Ren - Sick Boi
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Un livre fort, qui m'a fortement touchée, écho.
"Pour la première fois une mère raconte la tentative de suicide de l’enfant. Comme Virginie Despentes n’avait rien trouvé du viol dans la littérature, Mathilde Hinault n’a rien lu à propos de la tentative de suicide de l’enfant. Alors elle a écrit… Des mots qui interpellent, bouleversent et nous amènent à réfléchir, à tenter de comprendre l’insaisissable et ce qui se joue tout autour : le silence, la psychiatrie, la violence, le tabou, l’humain, si profondément humain. Comme écrit à l’arme automatique, Pas une vie en l’air est structuré en fragments courts qui partagent en direct, en temps réel pourrait-on dire, les ressorts d’une expérience fondatrice pour tous ses protagonistes."
Quelques extraits que j'ai récoltés :
Bonne nouvelle
dit la police
le téléphone a borné
le fils est vivant
Maman, je voulais mourir
cela a eu lieu
il faut vivre avec
est-ce qu’on a assez de souffle
pour remonter à la surface après ?
(...)
Pas de chance
dit l'infirmier
les mineurs sont accueillis dans une unité spécialisée,
groupes de paroles, ateliers, travail sur la confiance,
l'estime de soi
pour les adultes, l'affectation dans un service dépend du
lieu de résidence, ouest, est, nord, sud de la ville
toutes pathologies confondues
il a dix-huit ans et deux mois
l'âge, c'est l'âge
il a dix-huit ans et deux mois, il a voulu mourir
et dans la salle commune
on regarde Peppa Pig
(...)
Je voulais t'appeler
on lui parle en métaphore, la cire dans les oreilles, on ne
veut pas savoir
amitié amnésique
on a peur de cette mort
tabou
et suspicion, et si ça tournait pas rond chez elle ?
(...)
Je ne prends plus de patient ; première disponibilité dans
neuf mois ; à la retraite à la fin de l'année ; en
consultation ; laissez un message sans retour de ma part...
et puis il y a les réponses glaçons
une ordonnance de l'hôpital pour un mois
(...)
Le milieu de la psychiatrie est en crise
septembre les assises de la santé mentale elle entend
faire de la quantité, contention et chambre d'isolement,
désertions de la psychiatrie publique, non-attractivité,
psychiatrie de triage
et pourtant elle y croit
(...)
ici, la maison est vide
désertée
on craint la contagion
de celui dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom
(...)
il faudra voir avec votre mutuelle pour la prise en charge,
cent-cinq euros
le psychiatre parle dépassement d'honoraires
elle veut juste une date
le soir dans le lit elle pense
un jeune pas de famille pas d'argent
il meurt
(...)
le fils passe ses journées en pyjama
gestes lents et pas glissant
traversée d'une nuit infinie
elle le pyjama, ça l'angoisse
pas contrariant le fils
enfile un jogging
(...)
Tu as bonne mine
elle mange bien, elle dort bien, elle travaille bien,
elle sourit quand il le faut, elle se tait aussi
c'est bien, c'est pratique, automatique
(...)
ça tourne en rond
son cerveau a imprimé la mort
même si elle n'a duré qu'une nuit
Mathilde Hinault écrit pour comprendre et apprendre. Enseignante dans l’Isère elle prépare un Doctorat en Littérature française. Finaliste du Grand Prix Poésie RATP, son poème est publié dans l’anthologie Cent Poèmes pour voyager chez Gallimard (2022). Pas une vie en l’air est son premier recueil.
Parution 14 novembre 2024, Les Carnets du Dessert de Lune, Collection Lune de Poche
https://dessertdelune.com/catalogue/pas-une-vie-en-lair/
Le berger n’est pas riche. Il est certes sur SA montagne. Et ce sont SES brebis. Mais pas dans le sens de posséder. Dans le sens de connaître.
Connaître. Il n’y a pas de sentier convenu.
(…) Suivre ce flot, se laisser emporter par lui, creuser la draille où il s’engouffre, déborde, change le cours ou quitte le lit de la rivière. Le troupeau est mouvement.
(…) Le berger regarde. Il ne garde pas, ce sont elles qui le gardent. Qui gardent son âme.
(…) Je sens le vent, le froid, l’humidité, le baiser du soleil, mon corps nu dans l’océan et la rivière sur mes doigts. Cela me réveille, me dégourdit l’esprit, me fait oublier aussi bien mes certitudes que mes incertitudes. Je suis vivante.
(…) Je ne sais pas ce qui manifeste chez ces êtres là ce besoin si pressent d’honnêteté, ce rejet si convulsif de tout ce qui éloigne l’homme de sa vérité, mais il y a probablement quelque chose de l’ordre d’une blessure au cœur et d’un élan, aussi. Ce mélange de larmes et de rire, d’accident tragique et d’amour inouï.
(…) cette vie de fou où l’on nous prie d’avancer tout en restant assis, où le temps nous presse, où l’on nous presse, de quoi ?
