air de courir en rond, les ombres d’épaissir l’ombre, les rêves de suffoquer d’impuissance. Les désirs soupirés ont une telle odeur de crasse infantile que Lily, tandis que l’aurore émerge sur cette face d’elle-même que nul n’a encore vue, est soudain prise du besoin tout entier de crier.

    Ce cri, elle le retient. Elle ne veut pas qu'il lui échappe.

    Elle l'offrira plutôt.

    in Lily transbordée

     

     

     

  • Lyonel Trouillot

     

    Parlons-en de l'amour:

    Depuis la naissance de mes seins à eux-mêmes,
    comme une chose nouvelle
    soumise aux joies et aux épreuves qui mènent à
    sa maturation,
    depuis la naissance de mes seins à leur propre
    convoitise et à celle des autres,
    j’ai porté sur mon épaule la lourdeur du regard des hommes.
    j’ai aimé la nudité de mon corps bougeant dans l’eau du fleuve.
    Ils m'ont reproché de donner naissance à leur désir.
    j’ai aimé les routes et les jardins sauvages.
    Ils m'ont reproché d’attirer les violeurs par mon inconséquence.
    j’ai aimé les femmes, mes sœurs, leurs formes douces.
    Ils m'ont reproché de ne pas tout sacrifier à la procréation.
    J’ai aimé l’amour,
    donné sans rechigner.
    Et ils m’ont reproché de n'être pas la servante d'un seul

     

    in Le doux parfum des temps à venir

     

     

  • Bertolt Brecht

     

    Nos défaites, voyez-vous,
    Ne prouvent rien, sinon
    Que nous sommes trop peu nombreux
    À lutter contre l’infamie,
    Et nous attendons de ceux qui regardent
    Qu’ils éprouvent au moins quelque honte.