Mes griffonnages dans Traction Brabant
numéro 64 - septembre 2015
numéro 68 - juin 2016
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numéro 64 - septembre 2015
numéro 68 - juin 2016
Une belle courgette du producteur bio, un filet de merlan pêché au chalut au Nord-est de l’Atlantique, quelques belles feuilles d’épinards et six ou sept tiges d’amarante verte sauvage de mon jardin suspendu, cinq gousses d’ail du producteur bio, poudre de cumin, coriandre et curcuma, gros sel, huile de tournesol locale et trois tomates cerises Montplaisir cueillies au dernier moment
Couper la courgettes en quatre dans la longueur puis en rondelles, les faire revenir dans une bonne poêle en fonte avec l’huile de tournesol et le cumin et la coriandre en poudre (j’ai la main lourde), quand elles commencent à dorer, rajouter le filet de merlan avec une pincée de gros sel, retourner plusieurs fois, puis le séparer en petits morceaux, bien mélanger. Rajouter les feuilles d’épinards sans les tiges, mélanger encore, puis les feuilles et les tiges les plus fines de l’amarante, mélanger, ajouter l’ail haché, monter le feu en remuant vivement, saupoudrer d’un peu de curcuma, mélanger et servir. Avec la saveur des petites tomates, c’est juste top !
Édition L’Arrière-Pays, juin 2016
54 pages, 9 €.
Jean-Baptiste Pedini écrit comme un peintre, à petite touches, de bleu, de noir, d’aube et de lumière, avec des cristaux de sel et des étoiles qui traversent la nuit « à toute allure, suspendues à la tyrolienne du ciel », le ciel déposé là non sans quelques éraflures, angoisses, diffuses toujours, mais d’autant plus tenaces.
« Les mots comme des entailles sur les nuages. On les dit à voix basse. On y tient. Le matin sort les griffes. »
On retrouve ici la mer, dont le ressac donne le rythme, vide, plein, vide, plein. Dans l’écriture de Jean-Baptiste Pedini, il y a comme des trous sous la trame où quelque chose est tapi, quelque chose attend et cette sensation contraste avec la douceur apparente du peintre à petites touches. Le calme semble toujours sur le point d’accoucher.
Il y a la musique des mots, enfilés les uns après les autres, les uns aux autres, des perles sur un collier aux reflets changeants, toutes aussi précieuses les unes que les autres et pas une de trop. C’est beau, comme des bulles qui « vont dans le ciel, reliées en un chapelet d’ombres ». Tellement beau qu’on se laisse bercer et que le sens qui demeure toujours un peu comme caché, voilé, nous importe moins que cette berceuse qui va chercher nos douleurs, nos malaises, tout ce qu’on ne sait pas trop dire alors on ne le dit pas, et la musique nous berce sans pour autant effacer totalement l’inquiétude.
Il y a de la solitude dans l’écriture de Jean-Baptiste Pedini, une distance qui permet au regard de voir, de sentir, un pas de côté qui parle aussi à notre propre solitude, celle inhérente à la condition humaine, seule et reliée, comme ces perles sur le fil du collier. Le fil, l’âme qui respire sous l’eau du poème.
Dans Le ciel déposé là, Jean-Baptiste prend la lumière au bout de ses pinceaux, « une lumière monocouche qui en recouvre tous les recoins » ou qui « entre goutte à goutte pour surprendre l’enfance » et l’ombre jaillit alors aussi de toute part car « la lumière est friable, l’obscurité la réconforte ».
Un antidote au quotidien, cette lumière ocre que l’on prélève tel un sérum.
Pour échapper à l’ennui peut-être, chaque instant est comme sacralisé, happé dans une transcendance alors que rien pourtant ne demeure figé, car il faut « vider le jour cul-sec. En sentir les dépôts tandis que la mort presse ».
Cathy Garcia
Jean-Baptiste Pedini est né en 1984 à Rodez. Vit et travaille en région toulousaine. Publications dans de nombreuses revues dont Décharge, Voix d'encre, Arpa, N4728. Des livrets publiés chez Encres Vives, Clapàs, – 36° édition et La Porte. Bibliographie : Prendre part à la nuit (Polder, 2012), Passant l'été (Cheyne éditeur, Prix de la vocation, 2012), Pistes noires (éditions Henry, 2014), Plein phare, Éditions La Porte, 2015.
le décès instantané
D’un petit matin frais
Fauché en pleine course
Par un quotidien trop pressé
aux dernières nouvelles
Le champ des possibles
S’écoule encore de son ventre
Sur la chaussée
in Juste après la pluie
des vigiles métalliques nous expliquent qu’ils lacèreront nos enfants
si jamais nous en faisons
in Chroniques du Diable consolateur
La proue du cœur fend le ciel dehors dedans, la même électricité.
in le livre des sensations
on fait pisser nos rêves à la laisse comme des chiens
in Juste après la pluie
La beauté perdue
Je mangerai la terre et les racines j'avancerai sur le ventre lombric humain
j'ai une telle faim des éléments du Simple
la vie du siècle m'écrase
la ville moderne me déchire
aujourd'hui partout où je vais c'est dans la beauté perdue
j'ai vu disparaître les rivières leurs sources et des fleuves même
rivages quais parcs profonds et tant de jardins subtils
allées promenades hameaux villages quartiers entiers
j'ai vu se bétonner des plaines des collines rasées
les voitures s'y garent sur l'Ombre animale des chevaux disparus
la brutalité des hommes est énorme !
pourtant
parfois
la tendresse d'un homme seul m'éblouit encore
in Station du chemin