Petite Poissonne
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L’affolement en moteur de désir
Et la route qui se barre en chewing-gum
La vrille
Les pieds sur le vide
Plongeons profonds dans l’univers
UNE SEULE VAGUE
J'ai longtemps hésité à remonter vers le niveau de ma lumière
Marche à marche le pas glissant sur le vernis des matins verts
J'ai mis longtemps à me décider entre la vie et la mort
Entre l'endroit réduit et la doublure
La mousse dégrafée des avalanches
Et le poil du réveil aux charnières de plomb
Quand l'esprit se retrouve en sursaut
Quand le cœur halète son remords
Entre la coulisse et le tain
Toute l'épaisseur des gestes de la veille
Cette illusion d'amour que j'ai à peine feuilletée du bout des mains
Fuyante entre la porte et le sourire
A peine ressaisie dans l'accent d'un accord
Maintenant
Plus rien que toi dans la chambre aux clous noirs
Aux rayons de ténèbres
Plus rien que toi entre les plis de mon cœur dur
Plus rien que toi à portée de mon désir encore tiède
Sur la surface à explorer dans l'avenir
A travers le danger trouble des membranes
Les contre-courants vertigineux de mon destin
Et les brusques retours de flamme de la haine
Plus rien que toi sur les cimes où se déchire la raison
Dans les bas-fonds les grimaces gélatineuses du sommeil
Des visages aux traits démaillés qui s'affalent dans la poussière
Il faut aller sur l'arête ensanglantée de la conquête
Vers cette panoplie flambant à l'horizon
Vers ce buste trop lourd qui penche sous la tête
Dans le tourbillon rouge des souvenirs
Quand tout est refoulé par l'éclat de ce nouveau mystère
Plus rien que toi dans les recoins les plus secrets de ma mémoire
Car tout a disparu en te voyant venir
Et dans le circuit de mes veines
Dans les sursauts qui désunissent les rouages de ma valeur
Des étoiles jaillies sous le chalumeau vorace du plaisir
Des étoiles d'acier qui s'évadent dans les rigoles
Un ensemble de jeux de traits et de lumières
Un regard singulier qui se soudait au mien
Un accent qui sera toujours dans mon oreille
Et tout ce qui vit ailleurs
Immobile et trop réel dans la matière
Rien
in " Plein Verre", éditions des îles de Lerins - Nice - juin 1940
Je pensais avec un serrement au cœur, que rien n'est plus lent
que la véritable naissance d'un homme.
in Mémoires d'Hadrien
Tu as tous les visages et aucun,
Tu es toutes les heures et aucune,
Tu ressembles à l'arbre et au nuage,
Tu es tous les oiseaux plus un astre,
Tu ressembles au tranchant de l'épée
Et à la coupe de sang du bourreau,
Lierre qui avance, enveloppe et déracine
L'âme et la divise d'elle-même,
Écriture de feu sur le jade,
Crevasse dans la roche, reine des serpents,
Colonne de vapeur, source dans le roc,
Cirque lunaire, pic des aigles,
Grain d'anis, épine minuscule
Et mortelle qui donne des peines immortelles.
Mets-moi en mouvement
fais que je tourne
que je me torde et me tende
vers les bruits et les voix qui appellent.
Porte-moi à bout de lèvres
fais moi une échelle avec tes mots
sois le sabre
ouvre-moi en dedans
là où ça résiste encore
pour que je ressente mieux le monde.
Remplis-moi de ta force vive
et de ta sève d’homme
je veux dire d’humain
qui sait étreindre la douleur
pour en faire autre chose.
Fais-moi vivante.
Mets en moi le mouvement
saisis-moi au cœur et aux hanches
Serre-moi à réunir tous mes morceaux.
Je tremble autant que les feuilles brunes
et l’automne qui s’effraie déjà des pas de l’hiver.
Serre-moi dans le chaud de tes bras
et de tes mots d’amour.
Je n’avais plus où me blottir avant toi.
Fais-moi vivante.
in Rose
Blessures faites à l’enfant
entailles dans l’écorce et l’aubier
à le faire mourir ou à le rendre fou
frêle racine au sombre dessein
dans une terre de safre
flou de la mémoire et du ciel
l’eau de pluie sur les plaies.
Blessures faites aux femmes
à les rendre dociles
à les fendre
dans leur unité et leur désir.
Blessures d’amour
à priver de sève et de sens
à faire couler le sang
assoiffer à jamais la bouche.
Blessures de l’attachement
quand tout ne tient qu’à un fil
qui ne relie à rien
la peau sans odeur
le silence des yeux et des gestes.
Blessures de la langue
celle qui nous fait sujet
celle qui nous fait vivant
celle qu’on n’a pas entendue
celle qu’on n’a pas parlée
parole enroulée dans la gorge
ou écrasée entre deux dents.
Blessures à priver d'air
à essouffler le cœur et l'en vie.
in À la folie