« J’ai passé dix ans à côtoyer la mer. Elle m’a rendue heureuse. Et puis, un jour, je suis partie. J’en avais assez qu’elle me porte. J’avais envie de vivre sans elle. J’avais envie de me prouver que mes deux jambes pouvaient me pousser toutes seules. Je me suis tournée vers la montagne, par esprit de rupture et par conviction. L’horizon ne pourrait plus m’appeler. Il serait cerné par une silhouette chargée de me retenir. Lorsque la chaîne de montagne me fit face, avec un troupeau de 1600 brebis à surveiller, quelle n’a pas été ma surprise de constater à quel point je ressentais exactement les mêmes sensations qu’en mer. »
Publié chez Gros Textes en 2021 dans un contexte purement poétique, Marins, bergers, solitudes véhicule par ses photographies et surtout par son texte un propos absolument hors les drailles. Le métier de berger – de bergère en l’occurrence –, y est décrit en termes extrêmement sensitifs, dans les différentes facettes d’une relation brute avec l’environnement, la nature, les animaux domestiques et sauvages, le temps et l’espace, l’existence, le face-à-soi (les solitudes)…L’originalité du livre tient à l'évidente proximité des sensations entre marins et bergers, entre navigatrice et bergère.
Collection HORS LES DRAILLES
Préface Michel Zalio, postface Guillaume Lebaudy
88 p., illustré couleur, 24x16,5,
Cardère éd., octobre 2022
https://cardere.fr/pastoralisme/183-danser-avec-le-vent-9782376490302.html
éd. du Relié, 2019
Viens de terminer ce livre, que j'ai trouvé très intéressant même si certaines parties plus axées sur le religieux me demandent un effort car je me sens toujours à l'étroit dans une religion bien définie, par contre l'expérience de l'érémitisme me parle beaucoup et m'est d'une certaine façon très familière.
« … Et c’est ainsi qu’on se retrouve presque vingt-cinq ans sur une crête de montagne battue par les vents, dans un ermitage accessible seulement à pied, après une heure trente de portage avec tout le nécessaire sur le dos.
Heureusement, dans un paysage d’une beauté rare… Un ermitage sans confort : pas d’eau, pas d’électricité, pas de téléphone bien sûr. L’habitation consistait en une toute petite cabane précaire en planches, mais il y avait une chapelle rustique et aussi cette petite grotte difficile d’accès où l’on accédait par une étroite corniche.
Est-on plus ermite en vivant dans une grotte qu’en vivant tout simplement dans une maison à l’écart d’un village ? J’avoue que la grotte est entrée dans ma vie de solitaire sans que je sois allée la chercher : il y avait une invitation. La grotte, ce n’était pas une option personnelle, mais un appel de Dieu...
(...) Comme on le voit, le temps passé aux tâches domestiques et au bricolage est vraiment important : c’est la rançon d’une vraie pauvreté acceptée pour Dieu, de la précarité des installations. Il y a toujours une planche qui se décloue, un bout de toit qui s’arrache, un objet tombé au pied de la falaise et qu’il faut aller récupérer. Des journées emplies de rien, mais des riens indispensables. Ces combats dérisoires rabotent le sentiment d’être quelqu’un, d’avoir une importance. C’est tout d’abord angoissant, déstabilisant, avant de devenir un soulagement, une libération : j’ai très peu d’importance. Ma vie est une petite vie cachée, sans ambition, dégagée de tous les paraître, de tous les rôles, postures et autres masques. Enfin libérée de l’obligation d’efficacité, de productivité, de compétence, de justifier mon existence. La pure gratuité, être simplement parce que Dieu m’a donné d’être. Pas d’enjeu, uniquement la quête de Dieu en toutes choses, dans la paix.
(…) une façon de vivre différente fait se craqueler le vernis d’où surgit l’esprit de clan, la solidarité dans le conventionnel pouvant aller, hélas, jusqu’à l’ostracisme.
(…) En gérant ainsi son quotidien, puis sa semaine, ses mois et ses années, on comprend l’équilibre humain et le sien propre. On comprend en profondeur ce qui est humain et ce qui ne l’est pas, ce qui déshumanise et au contraire ce qui construit, fortifie chaque jour davantage. J’ai découvert même un art de vivre qui a renouvelé mon amour de la vie.
(…) Car dans le secret et le retrait, l’ermite descend dans les profondeurs de la réalité, au-delà des apparences et des faux-semblants. À notre époque, on le sait, se dévoilent de plus en plus les manipulations individuelles, mais aussi de groupes, de masse, qui peuvent conduire le monde, les société, les personnes au chaos et à la déshumanisation. La mission des contemplatifs n’est pas de s’isoler d’un tel monde devenu incompréhensible et infréquentable. Mais de proposer une vision du monde issue de leur contemplation en phase avec le réel le plus profond, le plus durable et d’aider, si nécessaire, les personnes au cœur du monde à assumer leur action, par un échange bienveillant et respectueux.
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De 1995 à 2017 : vie de solitude dans un ermitage de montagne très rude et très retiré (le but étant de suivre tout l'itinéraire spirituel décrit par sainte Thérèse d'Avila et saint Jean de la Croix. Depuis 2017, Sœur Catherine est toujours ermite. Elle s’assume matériellement pour vivre. Elle donne occasionnellement des séminaires sur l’oraison et la vie spirituelle en milieu interreligieux.
Et une reprise de ma lecture du dernier numéro de la revue Nouveaux Délits sur la chaîne de l'auteur :