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CATHY GARCIA-CANALES - Page 644

  • Lyonel Trouillot

     

    Parlons-en de l'amour:

    Depuis la naissance de mes seins à eux-mêmes,
    comme une chose nouvelle
    soumise aux joies et aux épreuves qui mènent à
    sa maturation,
    depuis la naissance de mes seins à leur propre
    convoitise et à celle des autres,
    j’ai porté sur mon épaule la lourdeur du regard des hommes.
    j’ai aimé la nudité de mon corps bougeant dans l’eau du fleuve.
    Ils m'ont reproché de donner naissance à leur désir.
    j’ai aimé les routes et les jardins sauvages.
    Ils m'ont reproché d’attirer les violeurs par mon inconséquence.
    j’ai aimé les femmes, mes sœurs, leurs formes douces.
    Ils m'ont reproché de ne pas tout sacrifier à la procréation.
    J’ai aimé l’amour,
    donné sans rechigner.
    Et ils m’ont reproché de n'être pas la servante d'un seul

     

    in Le doux parfum des temps à venir

     

     

  • Le n°2 de Chats de Mars est né

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    Il est noir (!) et propose des textes de Cathy Garcia Canalès, Michel Meyer, Ingrid S. Kim, Pénélope Corps et Christophe Siébert. Empreintes de Christophe Lalanne. 

    C'est une très belle petite revue, petite comme un écrin à la fois sobre et raffiné, pour des textes de grande qualité, ceci dit sans aucun parti pris.

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Jacques Prévert

     

    Les clefs de la ville


    Les clefs de la ville

    Sont tachées de sang

     L’Amiral et les rats ont quitté le navire

     Depuis longtemps

     Sœur Anne ma sœur Anne

     Ne vois-tu rien venir

     Je vois dans la misère le pied nu d’un enfant

     Et le cœur de l’été

     Déjà serré entre les glaces de l’hiver

     Je vois dans la poussière des ruines de la guerre

     Des chevaliers d’industrie lourde

     A cheval sur des officiers de cavalerie légère

     Qui paradent sous l’arc

     Dans une musique de cirque

     Et des maîtres de forges

     Des maîtres de ballet

     Dirigeant un quadrille immobile et glacé

     Où de pauvres familles

     Debout devant le buffet

     Regardent sans rien dire leurs frères libérés

     Leurs frères libérés

     A nouveau menacés

     Par un vieux monde sénile exemplaire et taré

     Et je te vois Marianne

     Ma pauvre petite sœur

     Pendue encore une fois

     Dans le cabinet noir de l’histoire

    Cravatée de la Légion d’Honneur

     Et je vois

     Barbe bleue blanc rouge

     Impassible et souriant

     Remettant

     Remettant les clefs tachées de sang

     Aux grands serviteurs de l’Ordre

    L’Ordre des grandes puissances d’argent. 

     

     

     

  • Jacques Prévert

     

    Hélas ! Hélas !
    Trois ou quatre fois hélas!
    Voilà le mauvais temps, la crise et tout et tout.
    Le capital en prend un coup,
    ll se roule par terre et il gueule,
    ll bave même un petit peu,
    Toute la famille est inquiète.
    Qu'est-ce que c'est ?
    Ce n’est rien, c‘est la crise, ça va passer.

    Mais, dans sa cuisine, la bourgeoise sanglote,
    D'une main elle fait le signe de la Croix,
    De l‘autre elle fait la cuisine, la mayonnaise.
    Avec ses pieds, elle berce les enfants,
    Avec sa bouche, elle leur chante une berceuse.
    Mais les petits enfants,
    Les petits bourgeois ne veulent pas dormir,
    lls entendent, venant de très loin,
    Les pas et les cris des marcheurs de la faim.
    Leur bonne mère leur a dit :
    Si vous n‘êtes pas sages, les chômeurs vont venir et ils vont vous prendre.

    Les petits bourgeois ont très peur.
    Il y a des ogres dans le sous-sol de la maison.
    Il y a des chômeurs dans les environs.