Marc Guimo
Première chose à faire :
braquer la réalité
in La poésie, personne n’en lit
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Première chose à faire :
braquer la réalité
in La poésie, personne n’en lit
nous nous sommes peut-être trompés.
peut-être n’étions-nous faits que pour tisser
le suaire d’un monde
qui ne devait que cacher la lumière
d’un faussaire.
peut-être devions-nous simplement nous taire
et attendre.
maintenant,
je regarde ces rides dans le coin de mes yeux, j’y lis des frontières qui ont croisé le fer
avec l’éternité
et qui sont restées closes à jamais.
des barbelés tristes sur un visage de honte.
C’est une douceur qui te prend au ventre. Ou, plus précisément, c’est
quelque chose dans le ventre qui te rappelle que tu es douceur. Ça grossit là,
dans l’abdomen, et ça caresse tout ce qui se mousse au fond de toi.
On partira à l’aube sur les océans
On part toujours à l’aube
Dans la pureté des promesses
Avant l’ouverture des supercheries marchandes
in des nuits au mixer
La Lisière
C'est là qu'ils viennent tirer. Pourquoi là, et tirer quoi ?
C'est toujours le soir, on n'y voit plus qu'à peine.
Obscurément ils visent la nuit, les chasseurs. S'agit-il
même de chasseurs ? Quand le vent porte, c'est comme
l'écho d'une très vieille guerre qui revient hanter la
lisière. ça dit qu'il n'y a pas de sûr refuge, et pas d'oubli
non plus. On ne les voit jamais. Personne ne longe le
bois à cette heure, ni aux autres. Le matin, peut-être.
Mais pas moi. Le matin, je dors.
Les pierres de ton jardin parlent plus haut que les passants
elles se réclament d'une ascendance qui remonte à la première caverne
quand deux silex détenaient le feu et qu'un vent pauvre
balayait les ronces d'un alphabet atteint de surdité
Les choses étant ce qu'elles sont
Il suffit de serrer une pierre dans ta main pour vibrer
avec la planète
détecter la fronde d'un volcan
le cri d'une montagne écroulée par une fourmi
Je ne regarde plus la mer, je suis le sel.
Sèche-toi encore un peu sur mes mains qui tremblent.
in Pas un jour sans une ligne
Cherche un amant
Aussi beau qu'un éléphant
Éléphant avec des ailes
Ayant des douceurs de gazelle
tu constates que l'ordinaire ne l'est pas tant
et que l'extraordinaire ne l'est pas trop
la flemme devient ta religion officielle
l'an dernier à la même époque tu ne voulais voir personne
elle te mentait tellement mal
que c'était tellement beau
que tu brûlais tellement bien
trop vieux
trop pessimiste
tu t'en donnes des surnoms
monstre parmi les dieux
dans les caillasses de tes coussins
tu rêves d'une louve aux yeux cousus
tu rêves d'être à bord d'un train filant sous la lune
qu'ils te pourrissent l'esprit
ou bien qu'ils t'aident à croire en toi
les gens sont comme ça
toujours en transit
tu ne leur en veux pas cette fois-ci
tu surfes juste sur leur haleine morte
et leurs beaux sourires de faux culs qui se sentent si puissants
géométrie variable des oiseaux migrateurs par dessus le faubourg
où tu es ton propre coiffeur et ton propre infirmier
il ne s'y passe strictement rien en ce jour férié
et c'est exactement pour cette raison que tu es venu là
en quête de vin
poison qui te répare
au sortir du métro une voix horrible dit des choses si douces
les désespérés ont leur logique
les désespérés ont leur logique
émotions qui te percutent indéfinissables
la thérapie n'a pas marché
le désorientalisme t'apporte beaucoup plus
qui rend utiles les mauvais souvenirs
cocaïne des images
cocaïne des images
ton corps émet des codes
le ciel est fou
les nuages semblent en feu
les pertes que t'inflige ce monde brutal qui s'en fout te réduisent à l'essentiel
vérité vraie plus grande que toi-même
vieux concepts qui te mangent et qui te chient
tu voulais des trucs
tu les as eus et puis tu les as abandonnés
ego malade
sur le chemin du retour
tu marches sur le trottoir de cette rue qui n'en finit pas
une voiture perd le contrôle qui fonce vers toi et s'encastre dans la barrière boule derrière laquelle
tu attends figé
un choc qui ne viendra pas
cascade calibrée par ton ange gardien
qui apparemment ne picole plus lui
La société a vite fait de dénoncer comme « folle » une personne qui semble en-dehors de la norme. Or, en matière d’humanité, définir une norme est extrêmement dangereux : la norme ne contribue pas seulement à regrouper les « normaux » sous une bannière rassurante ; elle constitue surtout un moyen d’exclusion terriblement efficace, un outil de discrimination, parfois jusqu’à la négation de la personne dite hors-norme et jusqu’au doute sur son humanité. (…) Les scientifiques ont ainsi ouvert la boite crânienne de Ravachol en 1892, parce qu’ils pensaient prouver que le germe de l’anarchisme avait détruit son cerveau !
(…)
La maladie mentale est en effet largement politique : selon le contexte, sera déclaré fou tel ou tel, et si le contexte change, un malade mental pourra passer dans la catégorie des gens normaux et inversement.
in L'anarchie ou le chaos
Le besoin de critiquer est comme une maladie, et une maladie contagieuse. (…) Cela vaut aussi pour les individus : considère leurs qualités, prends en eux ce qu’ils ont de bon, et quant à leurs défauts, laisse-les leur. C’est leur affaire et non la tienne.
Et surtout Amadou, ne crois pas que le commandement, quel qu’il soit, ait jamais passé une nuit entière aux côtés de la vérité et de la justice. Ils ne peuvent demeurer ensemble, parce que la justice tue le commandement. Quand le commandement, ou le gouvernement, fait rendre la justice, c’est que cette justice ne lui gâche rien. Bien entendu, il arrive que le commandement revête le manteau de la religion, mais alors, attention ! Ce n’est plus de la religion, c’est du « commandement par la religion », ou de la « religion domestiquée ».
in Oui mon commandant !
Cette vie, la fêter
en allant jusqu’au bout
dans la paix et la fièvre,
ayant su la risquer
en se tenant debout
et la caresse aux lèvres.
La fêter en secret
en lui offrant son temps
et croire désapprendre
la peine et les regrets
en leur abandonnant
les jours tombés en cendre.
in De chair et de mots
Ne pas accepter un autre ordre que celui des affinités, une autre chronologie que celle du cœur, un autre horaire que celui des rencontres à contretemps, les véritables.
in Crépuscule d’automne
L’espoir est ce qu’il y a de plus désagréable aux âmes blessés.
Il n’y a plus qu’à attendre que la plaie du bonheur cicatrise.
Une injustice faite à un seul homme est une menace pour tous.